Algérie

Gouvernance, le parent pauvre



La cause de tous les maux à Sonatrach est l'éloignement des bonnes pratiques de gouvernance.Quelle place pour la gouvernance à Sonatrach ' Sous quel angle les observateurs la regardent ' Sous le règne de l'Exécutif Bouteflika, Sonatrach a été aux prises avec la pire crise de gouvernance jamais vue de mémoire de pétrolier. "La bonne gouvernance définit la manière de gouverner en fixant clairement les règles et les principes de la gestion d'une entreprise dans la transparence la plus totale pour ne pas laisser de place aux intérêts divergents et personnels", ainsi que l'explique Saïd Beghoul, spécialiste des questions énergétiques.
La gouvernance désigne aussi un mouvement de décentrement de la réflexion, de la prise de décision et de l'évaluation, avec une multiplication des lieux et d'acteurs impliqués dans la décision ou la construction d'un projet.
Les bonnes pratiques de gouvernance dictent que la gestion doit être accomplie par une organisation dont la compétence est reconnue. M. Beghoul schématise que l'entreprise est un "petit gouvernement, et que dans une bonne gouvernance, il n'y a, en principe, pas de place pour la corruption".
D'autres voix se joignent à ce point de vue, pour dire que la cause de tous les maux à Sonatrach est l'éloignement des bonnes pratiques de gouvernance. Mais le fléau de la corruption et le manque de gouvernance ne sont pas le propre d'un Etat particulier ou d'une entreprise particulière. Et ils ne dépendent pas forcément de la nature du régime politique, sauf que c'est plus spécifique aux Etats en difficultés économiques. M. Beghoul relève à ce propos que "l'Inde est la plus grande démocratie du monde, avec un bon fonctionnement des institutions, mais se caractérise par un fort niveau de corruption".
"C'est aussi, dit-il, un peu l'effet du syndrome hollandais qui affecte, par exemple, un pays rentier lorsque ses gisements pétroliers commencent à se dépléter et la rente à s'amenuiser." "Sur le terrain, c'est la ruée vers le gain d'origine frauduleuse, notamment en matière d'octroi de marchés publics, portant atteinte à la libre concurrence", ajoute notre interlocuteur, soulignant que "l'absence d'une bonne gouvernance en termes de transparence, de responsabilité et de contrôle laisse davantage le champ libre aux versements de pots-de-vin, à la dilapidation des deniers publics et à l'abus de fonction".
Rigidité dans l'organisation
"La lutte contre la corruption passe par le renforcement des institutions permettant une gouvernance saine autorisant une meilleure croissance économique du pays", estime l'expert. L'archaïsme dans le fonctionnement de la compagnie a fait beaucoup de mal, beaucoup de torts. Notre interlocuteur estime que "le style autoritaire du management et peu réactif de certains hauts responsables de l'entreprise a inhibé l'engouement des partenaires à investir en Algérie".
Et de relever : "Ce type de management est pernicieux, caractérisé par des stéréotypes, telle la bureaucratie, la lenteur dans la prise de décision, voire l'indécision, avec en plus la monopolisation et la centralisation du pouvoir et la multiplication des règles et procédures assez strictes, sans oublier le syndrome de la réunionite qui consomme jusqu'à plus de 50% du temps journalier."
"Cette rigidité dans l'organisation de l'entreprise est accoudée à sa structure pyramidale multi-étagée, à très faible aplatissement, où la communication verticale est quasi inexistante entre les différents niveaux hiérarchiques depuis le cadre dirigeant jusqu'à la maîtrise, le poste organique primant sur la valeur et l'expertise de l'individu", explique l'expert, laissant constater que "la dispersion et la sous-utilisation des compétences, le rejet, la marginalisation, la discrimination et le blocage des carrières ont atteint un niveau très inquiétant".
De plus, l'échelle des valeurs s'est décalée, et il conviendrait de la remettre dans ses repères. Il ajoute aussi que "le népotisme, le clanisme et l'oligarchie dans le recrutement et les promotions à tous les niveaux ne sont pas en reste". M. Beghoul critique également l'innovation technologique, jugeant qu'elle est "le grand point faible de Sonatrach qui, après 57 ans d'existence, n'a aucun brevet ou de véritables centres de recherche nodaux à son actif, à l'instar des autres compagnies pétrolières dont de plus récentes".
En résumé, aux dires de beaucoup, la compagnie nationale devrait prendre des mesures touchant la question de la gouvernance d'entreprise pour exercer un meilleur contrôle sur le monde des affaires. Cela devrait lui permettre de gérer ses affaires de manière saine et de réussir à se projeter dans un avenir serein.

Youcef SALAMI


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