Algérie

Ghazaouet (Tlemcen) - Reportage: Sortie en mer à bord d’un sardinier



Ghazaouet (Tlemcen) - Reportage:  Sortie en mer à bord d’un sardinier




Il est un peu plus de 18h, l’activité bat son plein à la pêcherie. Les marins-pêcheurs s’apprêtent à une énième sortie en mer. Ils accomplissent machinalement les derniers préparatifs avant de prendre le large.

Vers 19h, le cortège des sardiniers quitte le port dans un bruit assourdissant. Sabrina, à son bord un équipage de 12 personnes, fait partie de ce défilé bruyant fortement salué par les baigneurs au brise-lames. La mer est calme à peine frisée par la brise du soir. Raïs Moussa scrute l’horizon. A cet instant, il doit choisir quelle direction prendre. Il suit son instinct et met le cap vers l’Est «Chergui». Les marins-pêcheurs vaquent à leurs occupations.

Certains jouent à la belote, d’autres discutent de choses et d’autres. A l’intérieur de la cabine, raïs Moussa, les yeux rivés sur le sondeur, cherche la présence des poissons. Les dernières lueurs du jour se dissipent lentement. Après environ une 1h30 de navigation, un banc de poissons est détecté. Le sondeur indique une profondeur de 42 brasses, environ 68 mètres.

«Mouilla (jetez l’ancre) !» ordonne Moussa.

Puis, il saute dans le skiff, petite embarcation équipée d’un puissant projecteur et s’éloigne un peu du sardinier en ramant. Des dizaines de mouettes encerclent le skiff et ne le quittent plus. A bord du bateau, les «bahria» se forment en petits groupes pour dîner. Miloud, le secundo, garde un œil sur le sondeur.

«Le poisson est toujours à une profondeur inaccessible, mais il va finir par monter à la surface. La lumière attire le poisson», explique-t-il.

L’attente dure environ 3 h et aux alentours de minuit, Miloud indique du doigt une multitude de petites bulles qui viennent du fond.

«C’est le signe attendu !» dit-il.

En effet, sous l’eau, on voit, à l’œil nu, passer, comme un éclair, le ventre argenté d’une sardine puis une autre, et la mer, dans la profondeur, brille. Le poisson est là. Raïs Moussa est à bord du skiff à quelques mètres du sardinier, côté bâbord.

«Le banc de poissons est sous le skiff», m’explique Miloud.

A bord du bateau, les matelots se préparent pour la calée. Ils mettent leur salopettes imperméables et entament, dans un silence de cathédrale, la mise à l’eau de l’engin de pêche. La première extrémité est attachée à une boule flottante surmontée d’une lampe clignotante appelée «bouilla». Le filet de pêche est monté sur deux ralingues, l’une garnie de flotteurs et l’autre d’un lest, puis maniés par deux cordages fixés aux extrémités servant au halage et au rabattage du poisson. Le sardinier encercle ensuite le skiff sous lequel se trouve le banc de poissons. Lorsque le sardinier a fermé le cercle en rejoignant la bouilla clignotante, le skiff quitte le cercle et pour éviter la fuite des poissons par le fond, le filet est fermé par le bas au moyen de grands anneaux.

A la surface de l’eau, les poissons jaillissent de partout. Les mouettes qui attendaient cet instant depuis des heures aussi, ne se privent pas de ce grand festin qui s’offre à elles. Le silence régnant est interrompu par le cri rauque des mouettes, les vociférations des marins-pêcheurs et le débattement des poissons.

Ce concert dure environ une vingtaine de minutes. Le filet est ensuite hissé à bord grâce à un treuil et rangé sur le côté bâbord de façon à être prêt pour la prochaine calée. Les matelots, dans un brouhaha indescriptible, remplissent les poissons dans des caisses tout en trillant par espèce: latcha, macro, brochet, etc. On appelle cette opération, dans le jargon des marins-pêcheurs, «chkarta».

Miloud remet les moteurs en marche et se lance à la recherche d’un autre banc de poissons. Après un peu plus de deux heures d’exploration, le secundo met le cap vers le port.

A peine l’embarcation amarrée que les marins sautent sur la terre ferme et une chaîne s’improvise. Les caisses de poissons passent de main en main pour être disposées en piles soigneusement alignées derrière lesquelles se place le vendeur à la criée. Les enchères se succèdent à un rythme infernal.

Les bahria, avant de rejoindre leur domicile, font une escale au café. Autour d’un café noir bien serré «pour lutter contre le sommeil», ils se remémorent cette pêche du début à la fin.

O. El Bachir



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