C’est assurément une grande découverte archéologique que celle qui vient d’être effectuée dans un petit village, dans le massif montagneux d’Adekar, à l’ouest de Bgayeth. Il s’agit d’une grande stèle funéraire de type libyco-romane de 2 M 30 de longueur et d’un mètre de largeur pour une épaisseur de 25 centimètres. La stèle, qui possède un socle de 70 centimètres taillé au burin, ce qui suppose qu’elle devait être érigée en quelque lieu de culte ou de prière, est une grande dalle de grès brunâtre abondamment gravée en relief.
L’histoire de cette stèle restée longtemps secrète commence il y a quelques années quand un berger en fait la découverte alors qu’il gardait ses troupeaux. Son regard est attiré par d’étranges motifs sculptés sur une pierre enfouie dont une toute partie seulement est visible. Il creuse et creuse jusqu’à mettre à jour toute la stèle. Trop grande et trop lourde pour être déplacée facilement, elle restera là jusqu’au jour où un bulldozer ouvre une piste forestière vers ce coin de montagne qui sert de pâturages aux habitants. Les villageois profitent alors pour la hisser sur la pelle du bulldozer et la ramener jusqu’au cimetière en contrebas du village. Ils l’installent debout sur son socle et la laissent là. Un jour qu’il avait trop plu et neigé, la terre gorgée d’eau glisse sous le poids de la stèle et elle s’affaisse. Sa partie supérieure se casse. Pendant des années elle reste là et seuls quelques curieux viennent voir cette pierre sculptée qui vient d’un si lointain passé. C’est là que nous l’avons trouvée ce jeudi 07 février 2008, en compagnie de M. Djamel Moussaoui, TS en conservation archéologique, et d’un journaliste du quotidien El Watan.
Nous avons alors entrepris de nous renseigner auprès des habitants du village sur l’endroit exact où elle a été trouvée. C’est ainsi que M. Malek El Hachimi, qui était occupé à travailler sur son lopin de terre, accepte de nous conduire jusqu’à l’endroit exact où elle a été trouvée et exhumée. Il se trouve à près de deux kilomètres du village sur un coteau semé de buissons non loin d’un ruisseau qui descend de la montagne. Ce site d’une grande importance renferme un tumulus important que les habitants désignent sous le nom d’ « Ikhervane Iroumyen », c’est à dire les ruines romaines. Djamel Moussaoui nous explique alors qu’il ne faut pas se fier à ce nom d’iroumyen qui est donné aussi bien aux romains qu’aux berbères romanisés. Par ailleurs, depuis toujours en Kabylie, tous les vestiges plus ou moins importants sont attribués aux romains. Comme dit l’adage bien connu, on ne prête qu’aux riches. Le site renferme trois importants tumulus qui font tout de suite penser au vu de l’importance des ruines, que l’endroit devait être un important centre de peuplement comportant des villages probablement fortifiés. Au dessus du plus important amas de pierres, sur le sommet d’une colline, les paysans et les bergers qui nous ont accompagnés nous ont fait part de l’existence d’une importante nécropole. Nous avons également trouvé un puits comblé par les bergers eux-mêmes. L’une des tombes, ouverte récemment et rebouchée à l’aide de grosses pierres, donne à voir des restes humains visiblement très anciens si l’on juge par leur état de conservation. Il s’agit de ce qui semble être un tibia et un os du bassin. La tombe est recouverte de larges dalles et ses parois sont également couvertes de dalles. Elle mesure près de 2 mètres de longueur et 50 centimètres de largeur et elle est orienté vers le Nord Est selon la position du crane que les villageois ont vu avant qu’il ne soit enseveli par la boue des dernières pluies. La nécropole comprend des centaines de tombes, ce qui est pour notre ami Djamel Moussaoui un indice de l’importance du site. Un peu plus loin, nous visitons deux autres tumulus, dont l’un dénommé « Ikhervane net qesrith », ou « les ruines de la forteresse » avait été un jour rasé au bulldozer dans le but d’en en faire…une décharge publique. Heureusement que ce sinistre projet n’a pas été concrétisé. Pendant des heures, nous errons au milieu des pierres dans l’espoir d’apercevoir un quelconque vestige mais en vain.
Retour vers la stèle que nous photographions sous toutes les coutures. Le journaliste d’El Watan connaît un chercheur français, spécialiste des antiquités du Maghreb et il promets de lui faire un email pour lui faire part de la découverte et pour avoir son avis que la question.
Voici ce qu’en dit M.
Jean Pierre Laporte dont les divers travaux peuvent être consultés sur son site : www.tabbourt.com.
Cher ami
Merci de me consulter sur cette stèle et de me donner ces détails précieux sur les circonstances de la découverte. Tout ceci est important à noter de manière très précise. Il serait souhaitable de prévenir très rapidement la circonscription archéologique de Bejaia pour qu'ils viennent examiner la nécropole, si ce n'est déjà fait.
La découverte de cette stèle est sensationnelle. De taille importante, elle présente un aspect "romain", mais la composition de sa décoration très abondante, n'est pas romaine. Bien sur, les photographies que vous m'avez envoyées ne permettent pas de tout voir, mais je peux vous donner un premier diagnostic : Compte tenu du lieu de la découverte et de la forme du décor, nous avons affaire ici à la stèle funéraire à la romaine d'un chef libyque, probablement du IIIe siècle après J.-C. (il faudrait que je la voie pour être plus affirmatif sur la date).
Avec une allure un peu différente, elle se rapproche de deux stèles également d'apparence bien romaine découvertes entre Dra Ben Khedda et Bordj Menaiel et qui montrent chacune au centre un chef étendu sur son lit de repas (funéraire) entouré de sa femme, de ses enfants et de ses serviteurs. Sur un autre "registre", on voit le défunt à cheval entouré de cavaliers plus petits (sans doute également ses enfants), tous la javeline levée, donc à la chasse. Une inscription en latin précise sur chacune qu'il s'agissait de la stèle d'un princeps ex castello Tulei (du village de Tuleus). L'un d'eux s'appellait Amdieuma, fils d'Aumatsine(?), nom bien libyque qui demanderait à être étudié par des linguistes. Il s'agissait de chefs libyques dont l'autorité traditionnelle sur leur village avait été confirmée par l'autorité romaine, au milieu du IIIe siècle après J.-C.
Il est un peu étonnant que la stèle d'Adekar ne montre pas d'inscription, à moins qu'elle n'ait pas encore été vue. Il est également étonnant qu'elle soit décorée sur les deux faces. Les reliefs des deux côtés sont rares et seront très intéressants. Le bas de la face visible montre plusieurs cavaliers, avec un dessin analogue à ceux des stèles de castellum Tulei.
On pourrait dire cette stèle libyco-romaine, néologisme qui m'est cher et qui me semble porteur d'une réalité (en France, on dit bien gallo-romain sans que cela n'étonne plus personne) : la coexistence de l'autorité romaine et de la population autochtone pendant plusieurs siècles a amené à des échanges, à une certaine acculturation, à l'adoption d'une iconographie gréco-romaine importée (ce qui n'empêchait pas de temps en temps de grandes révoltes comme celle des Quinquegentanei au IIIe siècle et de Firmus au IVe). Dites bien aux gens d'Adekar que cette nécropole 'il n'est pas celle d'étrangers, mais sans doute de leurs ancêtres à l'époque romaine.
La population, même si certains adoptaient des formes artistiques romaines, gardait sa personnalité. J'en veux pour preuve la grande forteresse (celle-ci vraiment "romaine") qui se trouve au dessus d'Adekkar au début de l'ancienne "route touristique". Elle était plus ou moins connue depuis longtemps, mais j'en ai levé le plan en 1970, plan qui va paraître dans le prochain fascicule de l'Encyclopédie berbère (sous la rubrique "Ksar Chebel et Ksar Adekkar"). Elle protégeait la route de la crête vers Ksar Chebel, Ifigha et la vallée de la Soummam. Manifestement les Kabyles de l'époque étaient redoutés de l'autorité romaine.
Avec toutes mes amitiés
Jean-Pierre Laporte
Le journaliste d’El Watan a bien voulu mettre à notre disposition le calque réalisé par J. P. Laporte ainsi que l’explication qu’il en tire.
Il reste d'importantes déformations que je n'ai pu corriger mais le calque que j'en ai tiré permet de comprendre en gros ce qui est représenté bien que nombre de détails pourraient sans doute être précisés sur la pierre. La scène se décompose en quatre groupes.
A : en bas, un cavalier à la chasse, la javeline brandie du bras droit à demi levé, est précédé de quatre quadrupèdes. Le premier, sous le cheval, pourrait être son chien (à vérifier). Il est difficile de dire ce qu'est le gibier, il faudrait voir de près.
B : un groupe de 7 cavaliers (ses enfants mâles ?) suit le cavalier principal. Ils ont la javeline baissée, ils participent à la chasse mais ne vont pas frapper. Sur certains, on voit bien la cape qu'ils portent sur les épaules et qui retombent sur la croupe du cheval.
C : un groupe de trois personnes. Celle du centre, qui semble tenir un gobelet à la main, est probablement l'épouse du défunt (si j'en crois un personnage semblable assis à droite du défunt sur les deux stèles de Castellum Tulei. Sous toute réserves les deux personnes qui l'entourent et semblent l'enlacer ou la consoler pourraient être deux de ses filles (?).
D : tout en haut à droite, un groupe de quatre personnes, pourraient être des serviteurs (bien présents à gauche du défunt sur les deux stèles de Castellum Tulei).
C'est à dire que l'on trouve avec un assemblage différent (et beaucoup moins classique) tout ce qu'il y a sur les deux stèles de Castellum Tulei, sauf le défunt lui-même sur son lit de repas funéraire. S'il y a vraiment quelque chose sur l'autre face de la stèle, ce pourrait être tout simplement cela (éventuellement avec l'inscription qui donnerait le nom du défunt). Il est impossible de savoir à ce stade ce que représentent les deux figures gravées sur la tranche.
Je confirme ma première impression : stèle funéraire d'un chef libyque romanisé ayant à la fois adopté et transformé une iconographie gréco-romaine.
J P Laporte.
Bonjour JEAN
Je souhaite recevoir la dernière communication, que tu as
présenté à Toudja, sur les allées couvertes.
Bonne et heureuse nouvelle année 2012.
Merci et à bientôt
ZEROUROU
ZEROUROU IDIR - BEJAIA, Algérie
16/12/2011 - 23783
je connais bien cette région et je suis bien informer de cette découverte.
alors moi personnellement j'ai la vu en 1982 elle été découverte par un bergé du village d AIT MALEK ,il s'appel larbi idir.
lieu: ikharven iroumyen( ruine romain) à ighil oumalou ( térain communal adekar)
elle à été exhumée avec un bulldozer au village de tazrout ou elle été endommagée d'une partie.
gacrm moh - rien - tizi ouzou, Algérie
10/03/2011 - 12325
Une fierté de plus
La belle stèle de style libyque découverte récemment dans la région d’Adekar en Kabylie constitue une fierté de plus, pour nous, ses modestes mais Oh ! Combien dignes habitants ainsi que pour l’ensemble du peuple AMAZIGH.
Cette découverte archéologique, ajoutée à des milliers d’autres qui parsèment notre TAMZGHA (Berbèrie), vient, encore une fois, raffermir notre inébranlable IDENTITE AMAZIGH (dite aussi libyque ou berbère) séculaire et immémoriale et la souveraineté historique, sans partage, des IMAZIGHENE, sur l’ensemble du sous-continent de l’Afrique du Nord.
Elle démontre aussi, à coté de bien d’autres aspects (culture, religion, architecture, défense et protection de la liberté et de l’indépendance, …), notre participation dynamique et notre apport inestimable à la civilisation et au patrimoine de l’humanité et ce, depuis l’existence de l’homme à nos jours comme elle témoigne aussi de notre ouverture sur le monde, l’ensemble du monde.
Cette dynamique historique a fait de nous un peuple sage, dont la force silencieuse, la motivation constante et la fierté grandissante ne pourront être jamais amoindries par une quelconque force du mal.
Aussi, la population d’Adekar doit prendre grand soin de tous ses vestiges historiques en tant que premiers repères de notre mémoire et aussi points d’appui pour notre avenir, qui j’espère, en sera encore plus éblouissant.
AOUDIA Abdelkrim - Cadre - Alger
25/08/2008 - 1782
La belle stèle de style libyque découverte récemment dans la région d’Adekar en Kabylie constitue une fierté de plus, pour nous, ses modestes mais Oh ! Combien dignes habitants.
Cette découverte vient raffermir notre inébranlable IDENTITE AMAZIGH immémoriale et notre souveraineté historique sur l’ensemble du sous-continent de l’Afrique du Nord. Elle démontre aussi, à coté de bien d’autres aspects (culture, religion, architecture, défense et protection de la liberté et de l’indépendance, …), notre participation et notre apport à la civilisation et au patrimoine de l’humanité et ce, depuis l’existence de l’homme à nos jours comme elle témoigne aussi de notre ouverture sur l’ensemble du monde.
Cette dynamique historique a fait de nous un peuple sage, dont la force silencieuse, la motivation constante et la fierté grandissante ne pourront être jamais amoindries. Aussi, la population d’Adekar doit prendre grand soin de tous ses vestiges historiques en tant que repères de notre mémoire et aussi points d’appui pour notre avenir, qui j’espère, en sera encore plus éblouissant.
AOUDIA Abdelkrim - Cadre - Alger
25/08/2008 - 1781
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 29/03/2008
Posté par : nassima-v
Source : www.kabyle.com