Algérie

Ghaleb Bencheikh à propos de la pensée arkounienne


Le président de la Fondation Islam de France, Ghaleb Bencheikh El Hocine, a souligné, à Tizi Ouzou, l'importance de la pensée «subversive» de Mohamed Arkoun, islamologue, philosophe et historien de réputation internationale pour, a-t-il dit, dégeler les glaciations idéologiques, s'affranchir des enfermements doctrinaux, et sortir des clôtures dogmatiques. «Renouer avec la pensée de Mohammed Arkoun, c'est renouer avec l'humanisme d'expression arabe que nous pensons nécessaire à la sortie de crise, une crise polymorphe, morale, politique, spirituelle, une crise de sens et de civilisation», a-t-il indiqué.S'exprimant lors d'une conférence inaugurale du colloque international sous le thème «Mohamed Arkoun: une pensée universelle en quête d'un Islam des lumières», organisé par l'Assemblée populaire de wilaya (APW) en collaboration avec l'association Le Défi, M. Bencheikh a mis en avant la profondeur de cette pensée. «La pensée de Mohamed Arkoun parle d'une raison émergente et non pas d'une raison duale à double critère avec un tiers exclu qui ne nous avait pas prémunis du bolchevisme, du nazisme et de l'obscurantisme religieux», a-t-il dit. «Nous avons besoin, a-t-il observé, de revoir les choses, interroger les présupposés y compris de la foi pour 'sortir des impasses intellectuelles que nous connaissons aujourd'hui, considérant que les meilleurs antidotes à l'extrémisme et au fondamentalisme et tout ce qui étouffe et tue, sont l'éducation, l'instruction, l'acquisition du savoir, la culture, la connaissance, l'ouverture sur le monde et aussi l'inclination pour les valeurs esthétiques et oser le beau.
«On ne peut pas s'attendre à quelque-chose de bien de quelqu'un qui n'est pas sensible à la musique, à la poésie aux belles lettres, et aux arts», dit-il. Mohamed Arkoun, rappelle-t-il, dit toujours que la théologie c'est l'intelligibilité de la foi mise à l'épreuve du temps. «Nous ne croyons pas de la même façon au 7e siècle et au 21e. C'est pour cela qu'il faut savoir porter le texte à son contexte et ne jamais l'utiliser comme un prétexte pour un nouveau contexte sinon on prend en otage le texte et on ne le libère qu'avec des liens hypertextes pour donner la valeur probante au texte», a insisté M. Bencheikh. Il s'agit, considère ce diplômé de l'Université Paris 6, surtout, d'un enjeu de civilisation dont nous avons besoin, sans chauvinisme aucun, sans adhésion ardente à une tradition religieuse, pour que le vocable islam ne soit plus synonyme d'épouvante pour certains, de barbarie, d'oppression de la femme, de non-autonomie d'exercice cognitif, pour d'autres. «Si on pense que cela a été donné une bonne fois pour toutes, eh bien nous sommes dans les impasses intellectuelles que nous connaissons maintenant», a-t-il indiqué encore.
Quand Mohmed Arkoun nous parle de la topologie du sens, la typologie des significations, et, de la vérité des puissances et des résidus, ce n'est, évidemment, pas accessible à tous et c'est pour cela qu'il faut se donner du temps, de la recherche, de la persévérance, de l'obstination et de la volonté pour, a-t-il poursuivi, pouvoir accéder à sa connaissance, à sa puissance et à sa profondeur. «Il est temps de tenir un discours rationnel et intelligent sur la chose islamique, sur le fait islamique. On ne peut indéfiniment accepter que des fadaises, des idioties, des arguties et des impérities soient débitées comme ça sur cette tradition religieuse par des imams autoproclamés, par des ignares ou encore par ceux qui sont formés, pour reprendre Mohamed Arkoun, uniquement par les gestionnaires du sacré ou les gardiens de l'orthodoxie. Lorsque la raison se réveille, elle se teinte, a-t-il ajouté, de religiosité.
Il s'agit d'en finir avec la raison religieuse «dévote» et de contenir ce qu'il a qualifié de pensée magique. «C'est ainsi que nous sortirons des clôtures dogmatiques, toutes, quelles qu'elles soient y compris celles de l'esprit moderne. C'est avec audace que nous nous affranchirons des enfermements doctrinaux et c'est avec fermeté et confiance que nous pourrons dégeler les glaciations idéologiques religieuses», a-t-il considéré encore. La pensée «subversive» de Mohamed Arkoun, a poursuivi Ghaleb Bencheikh, est construite sur un triptyque, transgresser, déplacer et, dépasser. Mais, dit-il, transgresser quoi ' Des tabous. «Nous sommes, dans notre pays et ailleurs, saturés de religiosité. Le sacré devient de plus en plus obèse et asphyxiant. Il n'y a pas plus abêtissant que cette dichotomie licite-illicite. Il n'y a pas plus crétinisant, paralysant pour la pensée humaine, que d'être dans cette dichotomie.
Et donc, il faut transgresser cela. «Le fait coranique n'est pas le fait islamique et nous pâtissons de ces confusions. C'est là où il faut avoir cette transgression», a observé Ghaleb Bencheikh. Pour ce qui est du second postulat, à savoir, déplacer, il s'agit, dit-il, de déplacer le sacré vers d'autres horizons cognitifs et porteurs de sens et d'espérance et de soumettre le corpus religieux dans une approche académique. «Il n'y a aucune raison de partir de l'idée qu'avant 622, c'était le temps de l'obscurantisme et de l'ignorance, et qu'après 622, nous baignons dans les lumières», a-t-il observé encore. Relevant que c'est Mohammed Arkoun qui a cette approche académique, cette bienveillance pour les personnes, cette radicalité méthodologique et cette tendresse pour les êtres, Ghaleb Bencheikh a estimé, s'agissant du troisième postulat, le dépassement, que cela doit se faire par l'émergence d'une nouvelle rationalité.
C'est là, justement, qu'il y a la profondeur de la pensée de Mohammed Arkoun, a-t-il poursuivi encore. Les dérives vers un islam militant et mythologique, un arabisme abstrait et intolérant ont, disait Mohamed Arkoun, retardé jusqu'à nos jours la réévaluation critique des composants historiques, sociologiques et anthropologiques des sociétés maghrébines.
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