Algérie

Ghettoïsation, le lourd tribut Constantine ou la difficile cohabitation des occupants de bidonvilles relogés



Ghettoïsation, le lourd tribut Constantine ou la difficile cohabitation des occupants de bidonvilles relogés
Photo : M. Hacène
De notre correspondant à Constantine
A. Lemili

Le déplacement massif de personnes résidantes, pour certaines depuis plus de trente ans, dans les bidonvilles vers la nouvelle ville Ali Mendjeli n'est pas sans annoncer de grandes difficultés dans un avenir à moyen terme. L'expérience a déjà été faite avec le relogement des habitants de cités lépreuses ayant inauguré le cycle et quoiqu'il n'y ait pas lieu, au risque de discrimination et/ou procès d'intention, de faire tout amalgame il n'y a pas lieu d'occulter le fait que le brassage de gens habituellement ancrés en milieu urbain et ceux en périphérie n'a pas été sans faire des étincelles. Autrement dit, l'harmonie n'a jamais été la caractéristique essentielle de ce melting-pot et les actes de violence et autres de prédation ont régulièrement fait les choux gras des quotidiens d'information, mais ont surtout alimenté les discussions de rue alors que, déformées dans la majorité des cas, certaines situations ont littéralement installé la psychose parmi les habitants de quelques cités jusqu'à faire de la peur-panique une seconde nature.
Des centaines d'habitations précaires ont été démolies ces dernières semaines dans le cadre de la réhabilitation de la ville et leurs habitants installés en grande partie à la nouvelle ville Ali-Mendjeli. Plusieurs bénéficiaires ont déjà fait part de leur intention de «vendre» pour aller s'installer ailleurs au moment où d'autres, dans la même intention, s'évertuent à placarder de petites annonces sur les vitrines des commerces où leur proposition consiste en un échange, l'annonce étant toujours accompagnée de «étudie toutes propositions». Comprendre par là que l'annonceur n'exclut pas l'idée de rajouter de l'argent pour espérer convaincre un éventuel candidat.
A chaque fois, ces déplacements de population ne sont pas sans véhiculer une image d'Epinal, nous en donnons pour preuve le récent déplacement des habitants de la cité Sotraco et les «assurances» avancées par des «sages» de la rue de Roumanie, précurseurs de ce genre d'exode, à leurs nouveaux voisins et la promesse de vivre en paix. Un état des lieux qui confine presqu'au délire et devant lequel la guerre des Earp et Clanton serait comparable à un chahut de cour d'école.
Il y a lieu de souligner que quelques jours auparavant un affrontement homérique a eu lieu entre les relogés de la rue de Roumanie et la cité Sotraco, à telle enseigne que les pouvoirs publics locaux ont décidé d'installer un imposant dispositif policier sur les lieux.
«C'est presque du Mad Max», nous dira un ancien fonctionnaire, aujourd'hui à la retraite. «Parce que premiers arrivés sur les lieux, les délocalisés de la rue de Roumanie ont tracé un territoire en vertu de ce constat. Ainsi, est-il interdit de stationner un véhicule, de vouloir utiliser une petite infrastructure sportive commune si une dîme n'est pas versée. Bien entendu, nos enfants n'ont pas accepté ce diktat et les conséquences ont très vite été proportionnelles à ce non-sens. Femmes et filles craignent de sortir, les jeunes se baladent armés d'arme blanche ou de tout objet de nature à leur permettre de répondre à une agression ou une provocation», ajoutera notre interlocuteur, lequel reste toutefois confiant, concluant qu'il «faudra laisser du temps au temps. Cela s'est passé de la même manière à chaque fois qu'il y a eu un déplacement massif du genre».
Images presqu'apocalyptiques qui dépeignent de la manière la plus crue l'absence d'un moyen dont la mission aurait été d'absorber ce genre de situation. Ce moyen ne pouvant émerger que du mouvement associatif et c'est justement là qu'est implacable le constat : il n'existe pas de tissu associatif à même de prendre en charge sur le plan matériel, physique, psychologique ce qui, plus qu'un déplacement géographique, est surtout un déracinement. Pour un jeune qui est né et a vécu dans un même lieu et qui s'y est parfois marié et a enfanté, ça ne saurait être autrement qualifié. Mais si la société civile est défaillante, qu'en est-il des structures de l'Etat agissant es qualité.


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