Algérie

Gouvernement: Quelles priorités pour l'après-«Covid-19»



? «C'est un véritable tableau de bord pour les différents départements ministériels », avait déclaré, en février dernier, Bachir Messaitfa à propos de la «Vision Algérie 2035», un projet « en phase de finalisation» a-t-il affirmé. Le porte-parole de la présidence de la République a, lui, confiné la prospective à la période post-pandémie «Covid-19».La réouverture d'un département chargé des statistiques et de la prospective s'est imposée au Président Tebboune, dès qu'il a entrepris ses consultations politiques, une fois installé au palais d'El Mouradia. C'est ainsi qu'il l'a inscrite dans l'organigramme du gouvernement Djerrad, sous l'intitulé : «ministre délégué», incarné par la personne de Bachir Messaitfa. C'est à ce titre que cet économiste de formation a fait, en janvier dernier, un come-back à la prospective après l'avoir représenté auprès du Premier ministre, entre 2012 et 2013. Dès son retour aux affaires de l'Etat, en janvier dernier, Messaitfa a déclaré que sa mission c'est de «définir les conditions du décollage économique et du développement global du pays, à travers les études indispensables, ainsi qu'à détecter les signaux futurs, en vue de les mettre à la disposition des secteurs gouvernementaux, pour leur exploitation». Et que son action reposera « sur 10 principaux points, à savoir : atteindre un taux de croissance de 6% à l'horizon 2030, répondre à la demande interne, réguler les niveaux de consommation, réaliser les équilibres macroéconomiques, notamment la balance des paiements, redynamiser les secteurs en récession, assurer la bonne gestion de l'inflation et du marché de l'emploi, cristalliser une vision à long terme, apporter des solutions réalistes et pratiques, garantir des données statistiques et ?uvrer à asseoir la règle de la transparence dans l'information économique». Le ministre délégué qui, par extrapolation réglementaire, ne possède en principe pas une administration indépendante du ministère des Finances, a vite fait d'annoncer qu'il procédera «à l'ouverture de chantiers en vue de tracer une stratégie pour opérer le décollage économique, à l'horizon 2030, se hisser au niveau des économies émergentes, à l'horizon 2050 et réaliser le développement global, à l'instar des grandes puissances économiques».
«Une prospective pour la post-pandémie Covid-19»
En marge de la réunion Gouvernement-Walis qui s'est tenue à Alger le 18 février dernier, Messaitfa a fait savoir que des experts nationaux planchaient déjà sur des recommandations et des propositions sur la «Vision Algérie 2035» qu'ils devaient soumettre à une conférence nationale prévue à cet effet. Jeudi dernier, le ministre conseiller à la communication et porte-parole de la présidence de la République a annoncé la préparation de l'Algérie pour l'après-«Covid-19». Belaïd Mohand Saïd a affirmé que «sur ordre du président, des commissions composées d'universitaires et d'experts auront pour mission d'examiner la situation économique et la prospection pour la post-pandémie de ‘Covid-19', (…) il y a un plan pour construire l'économie nationale, sur la base du développement durable et de la rationalisation de la consommation énergétique». Les choses semblent évoluer autrement que vers la «Vision Algérie 2035» dont a parlé Messaitfa. Tout en reconnaissant que «le monde, après coronavirus, connaîtrait plusieurs mutations et changements dans l'équilibre géopolitique outre l'entrée dans une période de stagnation économique pendant un certain temps», Belaïd en a atténué les effets par anticipation en déclarant que «cette situation n'aura pas d'impact majeur sur l'économie nationale, au cours de cette année, si les prix du pétrole continuent de remonter». C'est probablement la phrase assassine qu'il aurait dû éviter de prononcer, dans une situation de récession économique mondiale mais aussi nationale. Les indicateurs parlent d'eux-mêmes. L'Algérie devra, en effet, composer avec la diminution drastique de la fiscalité pétrolière, la mise à l'arrêt d'un nombre important d'entreprises privées et même publiques par manque de plans de charge et l'absence d'approvisionnement en matières premières, la non reconduction des travailleurs contractuels, dans différents secteurs, la disparition de nombreuses activités informelles qui jusque-là nourrissaient des familles entières, la réduction de plus de moitié des capacités de production des entreprises et services qui continuent de travailler, en cette période de confinement avec moins de 50% de leurs personnels, la fermeture des écoles et universités qui va remettre en cause le nombre de places pédagogiques disponibles, les moyens de prise en charge des recalés dont le nombre va certainement augmenter, la contraction des cours pour des périodes d'examen raccourcies.. La référence de Belaïd à un hypothétique rebond des cours du pétrole prouve si besoin est, que le pays continuera pendant longtemps de scruter les horizons pétroliers et boursiers.
Des pratiques bureaucratiques tenaces
Pourtant, de part les bouleversements économiques, sociaux, culturels et même mentaux et psychiques que provoquera en évidence, la pandémie du ‘Covid-19', l'Etat devra revoir ses priorités et s'empresser, selon des spécialistes de la gouvernance locale, à « déconcentrer les pouvoirs pour pouvoir les décentraliser d'une manière effective et laisser les autorités locales agir selon les besoins, les préoccupations et les priorités de leur cité et leurs populations, ce qui responsabilisera tout le monde et créera forcément des richesses locales». La réforme des missions et des structures de l'Etat s'impose alors de fait et pourra être amorcée immédiatement. Le cri de détresse lancé, la semaine dernière, par des exploitants agricoles du Sud, entre autres Ghardaïa et Menâa, laisse cependant croire que le pouvoir politique et financier central continue de soumettre des projets d'investissements à des pratiques bureaucratiques tenaces. Des investissements productifs qui peuvent compenser l'effet de la fiscalité pétrolière sur certains secteurs. La contrainte majeure dans cette situation de fait est que les compétences qui sont sollicitées pour prospecter l'avenir national, circonscrivent leur travail à une vision politique étriquée par un mandat électif et non par une vision nationale hors hydrocarbures. «On n'est pas dans la vraie réforme de l'Etat qui, elle, va au-delà d'un mandat présidentiel», soutiennent des analystes. Qui plus est, l'Algérie a pris deux importants engagements auprès des instances onusiennes ; le premier est d'intégrer dans ses programmes et plans d'action, la réalisation des 17 ODD (objectifs de développement durable) et le second, les objectifs du NEPAD (Nouveau Partenariat Africain de Développement). Elle l'a fait en juillet 2019, date à laquelle elle a présenté son projet volontaire sur les ODD à l'Assemblée générale des Nations-Unies. Les deux engagements obligent le président de la République à intégrer les collectivités locales dans une gouvernance régionale effective et réelle. Mais en comptant sur une hausse du baril de brut, Belaïd laisse croire que le pays pense plus à rééquilibrer les ressources budgétaires de l'Etat qu'à permettre aux agriculteurs du Sud de se mettre au travail.


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