Algérie - A la une

Germinations underground à l'«Usine»



Sur les hauteurs d'Alger, un 5 septembre 2019, inauguration en baskets, pas de grandes pompes ici bas. Fiesta sympathique, mémorable, quelques fleurs sur le côté, des massifs colorés égayent les lieux. Juste une petite enseigne avec ce mystérieux « Bloom » Art Factory, juste en vert sur plaque pour informer qu'ici ça va germer, et germer grave.L'hôtesse des lieux semble sortie d'un décor de « Friends » ou même de «Big Band Theory», mais la gardienne du «jardin» n'est pas une délurée « Girls back door » qui parle plus qu'elle n'agit. Point de décolleté plongeant, ni de « Push up » engageant, ici dans ces blanches arcatures et ce sol encore carrelé d'origine, c'est jean, tee-shirt vintage et Chuck Taylor aux pieds de rigueur. L'accueil est chaleureux, et le sourire tatoué à tons rouges de Sabrina Tazamoucht, galeriste de son état fait le reste. Le ton est donné, la fête peut commencer. Ici, le lieu est ouvert, en open space, pas très grand, mais assez pour accueillir des performances, des installations, de la peinture, de la poésie ou quelques mini concerts en umplugged.
On aura deviné, ici c'est Art contemporain, pas question de sentiers battus et de discours redondants ressassés un triste verre de jus à la main et un salé croupi de l'autre. « Bloom » The Art Factory, sert un bon café, offre quelques cigarettes aux fauchés, et partage une bonne tartée de « Garantita » forcément amicale. La discussion est franche, les ambitions pas trop démesurées puisqu'il s'agit d'offrir un espace aux jeunes talents, leur permettre de poser une pierre blanche sur un CV, et de parfaire la rencontre avec le public dans les meilleures conditions possibles.
Pour la première, quinze pièces prennent d'assaut les cimaises, l'endroit est assez bien installé pour être professionnel, murs vastes, spots bien dirigés, cimaises solides, on peut y exposer, moduler l'espace, faire quelques entrechats ou slamer entre les fleurs. La « Bloom » The Art Factory se veut être un espace de partage entièrement dédié à l'art et plus particulièrement aux artistes algériens issus d'univers différents, et qui ne cherchent qu'à éclore ou quelquefois qui ont déjà éclos.
D'ZART16 est une jeune pousse, il bourgeonne artistiquement en compagnie de ses palettes graphiques et de son pessimisme graphique. Si on devait parler de « Grunge » en peinture, on se croirait déjà à Seattle en train de pleurer Kurt Cobain, ou bientôt Courtney Love dans cette exposition qui, rassurons le lecteur, est donc une monstration assez surprenante déclinée en art digital. D'ZART 16 est le premier artiste qui sera jurons-le devant Dieu d'une longue série, ou d'une longue lignée de plasticiens que nous mitonnera « La Bloom Factory », elle promet même d'exposer des éleveurs de Coccinelles en papier. Il faut dire que cet espace, plus qu'un simple parterre d'?uvres et aussi de livres est un espace conceptuel, dynamique, artistique alternatif, il permet d'être une agence de représentation d'artistes, un lieu de castings divers, un espace d'échanges multiculturels? seule la qualité du travail, la puissance de la vocation, et le crédo en culture son les viatiques admis pour exposer, ou présenter un travail artistique cohérent.
La cohérence, D'ZART 16 nous la montre dans une série de travaux de moyens formats, d'ailleurs on regrette ici cette dimension qui aurait gagné à être plus conséquente, mais ce n'est pas grave, la qualité est au rendez-vous, c'est sûrement juste une question de matériel graphique usité. Notre jeune ami plasticien s'engage alors dans une voie un peu houmiste, un peu alternative pour nous présenter donc quinze travaux de très bonne facture qui s'engagent dans les sentiers de l'engagement sociopolitique avec un slogan qui barre souvent le travail plastique, comme une affiche provocante qui met le texte comme un jet de pierre évident. Mais il s'agit pour D'ZART 16 d'un manifeste plastique conscient, contemporain qui met en portrait des mots, et c'est mots sont le générique conceptuel d'une série d'idées maîtresses qui siègent dans un corpus élaboré, ici sur quinze pièces, d'une immense dramaturgie turbulente que D'ZART16 met sur ses scènes de Harraga, d'amoureux transis, de chômage, de figures interlopes ou de créatures vénéneuses qui surfent sur la vie, ou sur la mort comme dans une immense tragédie grecque forcément algérienne illustrée vaillamment dans les travaux de ce cher D'ZART 16, issu d'une grande famille d'artistes, algéro?
D'ZART16 signe donc ce premier opus par des représentations allégoriques, donnant souvent l'impression d'anamorphoses qui nous permettent donc toujours une seconde lecture, quelques « accidents » de parcours nous laissent une bonne impression comme cette espèce de « Mandala » fait d'un curieux mix de femmes aux allures un peu indiennes, mais aussi très actuelles qui nous font apprécier que le jeune plasticien issu des Beaux-arts laisse son talent, au demeurant assez classique dans la représentation, aller à la rencontre d'une contemporanéité assez conceptuelle que l'on trouve assez intéressante si l'on considère que le producteur de ces ?uvres n'a pas son pinceau dans la poche?et qu'il investit par des couleurs mi-figue, mi-raisin des éléments représentatifs de ses scènes sur des sfumatos mystérieux qui révèlent comme dit plus haut des personnages en dérive ou en train de couler, des femmes languides qui regardent fixement, des figures mi-homme, mi-animal, formes hybrides pas nécessairement gentilles, les mots sont posés là, sur les planches, comme une sentence irrévocable avec le côté plastique implacable d'une évocation consciente.
Le talent est là, et l'artiste suit son chemin de croix, puisque faire de l'art ici bas ne semble pas encore être une sinécure, il nous restera l'optimisme de voir encore des lieux comme celui-ci ouvrir encore pour ouvrir les c?urs et les yeux des amateurs d'arts qui se croiraient, l'espace d'une minute, à Soho à Londres ou à Williamsburg, là où les gens qui marchent debout et qui tutoient les étoiles y croient toujours?Vamos le plus vite possible, toutes les éclosions artistiques sont encore possibles à la Art «Bloom» Factory.
L'artiste «D'zart 16» est à l'honneur de l'événement "Bloom : The Art Factory Opening X Dzart 16" à la Galerie "The Art Factory" au 48 Chemin El Mouîz Ibn Badis, El Biar 16000, du jeudi 5 septembre 2019, au jeudi 26 septembre 2019, entrée libre.


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