Algérie

Gouvernement de combat et de communication !



On sait désormais qui est le nouveau Premier ministre - et non chef de gouvernement -, en vertu de la Constitution substantiellement amendée. Mais on n'a pas encore une idée précise sur le format et le type de gouvernement que le successeur de Abdelaziz Djerad aura à conduire. Mais le profil de spécialiste financier et fiscal d'Aïmen Benabderrahmane est en soi une indication sur sa feuille de route gouvernementale. On peut imaginer alors que sa solide connaissance de l'état réel des finances du pays et du système fiscal le destine à mener une sévère politique de rigueur et d'austérité. Une orientation dictée par la complexité de la crise depuis la chute drastique des revenus extérieurs en 2014, les difficultés étant aggravées, à grande échelle, par les conséquences d'une Covid-19 mutante et persistante.Lorsqu'il présentera à la nouvelle APN le programme de son gouvernement, inspiré directement des 54 engagements politiques du Président Abdelmadjid Tebboune, Aïmen Benabderrahmane ne sera pas dans la position de Winston Churchill le 13 mai 1940. Loin s'en faut. Le remplaçant de Neville Chamberlain, que d'aucuns avaient accusé de ne pas avoir su préparer son pays à la guerre, avait demandé à la Chambre des Communes britannique d'appuyer son gouvernement, en lançant sa fameuse profession de foi de « je n'ai à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Cette phrase de l'historique dirigeant britannique avait été qualifiée de paraphrase de celle prononcée en juillet 1849 par l'Italien Giuseppe Garibaldi, lors du rassemblement de ses forces révolutionnaires à Rome : « J'offre faim, soif, marche forcée, bataille et mort .» Malgré la conjoncture très difficile et ses moyens d'action limités, l'ancien ministre des Finances dans le gouvernement sortant n'aura pas à dire, comme Churchill et Garibaldi, qu'il n'aura à proposer que faim, soif, sang et mort. Le concernant, ce sera certainement du labeur, de la sueur et une marche forcée !
Mais nul n'ignore que sa tâche sera encore plus rude que celle de son devancier, et qu'elle aura un peu des allures de travaux d'Hercule. Et pour cause ! Les indicateurs sont plus que jamais au rouge : contraction nette du PIB, inflation perçue galopante, un dinar en constante baisse, réserves de change en déclin progressif, chômage à deux chiffres, des centaines d'EPE en faillite, recettes d'hydrocarbures équivalent au tiers du coût de la demande sociale et, du point de vue général, une économie en détresse respiratoire du fait de la Covid-19 !
Aïmen Benabderrahmane s'engage, par conséquent, dans une mission très difficile mais en rien impossible. Une charge qui requiert par principe l'existence d'une base politique de soutien propre qui lui fait défaut. Sauf à s'appuyer sur les forces politiques les plus importantes à l'APN qui ont pourtant recueilli moins de dix pour cent des suffrages exprimés, lors d'un scrutin marqué par un taux d'abstention et un nombre de bulletins nuls battant tous les records ! On suppose de ce fait qu'une coalition parlementaire FLN-RND-indépendants, plus un renfort supplétif, ne lui serait pas d'un grand secours, sauf à lui éviter une éventuelle action d'entrave. De même que cette addition partidaire ne lui serait pas vraiment utile sur le terrain de la mobilisation populaire, sachant son faible niveau d'ancrage dans la société.
Le nouveau Premier ministre ne pourra donc compter que sur lui-même, sur l'équipe qu'il aura à animer et, naturellement, sur l'appui du chef de l'Etat qui lui a accordé sa pleine confiance. Obligé qu'il est de former un gouvernement de compétences réelles, un cabinet de combat basé sur une équipe de forte conviction. Un collectif soudé et tendu vers un seul but : gagner la confiance grâce à une action claire, lisible et visible. Un gouvernement de communication de tous les instants. Un exécutif imprégné de l'idée que la communication constitue désormais un enjeu politique majeur. Au même titre que les autres grands défis de l'heure que sont la sécurité nationale, la politique étrangère et la question sociale. Le savoir-faire technocratique, la culture politique et l'engagement actif du nouveau gouvernement n'auraient, ceci dit, de sens que s'ils s'appuyaient sur un faire-savoir certain en matière de communication politique. Une communication qui serait à la fois de crise et de proximité, intelligente, dynamique, ciblée. Soumise à l'arbitrage suprême et confiée à un porte-parole unique de l'Exécutif chargé d'assurer un service après-vente pédagogique, de tous les instants, de l'action publique.
C'est évident, la confiance et la communication politique sont insécables. Indissociables du concept de démocratie et de l'action publique. Les trois notions s'exerçant en visant la même chose : la recherche d'un objectif minimal ou maximal, à défaut d'un idéal. La communication est aujourd'hui au centre de ce triptyque. Ne pas oublier à ce sujet que le verbe latin « communicare » a donné en français les deux verbes « communier » et
« communiquer ». D'où l'idée d'un gouvernement qui communique pour mieux être en communion avec l'opinion publique. Par rapport au passé lointain et surtout récent, ce serait une formidable performance politique et une belle action patriotique dédiées à l'essor du bien commun.
On demande donc au futur gouvernement d'être à la fois un Hercule et un exécutif qui communique juste, c'est-à-dire qui soit intelligible, audible, réaliste et crédible. Loin de toute rhétorique, adoptant un discours non démagogique et expurgé de la sempiternelle langue de bois algérienne improductive et contreproductive. On attend de lui qu'il soit aussi un Oncle Picsou très près de ses sous dans une conjoncture d'état d'urgence économique. Situation de crise requérant encore des coupes claires dans les budgets, notamment dans celles du train de vie de l'Etat. Et qui nécessite une focalisation sur les projets de développement prioritaires et les plans structurants, à forte valeur économique, sociale et culturelle ajoutée.
Le temps des vaches maigres et des cures de minceur est salutaire. Durant deux décennies d'impéritie et de gabegie, l'Algérie a globalement fonctionné comme une cigale dépensière, même si l'idée de justice sociale et de redistribution de la rente était acceptable en soi. Il n'est donc que temps de devenir fourmi. D'apprendre à ne plus jouer au riche qui dépense sans compter et surtout sans contrôle. De faire de nos privés de vrais capitalistes au lieu d'être de simples riches qui accumulent l'argent facile, sans créer pour autant de la richesse et de l'emploi massif.
Ne pas oublier, à ce propos, que c'est la chute vertigineuse des recettes pétrolières en 1986 qui a fait le lit des réformes de 1989. Morale de l'histoire : on réfléchit et on travaille mieux quand on a beaucoup moins d'argent. Quand on est débarrassé du satanique syndrome hollandais, accommodé sans cesse à la sauce épicée algérienne.
N. K.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)