Algérie

GILLES KEPEL À LIBERTE : «Le Qatar aide les Frères musulmans, l'Arabie saoudite les salafistes»



GILLES KEPEL À LIBERTE : «Le Qatar aide les Frères musulmans, l'Arabie saoudite les salafistes»
Fin connaisseur des mouvements islamistes et du monde arabe, Gilles Kepel, éminent universitaire, auteur de nombreuses publications, a palpé le pouls des révolutions arabes pour en saisir jusqu'aux battements les plus imperceptibles. Une vadrouille, à la manière d'un grand reporter, de près de deux ans, entre 2011 et 2013, dans plusieurs pays arabes lui a permis d'entrevoir qui aide à étendre la bannière islamiste sur ces révolutions : le Qatar et l'Arabie saoudite.
Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Dans un entretien au journal Liberté, publié dans son édition d'hier samedi, Gilles Kepel atteste de qui sponsorise les islamistes qui ont phagocyté les révolutions arabes mais, plus intéressant encore, explique de quoi cela procède. Pour lui, ce sont les gazo-monarchies, le Qatar en tête, et les pétromonarchies, l'Arabie saoudite surtout, qui appuient et financent les islamistes. Le Qatar investit sur les Frères musulmans alors que l'Arabie saoudite fraie avec les salafistes. «Soutenus par le Qatar, les Frères musulmans veulent s'emparer du pouvoir politique par le haut, en prenant le pays par les urnes. Financés par l'Arabie saoudite, les salafistes veulent islamiser l'ensemble de la société par le bas, en œuvrant dans les quartiers pauvres et les bidonvilles, sans forcément prendre le pouvoir politique. Même si récemment, ils ont formé des partis. Ce qui est nouveau pour la mouvance », distingue-t-il. Mais pourquoi les monarchies du Golfe œuvrent-elles à asseoir des hégémonies islamistes dans les pays ayant connu des révolutions populaires d'origines plutôt laïques ' La réponse de Gilles Kepel est édifiante. Les monarchies du Golfe agissent de la sorte pour éviter que de telles révolutions n'essaiment chez elles et perturbent le sommeil des princes. «Les révolutions arabes ont terrorisé les princes des gazo-monarchies comme le Qatar et ceux des pétromonarchies comme l'Arabie saoudite. Les mots d'ordre des jeunes révolutionnaires : démocratie, justice sociale, liberté incarnent tout le contraire de la politique de ces émirats et royaumes corrompus et dictatoriaux. Ces derniers ont vécu dans l'angoisse de voir les manifestations arriver jusqu'à leurs portes pour les prier de partager leurs richesses», soutient-il, ajoutant que «pour endiguer cette menace, les pays pétroliers du Golfe ont sponsorisé des groupes islamistes et salafistes afin que ces mouvements religieux retournent la colère de leurs partisans contre les laïcs, les libéraux et les mauvais musulmans, sans remettre en cause les comportements et les privilèges des princes qataris ou saoudiens. Le pétrole est une vraie “malédiction”». Gilles Kepel, qui dit ne pas vouloir hâter les conclusions, estime, par ailleurs, que «les printemps arabes ont tout de même produit dans leur sillage des dissensions dans les rangs islamistes. Un constat valable aussi bien pour les Frères musulmans que pour les salafistes. (…) les islamistes ne parlent plus d'une voix unique. Ils sont confrontés à des difficultés économiques et la jeune génération se rend compte, peu à peu, qu'on ne dirige pas un pays avec des versets coraniques.» Gilles Kepel note enfin, et c'est important, que les islamistes n'ont pas été à l'origine des révolutions arabes mais s'y sont greffés pour les détourner.


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