L'Etat n'a pas versé de TVA aux sociétés étrangères depuis près de dix
ans et, par conséquent, il leur est redevable de près de trois milliards de
dollars.
Cabinets de consulting et cabinets d'affaires, avocats connus ne savent
pas comment résoudre l'équation «d'un Etat riche qui ne paie pas ses clients ou
ne s'acquitte pas de ses dettes». L'on ne se gênerait pas de rappeler que
«l'Etat a toujours été un mauvais payeur». Mais plus encore. Il est accusé de
pratiquer des règles non écrites malgré leurs conséquences négatives sur
l'économie nationale et le développement des investissements ainsi que leur
capacité à mettre de l'ombre sur les véritables lois. «L'Algérie est dans une
situation économique complexe où il est difficile de trouver le bout de l'écheveau
pour le démêler», nous disait hier un consultant de renommée mondiale. L'on
saura ainsi que le gouvernement refuse de payer une dette de près de 3
milliards de dollars aux entreprises étrangères, une dette cumulée sur une
dizaine d'années en raison de son non-paiement de leur TVA. Interrogé à ce
sujet en marge de la journée parlementaire organisée lundi dernier au siège de
l'Assemblée, le ministre des Finances a préféré avancer un sourire sympathique
avant de répondre par un rappel d'une vague procédure technique que les
entreprises étrangères se doivent, selon lui, de suivre. «Ah bon ?», s'est-il
interrogé en premier, «je ne suis pas au courant», ajoutera-t-il avec un large
sourire pour cacher peut-être sa gêne. «Il est question de précomptes où il est
calculé une TVA entre deux taux, un normal et un autre différentiel», a-t-il
lâché avant de s'engouffrer dans l'ascenseur de l'APN.
Karim Djoudi ne pouvait qu'être gêné face à un
problème qui non seulement persiste mais qu'il n'a aucun moyen de résoudre, ministre
des Finances qu'il est. Il aurait, selon nous sources, «levé les bras au ciel à
l'évocation de cette dette, montrant ainsi son incapacité à trouver une
solution à un problème qui lui échappe». Djoudi
pourrait «à la rigueur répondre à quelques sociétés étrangères sans plus, parce
que le montant est important et son paiement semble ne pas relever de ses
prérogatives», ajoutent nos sources.
L'ENIGME DES TIMIDES APPARITIONS DU SG DU RND
L'on susurre que ce refus de paiement serait «une instruction non écrite
du Premier ministre, Ahmed Ouyahia». Certaines
sociétés étrangères se sont tournées, selon nos interlocuteurs qui sont
directement concernés par le traitement de pareils dossiers, vers la justice et
ont déposé plainte. «Mais les dossiers traînent et personne ne peut trancher la
question», affirme-t-on. D'autres «pas des moindres, pétrolières ou de
construction et anciennement installées» penseraient à quitter l'Algérie «vu
que leurs affaires peinent à se développer. Déjà que les sociétés étrangères
arrivent difficilement à faire valoir leurs droits en matière de rapatriement
des bénéficies en raison de la complexifié du texte réglementant le change…». Il
est même affirmé dans ces mêmes milieux que «les sociétés étrangères qui
réalisent des projets de développement sont véritablement coincées parce
qu'elles n'arrivent pas à faire légalement réceptionner leurs projets une fois
réalisés». L'on explique qu'«aucun responsable dans aucun ministère ne veut
apposer sa signature ou mettre son cachet pour agréer la réception des projets
finalisés, de ce fait, il y a des projets qui fonctionnent mais presque dans la
légalité et sans que leur soient comptabilisés ni les rendements ni les
dividendes». L'effet «scandales Sonatrach ou de
l'autoroute est-ouest, qui ont entraîné dans leur déferlement de nombreux
cadres rien que parce qu'ils ont signé des documents, pèsent lourdement sur le
fonctionnement des institutions de l'Etat», nous est-il noté. Les cabinets
d'affaires jugent la situation inextricable. «Une véritable cacophonie !», s'exclament-ils.
«Ahmed Ouyahia n'en fait qu'à sa tête ?», interrogent-ils.
Peut-être en l'absence physique et surtout morale du président de la République
qui, si la gestion des affaires publiques ne lui incombe pas directement, est
pourtant le seul à pouvoir exercer la prérogative de l'arbitrage quand les
choses se compliquent. Selon nos sources, le chef de l'Etat s'est totalement
détaché de la gestion courante des dossiers de l'Etat. «Il s'enferme très
souvent seul, il refuse de voir les gens, il n'intervient que quand il s'agit
d'affaires sécuritaires», affirment nos sources.
NOUVELLES MISSIONS POUR L'ARMEE ?
D'ailleurs, les derniers changements intervenus au niveau du département
du DRS que dirige Mohamed Médiène (Tewfik) ont reçu son aval avant d'être confirmés. En tant
que chef suprême des armées, sa vision des choses sur le dossier sécuritaire a
changé en raison des bouleversements que connaissent la région et notamment les
frontières sud du pays. La crise en Lybie est venue
lui en imposer son adoption par des faits concrets. En 2000, il avait martelé
que l'armée algérienne devait se professionnaliser. «Parce qu'elle doit se
retirer des arcanes de la politique, rentrer dans les casernes et s'occuper
convenablement de la surveillance du pays et de ses frontières», expliquent des
spécialistes. Il en a même fait appel pour cela à l'OTAN dont les offres de
services pour professionnaliser les armées du tiers monde notamment celles
arabes, sont nombreuses et diverses. «Mais aujou-rd'hui,
les choses ont évolué bien différemment de ce qui était attendu ou visé. Le
président veut une armée qui se spécialise dans le sécuritaire pour pouvoir
répondre aux exigences du terrain et des multiples fronts qui ont été ouverts
pour déstabiliser le pays», affirme-t-on. L'insistance de l'Algérie à renforcer
le CEMOC (Comité d'état-major opérationnel conjoint) et l'UFL
(Unité de fusion et de liaison) avec ses pays voisins du sud et sa gestion par
les chefs d'états-majors militaires des quatre pays appellent à une
redéfinition des tâches et des missions des troupes militaires. Il est évident
que l'armée ne fait pas face à des guerres conventionnelles mais au terrorisme,
à la circulation des armes et à la transcriminalité
sous toutes ses formes. Tout autant que l'ensemble des forces de sécurité, les
militaires se doivent de faire dans le renseignement en premier lieu. C'est une
exigence de taille de la nouvelle guerre. L'attentat, le 26 août dernier à
l'académie militaire de Cherchell, n'en finit pas de susciter des
questionnements lourds de sens.
Mis à part ces grandes questions de sécurité ou de stabilité du pays liés
à des feuilles de route internationales et régionales contraignantes, Bouteflika semble avoir choisi de vivre en ermite, seul et
isolé de tous, mis à part sa famille. «Il ne voulait pas aller à Laghouat ni
ouvrir l'année judiciaire, il l'a fait à contrecÅ“ur», nous disent des personnes
qui lui sont proches et qui ajoutent qu' «il n'a d'ailleurs pas été accueillir
le président mauritanien à son arrivée à Alger comme l'exigent les usages
protocolaires mais a confié la mission au président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah. Reste sur la scène un Premier ministre habitué à
afficher une assurance voire une suffisance face à tous les problèmes.
DJABALLAH, UNE NOUVELLE PIECE SUR L'ECHIQUIER ISLAMISTE
Les observateurs auront cependant relevé qu'en tant que secrétaire
général du RND, Ouyahia a commencé timidement sa
campagne électorale. «Ce n'est que ces derniers temps qu'il a décidé d'animer
des meetings mais loin des médias, il les tient à huis clos», notent ses
collaborateurs. Contrairement au SG du FLN qui occupe la scène politique et
médiatique depuis longtemps en prévision des futures élections, le patron du
RND, par ses rares apparitions en tant que tel, ne semble pas trop donner
d'importance à des échéances qu'on qualifie pourtant de «cruciales et
décisives». Il aurait peut-être compris qu'il ne sera pas consacré première
force du pays en ces temps où les partis islamistes reprennent du service dans
plusieurs pays arabes. A moins que le Premier ministre ne s'attende à un
retournement brusque de situation qui le projetterait indéniablement au-devant
de la scène. Faits incontestables : Bouteflika se
détache, jour après jour, de la scène politique. Le pouvoir ne doit lui dire
plus rien. Certaines personnes de son entourage avancent même que «s'il n'y
avait pas son frère Saïd qui lui aurait demandé de terminer son mandat, il
aurait quitté son poste de président». Il est aussi indiqué qu'il y a à peine
quelques mois, le patron du DRS, Tewfik, lui aurait
présenté sa démission mais il lui aurait dit : «Patientes un peu, on partira
tous ensemble». D'ailleurs, il est admis que si Bouteflika
quitte la table, il ne laissera personne de son règne derrière lui. «Si je pars,
tout le monde doit partir», aurait-il lâché un jour.
L'avènement de nouveaux partis politiques sur la scène nationale laisse
présager une résurgence du courant islamiste à l'issue des scrutins électoraux
de l'année prochaine. «Les islamistes auront plusieurs façades, du modéré, au
toléré, au conservateur jusqu'au radical», pensent des analystes. Le retour d'Abdellah Djaballah à la tête d'un
nouveau parti pourrait en effet, plus qu'Ahmed Taleb Ibrahimi,
constituer une nouvelle pièce dans l'échiquier islamiste que les Américains
chercheraient à mettre en place dans la région. Il pourrait même en être une
pièce maîtresse dont le rôle pourrait être bien (re) modelé
par le pouvoir en place même si Belkhadem continue de
plaire encore à Hillary Clinton.
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Posté Le : 28/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com