L'arrivée du corps, vers 10h, impose à l'assistance un silence religieux et l'ambiance est très lourde.Drapée de l'emblème national, la dépouille mortelle de Ali Tounsi a été exposée hier, sous les psalmodies du Coran, à la salle des cérémonies de l'Ecole supérieure de police à Châteauneuf, Alger. Ironie du sort.
C'est dans cette même salle que le défunt a décoré son tueur, Oultache Choueib, du grade de divisionnaire, pour lui confier l'unité de surveillance aérienne. Entre les deux colonels, les relations dépassaient largement le cadre professionnel. L'arrivée du corps, vers 10h, à cette salle impose un silence religieux. Visage blême et regard livide, Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, fait partie du cortège, tout comme d'ailleurs, Mourad Medelci, chef de la diplomatie algérienne. Les deux ministres présentent leurs condoléances aux cadres dirigeants de la police et à quelques membres de la famille du défunt, suivis de Saïd Abadou, patron de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), et de Azeddine Mihoubi, secrétaire d'Etat chargé de la Communication.Une chaîne interminable se forme, encadrée par une file de policiers en tenue de parade. L'ambiance est très lourde. Certains policiers sont toujours sous le choc. Comme Hadj Mourad, le chef des unités républicaines d'El Hamiz. Totalement abattu, il est doublement affecté, du fait du lien de parenté par alliance qui le lie à l'auteur du crime. Se tenant debout à l'aide d'une béquille, il salue difficilement les nombreux officiers qui lui présentent les condoléances. Ces derniers ont du mal à s'exprimer, alors que d'autres, des cadres surtout, se laissent emporter par les sanglots à la vue du cercueil. « C'est un père que nous venons de perdre », lance le divisionnaire Farid Bencheikh. Les yeux rougis, la mine triste, l'officier, qui avait eu une entrevue avec le défunt quelques minutes avant sa mort, n'arrive pas à admettre « une telle fin ». Il affirme : « Quoi que disent les gens de lui, il reste pour tous les cadres de la police, un chef exemplaire. Il était très humain avec tout le monde. Lorsque nous partions en mission à l'étranger avec lui, il partageait tout avec nous, y compris son argent personnel' » Son collègue, le divisionnaire, Abdelkader Kara, patron de la formation, exprime le même avis.Pour lui, « le défunt était très respecté en dépit de tout ce qu'on peut dire de lui. Jamais un responsable n'a laissé une empreinte comme celle de Ali Tounsi ». Subitement, la salle se tourne vers l'entrée où un homme reposant sur deux béquilles s'avance difficilement. C'est le commissaire Hocine Dicho, monument de la lutte antiterroriste, qui avait perdu ses deux jambes à la suite d'un attentat à l'explosif. Il est en larmes. Il se jette sur le cercueil en sanglotant. Moment très émouvant où les larmes ont trahi même les plus insensibles. Des femmes, anonymes, sont là également pour rendre hommage à celui qui a tout fait pour que la gent féminine, dans les rangs de la Sûreté nationale, occupe les mêmes postes que les hommes.Un acquis considérable, selon la commissaire principale Kheira Messaoudène. Très affectée, elle « regrette profondément » le départ du défunt, elle qui préparait avec lui les festivités prévues pour le 8 mars, la Journée internationale de la femme. « Chaque année, il est le premier à préparer la liste des invitées, dont les premières sont les moudjahidate, pour lesquelles il voue un très grand respect. Il n'a jamais raté une seule occasion pour leur rendre hommage, à elles, mais aussi aux veuves des policiers assassinés et à toutes les femmes policières, qu'il considérait comme ses propres filles. Il agissait envers celles-ci comme un père et non comme un chef. C'est lui qui a tout fait pour redéployer les brigades des mineurs pour protéger les enfants, mais aussi la cellule de prise en charge des femmes victimes de violences.Son parcours au sein de la Sûreté nationale est unique. Sa mort est une véritable tragédie pour nous. Je ne pense pas que nous pourrions avoir un homme de sa trempe à la tête de la police' », déclare la dame, avec une voix entrecoupée de sanglots. Son collègue, patron du laboratoire de criminologie, abonde dans le même sens, en relevant le caractère très humain de Tounsi. Le divisionnaire Belarbi, l'homme le plus aimé au sein de la police, et qui dirige l'action sociale, note que le défunt a laissé derrière lui « une institution debout ». Cette reconnaissance n'émane pas uniquement des cadres en activité, mais également de ceux que le défunt a relevé de leurs postes et avec lesquels il est entré en conflit. Parmi eux, l'ancien inspecteur général, Saïdani, qui été poursuivi par Tounsi, avant d'être blanchi par la justice. Sa présence en cette journée, tout comme celle de l'ancien patron de la police judiciaire, Issouli, dénote du respect qu'il lui voue malgré le différend qui les a opposé.« La manière avec laquelle il est mort, nous incite tous à lui rendre hommage. Quelle que soit la gravité d'une crise relationnelle, personne n'accepte qu'elle se termine dans la mort' », déclare un commissaire à la retraite. En fait, tous lui reconnaissent son « côté discipliné du vrai chef ». Ce qui fait dire à Aïssa Kacemi, l'ancien directeur de l'Ecole de police de Soumaâ, et auteur d'un livre sur la police algérienne : « Les vrais chefs n'aiment pas mourir dans leur lit. Il est mort tel un grand. » Mais tous sont satisfaits par le fait que ce « chef » n'est pas mort de la main d'un policier. « C'est quelqu'un de l'extérieur de la famille. Il était discipliné, et a tout fait pour nous l'inculquer. Donc, quelles que soient les raisons, jamais un policier n'aurait agi de la sorte' C'est peut-être sa confiance aveugle envers ses amis qui l'a tué' », commente un commissaire. Il est 11h passées, et la foule continue à affluer vers le cercueil.On y retrouve des chefs de daïra, des maires, des chefs d'entreprise, d'anciens patriotes, des universitaires et même des citoyens anonymes se succèdent devant la dépouille mortelle pour lui rendre un dernier hommage. Une demi-heure plus tard, le cercueil est soulevé par des policiers en tenue de parade pour être emmené sous des youyous, à la mosquée, et après au cimetière El Alia.
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Posté Le : 27/02/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salima Tlemçani
Source : www.elwatan.com