Algérie

Ghardaïa : Une sonnette d’alarme



Nous sommes interdits de parole devant ces images de désolation,devant tant de dégâts humains et matériels. Il n’y a pas de mots pour décrire un tel désastre. Présenter des condoléances aux familles éprouvées a quelque chose de surréaliste tant le choc est encore vivace un jour de grande fête religieuse. Dans une atmosphère chargée de tension et d’émotions, les paroles, prononcées en cette triste circonstance devant les caméras par le Premier ministre M. OUYAHIA, sortaient difficilement.Elles étaient d’une pénibilité extrême. Plusieurs d’entre nous se sont certainement surpris à se dire intérieurement : «Mais qu’il en finisse vite enfin». C’est ce qu’il fit d’ailleurs. En ces choses-là, il est malheureux de constater hélas que les hommes ont généralement la mémoire courte. Pourtant, dans notre culture, nous avons des boucliers contre ce genre d’évènements. Un proverbe arabe ancestral ne dit-il pas ceci : «El wadou, wa’ezzamanou, wa’essoltanou laa you’manou». Autrement dit, on peut traduire cela par : ne pas faire confiance à ces trois «choses-là» : «l’oued, le monde (ici-bas) et le sultan» (c’està- dire le pouvoir quel qu’il soit). 1 -L’oued : nos ancêtres avaient une idée assez précise des crues cycliques des oueds de leur environnement immédiat. Ces crues sont répertoriées mémoriellement de décadaires, trentenaires,cinquantenaires, centenaires, etc., surtout en ce qui concerne les oueds sahariens qui sont connus pour avoir des crues dites insignifiantes, ordinaires, surprenantes, phénoménales. Mais les anciens avaient des repères de niveau pour chacune d’elles, lesquels repères enregistrés de mémoire d’homme, étaient transmis de génération en génération pour que justement on ne construit pas en deçà de ces «lignes rouges». Quant à l’agriculture, les oasiens ont toujours cultivé sur les zones d’épandage des oueds mais en toute connaissance de cause. Jamais par exemple on ne risquait la plantation d’arbres fruitiers dans les zones dangereuses, mais à la rigueur des légumes ou des plantes fourragères qui, le cas échéant, ne constitueraient pas de grosses pertes en cas de débordements des eaux diluviennes. Mais la vie moderne et la multiplication des biens matériels ont occulté malheureusement cette sagesse ancestrale. Si nous devions donner rapidement une interprétation aux deux autres parties du proverbe, à savoir : 2 - «Ezzamanou » : il s’agit du monde ici-bas que, tant que nous ne l’avons pas quitté, nous serons toujours exposés aux impondérables et aux contingences que réserve l’avenir immédiat ou lointain et à ce titre, nous devrions être tout le temps sur nos gardes, tout autant que, pour les crues intempestives des oueds. Pour ce qui est de la troisième partie du proverbe : 3 - «Essoltane» : à savoir le pouvoir. N’importe quel pouvoir peut abuser de sa puissance pour commettre des injustices à un moment ou un autre et quand on s’y attend le moins du monde. Ceci, comme une crue d’oued, imprévisible et irrésistible, peut commettre des dégâts néfastes. Il est vrai que pour certaines sociétés humaines, par leur évolution et leurs révolutions, ont essayé de trouver et d’instituer des systèmes politiques à mettre en place pour contenir les abus des gouvernants (instaurations de démocraties républicaines, de monarchies constitutionnelles, etc.).Mais il existe toujours de par le monde des dictatures et des régimes totalitaires où les droits les plus élémentaires de l’homme sont bafouillés tous les jours. Et même dans les Etats dits «démocratiques », les abus de pouvoir sont-ils absents ? Moralité de la chose : on est en droit de se méfier de n’importe quel pouvoir, tout comme de n’importe quel oued. Aussi, reviendrons-nous vers l’oued M’zab et à la catastrophe qui vient de toucher les habitants des villes situées dans sa vallée et vers lesquels vont nos empathiques sentiments et nos compassions les plus attristées. Mais, si nous devions donner une interprétation religieuse à la dite catastrophe, il est évident que le Bon Dieu Omnipotent et Omniscient ne peut être tenu pour responsable de ce désastre. En effet, Celui-ci a toujours averti les hommes des dangers qu’ils encourent s’ils vivaient dans l’insouciance. Ne serait-ce que par ce verset bien connu et qui est à la base de toute la philosophie du penseur algérien Malek BENNABI (Rahimahou Allah) : «Dieu ne change rien dans la vie des hommes si eux-mêmes ne font rien pour changer leur état» (Le Saint Coran). Dans le cas d’espèce qui nous concerne,il y a certainement des responsables avérés. D’abord, nous tous pour une part, puis l’Etat pour beaucoup. Ce dernier pour avoir laissé faire non pas la Nature bien sûr, mais les hommes qui ont construit en des zones dangereuses. Ceux qui ont construit dans le lit de l’oued et sur ses abords immédiats ont manqué de perspicacité et de discernement. Ils ont oublié qu’il y a toujours une distance indispensable à mettre entre les biens et le lit d’un oued quelconque surtout au Sahara.

GHARDAÏA UNE SONNETTE D’ALARME POUR D’AUTRES LOCALITES

Ceci est d’autant plus important qu’il existe d’autres villes dans notre Sud qui sont traversées par des oueds en leur milieu. Telle est la ville de BECHAR par exemple. Cette ville a connu une grande crue en 1959 qui avait fait énormément de dégâts. Cette crue fut qualifiée, en son temps, de «cinquantenaire» : c’est-à-dire qu’elle aura cinquante ans l’année prochaine en 2009 ! Mais apparemment,très peu de gens semblent s’en soucier puisqu’il y a des constructions qui se sont réalisées ou qui se réalisent aux abords immédiats des berges de l’oued. Mais la ville de Béchar serait-elle seule concernée par cet état de fait ? Une foultitude de villes et localités sont concernées. Les responsables de celles-ci et les Pouvoirs publics ne devraient-ils pas se pencher sans tarder sur ce problème pour nous éviter d’autres tragédies. Ceci, compte tenu également des grands bouleversements climatiques que connaît le monde, expliqués par les réchauffements de la planète suite aux émissions de gaz à effet de serre. Les médias du monde entier nous montrent tous les jours des catastrophes dues à ce genre de bouleversements. Pour un pays comme le nôtre qui manque cruellement d’eau douce ou d’eau tout simplement, il est aussi évident que nous avons besoin de cette eau tombée du ciel, cette manne précieuse que nous devrions savoir cueillir de la manière la plus judicieuse pour nos divers besoins, au lieu de la laisser partir dans la nature,avec à la clé tous les désastres qu’elle laisse derrière elle.


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