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Ghardaïa



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Les troubles de Ghardaïa, malgré les assurances des autorités, continuent à empoisonner la vie des habitants de cette ville. Dernier développement sur place : le boycott scolaire qui fait de l'école républicaine algérienne un facteur de division au lieu d'être la maison de tous les enfants du pays. Reportage.Ghardaïa de notre envoyéElle en a serré des mains, fait des sourires, visité des écoles. Pour rien. Le 7 septembre dernier, Nouria Benghebrit, ministre de l'Education nationale, qui avait choisi la wilaya de Ghardaïa pour donner le coup d'envoi de la rentrée, n'a en tout cas pas rassuré les parents de la communauté mozabite. Selon la coordination de l'ensemble des associations des parents d'élèves, ils seraient 12 000 enfants à avoir boycotté la première semaine de la rentrée scolaire. Dix-huit établissements sont concernés. Les parents dénoncent «le comportement raciste de certains enseignants arabophones» et refusent que leurs enfants «reçoivent un enseignement de ceux qui les ont boycottés l'année passée pendant les événements».Un membre de la coordination, ayant requis l'anonymat, s'énerve encore à l'évocation de la crise : «Les enseignants arabophones qui exerçaient dans les quartiers majoritairement mozabites ont refusé de donner les cours à nos enfants au début du 2e semestre. Nos élèves ont frôlé le cauchemar d'une année blanche. Heureusement, certains diplômés se sont portés volontaires pour donner des cours et ainsi l'année a pu être sauvée.» Des négociations avaient été menées avec l'ancien ministre de l'Education nationale, Abdelatif Baba Ahmed, pour «exiger le retour des enseignants boycotteurs ou permettre aux parents de constituer par eux-mêmes une alternative».400 volontairesMais les enseignants ont campé sur leurs positions. «Alors nous avons pris la décision d'engager 400 volontaires qui ont assuré, avec succès, la suite du programme», affirme le même membre de la coordination. Les revendications des parents d'élèves ont évolué depuis. Aujourd'hui, ils exigent le recrutement de tous les volontaires en question. «Les enseignants mozabites constituent 7,73% de l'ensemble des enseignants dans le cycle primaire, 8,28% au CEM et seulement 22,89% au secondaire. Sur les dix-huit établissements à majorité mozabite, seuls 10% de l'encadrement sont mozabites», déplore-t-il encore.Pour faire valoir leur requête, les parents ont observé trois sit-in depuis le 7 septembre, dont le plus important a eu lieu trois jours plus tard, après la rentrée scolaire officielle, devant l'école primaire Abdelhamid Ben Badis, près du siège de la wilaya. «Malheureusement, les responsables de l'éducation de Ghardaïa ont fait en sorte que l'encadrement soit assuré principalement par les Chaâmba. Les événements survenus ici ont mis à nu la précarité régnant dans ce secteur, explique Noureddine Daddi Nounou, membre du conseil consultatif mozabite du Comité de coordination et de suivi (CCS), créé lors des derniers événements. Nous avons identifié des éléments perturbateurs, agitateurs, manipulateurs, voire malfaiteurs parmi le personnel de l'éducation. Ce sont des gens qui lancent incessamment des propos racistes envers nos élèves. Nous revendiquons aussi la justice sociale en demandant le recrutement de ces 400 volontaires.»Sur 183 nouveaux postes budgétaires ouverts cette année, 23 enseignants mozabites sur 210 inscrits ont été sélectionnés lors du concours de recrutement organisé en juin dernier. «C'est toujours insuffisant. Nous voulons le recrutement de tous les volontaires. Ceux qui ne répondent pas aux critères exigés pourraient occuper d'autres fonctions dans le secteur de l'enseignement», réclame la coordination des parents d'élèves. Noureddine Daddi avoue que les parents craignent de nouveaux affrontements entre les élèves. «Les établissements mixtes présentent une source potentielle de problèmes, car ils regroupent les élèves des deux communautés. Il est plus que nécessaire, aujourd'hui, d'appuyer le personnel par l'encadrement mozabite», assure Mohamed Tounsi, 56 ans, notable du quartier d'Ath Mlichet du quartier Melika, au centre-ville de Ghardaïa. La coordination dit avoir déjà enregistré deux incidents depuis la rentrée scolaire des élèves mozabites, le 14 septembre.Ecart«Les élèves mozabites du CEM Ourida Meddad ont été chassés de leur école le première jour de la rentrée. Deux jours après, c'est le bus qui transportait les élèves chaâmba en direction du lycée Afellah et l'école primaire Chouahine qui a été la cible d'un jet de pierres. Mais nous, nous ne réclamons pas forcément des enseignants mozabites : nous acceptons aussi d'autres enseignants, même en dehors de Ghardaïa ! insiste Noureddine Daddi. La marche organisée à Metlili (à 40 km au sud de Ghardaïa, ndlr), en mars dernier, où des manifestants ont appelé au meurtre d'Ibadites après l'assassinat de trois Chaâmba par la police, nous a choqués.C'est l'événement qui a creusé l'écart entre les deux communautés. Nous avons vu des imams et des intellectuels défiler ! La destruction d'environ 500 tombes mozabites dans le plus grand cimetière de Ghardaïa, Ammi Saïd, en décembre dernier, était un comble ! Ce jour-là, les deux mausolées, classés par l'Unesco, des cheikhs Ammi Moussa et cheikh Ammi Saïd ont été détruits.» Depuis les derniers incidents, pendant le Ramadhan, l'ambiance reste tendue. Au centre-ville de Ghardaïa, les habitants mozabites se font rares. Y compris sur l'avenue Didouche Mourad, la rue principale qui mène au pont qui traverse oued M'zab, ils circulent en gandoura pour passer incognito, «de peur de se faire caillasser».RacismeSigne d'hostilité ambiante, dans le café où s'est assis Noureddine Daddi Nounou, le serveur n'est jamais venu prendre la commande pendant qu'il servait les tables voisines. Imperturbable, il explique la spécificité du système éducatif ibadite.«Au XXe siècle, la vallée du M'zab a connu l'avènement des écoles coraniques ibadites, à l'époque de cheikh El Bayoudh, le précurseur de cette vision. Ces écoles, agréées par l'Etat, suivent le même programme que celui du système public. Trois cycles confondus (primaire, moyen, secondaire) sont donnés avec quelques heures supplémentaires consacrées, à la fin de la journée, aux préceptes religieux ibadites».La wilaya de Ghardaïa compte une dizaine de ces établissements, dont trois sont gratuits. Ils sont répartis dans les différentes régions majoritairement habitées par les Mozabites : l'institut El Islah et Ammi Saïd à Ghardaïa, El Nasr à Melika, El Djabiria à Beni Izguen, El Nour à Bounoura, El Nahdha à El Attaf, El Fat'h à Berriane et El Hayat à El Guerrara. «Ces écoles ont été créées pendant l'époque coloniale sous forme d'associations, selon la loi française de 1901. Elles sont tout à fait conformes à la nouvelle loi sur les associations. Nous avons des établissements privés et d'autres qui ont le statut d'association à caractère non lucratif. Ces instituts sont très convoités, mais ils ne peuvent malheureusement contenir tout le monde pour le moment.»Autre problème : l'importance du flux migratoire interne des élèves et enseignants des deux communautés qui ont été obligés de fuir les derniers affrontements. Les Mozabites, eux, comptent 120 élèves. Aujourd'hui, certains peinent à s'inscrire dans leur nouvelle localité. Pour répondre aux interrogations de la coordination des parents d'élèves et celles du CCS, nous avons tenté, à maintes reprises, de joindre le directeur de l'éducation de la wilaya de Ghardaïa qui n'a pas souhaité répondre à nos questions.




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