Algérie

GHARDAÏA: Il promettait travail et mariage


A Ghardaïa, afin de trouver un mari ou un boulot, des femmes et des hommes viennent chercher du secours chez un charlatan. Ces pauvres gens sont souvent tombés dans les filets de cet arnaqueur qui, depuis belle lurette, exerce en toute quiétude dans la wilaya de Ghardaïa, avant de tomber entre les mains de la police. «En entrant dans la minuscule maisonnette de ce charlatan, on a l'impression de mettre les pieds dans un autre monde. Des murs badigeonnés à la chaux et de couleurs bizarres accrochent immédiatement le regard et confèrent au site une apparence baroque à la taverne «d'Ali Baba», raconte Aïcha, une victime de cet aigrefin.

 «Des livres anciens, de suffocantes fumées d'encens achèvent de donner au site un caractère mystique, une spiritualité imprégnant les êtres et les choses», relate cette même victime. Selon le communiqué émanant des services de police, ces visiteurs sont dans leur majorité des filles de tous les âges, qui viennent prendre la baraqua du «faux saint» et l'implorer pour qu'il les aide à trouver leur deuxième moitié et pour qu'il chasse le mauvais sort qui les guette. Impossible d'enlever à ces pauvres filles, accablées par un mal nommé célibat, l'idée qu'on leur a jeté de mauvais sorts pour les empêcher de se marier. Après avoir frappé à toutes les portes sans résultat, elles viennent donc se confier aux services de ce charlatan, très réputé, nous dit-on, être d'un grand secours pour les femmes en quête de maris.

 Comme il semblerait que pas moins de trois séances allant jusqu'à 5000 DA sont nécessaires pour, soi-disant, apporter la chance et chasser le mauvais sort. «Si les choses ne s'arrangent pourtant pas au bout de ces trois visites, alors on recommence dès le départ jusqu'à ce que se réalisent les vÅ“ux des visiteurs», raconte une autre victime. Par ailleurs, on témoigne que les portes de l'oratoire de ce bluffeur ne s'ouvrent que le soir. En ce temps de grand froid, les visites se font rares. Et pour cause, l'un des rituels recommandés aux femmes désirant se débarrasser de leur mauvais sort est de se baigner avec l'eau d'un puits où, raconte-t-on, le «faux Saint» faisait ses ablutions. Par un climat pareil, peu de femmes osent prendre ce risque. Ce n'est que dans les jours ensoleillés que les lieux ne désemplissent pas.

 Outre le fameux bain froid, les femmes visiteuses sont tenues de respecter scrupuleusement un certain nombre de rituels, afin que leurs demandes soient exaucées. «D'abord, pour entrer dans la stèle de ce charlatan, on doit s'acquitter, déjà, d'une somme de 200 DA. Des offrandes doivent également être présentées au «faux Saint»: poulets, coqs, agneaux, chacun selon ses moyens. En outre, les visiteurs apportent également du lait, des dattes, de l'eau de rose et allument des bougies, le tout acheté sur place, et les dédient à l'âme du «faux wali». On passe après au rituel le plus important : piétiner un citron jusqu'à e qu'il explose, le faire tourner trois fois de suite sous le pied droit et le jeter par la suite derrière, en disant : j'ai jeté ma «tabàa», c'est-à-dire «ma malchance», nous explique Bouchra, une jeune patiente de ce «faux saint».

 Cette dernière ne se lasse pas de raconter, à qui veut l'entendre, dans les moindres détails, l'histoire qu'elle avait vécue vainement avec ce «djinn». C'est avec beaucoup d'ardeur et de foi naïve que le «djinn» entame une longue tirade sur les dons fabuleux qui lui ont été attribués et aux esprits bienfaisants qui veillent sur sa sépulture, expose Bouchra. Pour en démontrer la véracité, le charlatan fait des récits qui, défient la raison et le bon sens, sur de prétendus cas de femmes ayant réussi à trouver un mari et des hommes ayant trouvé un boulot grâce à la baraqua du Siyed. Fort heureusement que les services de la police judiciaire de la wilaya de Ghardaïa, munis d'un certificat de perquisition, ont dressé un «guet-apens» qui a été mis en place ce jeudi dernier, pour cueillir et arrêter en flagrant délit ce faiseur de miracles âgé de 55 ans, lors d'un rendez-vous avec plusieurs de ses patientes.


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