Algérie

Gérard Couturier (Président du directoire de la SNCM)



« L?Algérie est notre première liaison et elle le restera pour longtemps » Ouverte au capital privé depuis mai 2006, la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM), sauvée in extremis de la faillite, n?envisage son retour à la profitabilité autrement qu?à travers une stratégie d?internationalisation sur le bassin méditerranéen. De grands espoirs sont fondés sur le marché algérien qui reste la première destination à l?étranger. Au-delà du transport de voyageurs, métier principal, la SNCM se lance dans l?aventure du fret roulant. Dans la même approche, cette compagnie maritime qui a délocalisé son responsable Maghreb sur l?Algérie, se dit intéressée par l?Entreprise nationale de transport maritime des voyageurs (ENTMV).  La SNCM était au bord du dépôt de bilan. Quelle est sa situation actuelle ?  Le nouvel actionnariat de la SNCM après l?ouverture de son capital reste détenu à 25% par l?Etat, à hauteur de 28% par Véolia Transport, alors que Butler Capital Partners, un fonds d?investissement allemand, y est pour 38%. Les 9% d?actions restantes sont pour le personnel. En sachant que la gouvernance de l?entreprise est organisée avec un conseil de surveillance où sont présents l?ensemble des actionnaires ainsi qu?un directoire dirigé par les hommes de Véolia dont je suis moi-même issu. Vous n?êtes pas sans ignorer que cette privatisation est intervenue au lendemain de graves difficultés économiques de l?entreprise qui perdait de l?argent de manière récurrente. Sur un chiffre d?affaires de 300 millions d?euros, la SNCM enregistrait des pertes de l?ordre de 30 millions d?euros. Elle était dans l?impossibilité de faire face à son avenir, notamment de renouveler ses navires et d?assurer durablement la continuité de son service. C?est un défi que nous avons relevé en tentant de trouver un accord avec le personnel puisque nous lui avons soumis notre conception de l?avenir de la SNCM, ses voies de développement, son format, le type de pavillon que nous voulions utiliser, ainsi que les conditions sociales qui devaient accompagner ce redressement. Nous avons fait un vote à l?intérieur de l?entreprise et le projet baptisé tout simplement « Plan de relance de la SNCM » a été approuvé par plus de 75% de notre personnel.  Vous êtes en phase d?exécution...  Aujourd?hui, nous sommes en pleine exécution de ce plan.Certes, nous avons eu des difficultés notamment avec la partie corse au sujet de notre activité, mais tout est rentré dans l?ordre. Nous venons de conclure pour la Délégation de service public (DSP) sur la Corse pour les sept années à venir. On a pu reconduire donc la DSP depuis le 1er juillet dernier. Cela va assurer la permanence de l?activité sur les deux tiers de notre business de manière durable et économiquement viable. Ce passage nous a obligés, par contre, à geler les transformations entamées. Evidemment, nous n?allions pas engager notre personnel si les conditions de survie n?étaient pas réunies. Maintenant, c?est chose faite, et nous pouvons résolument entamer notre plan d?internationalisation. Par internationalisation, nous entendons développement sur le bassin méditerranéen. Le long courrier n?est pas prévu. Nous avons d?abord prévu de maintenir notre activité sur le Maghreb. Je rappelle que sur le Maghreb, nous avons trois navires dédiés complètement en plus d?un navire qui intervient en appoint. Le service d?hiver jusqu?ici était assuré par un navire en permanence Le Méditerranée qui faisait la liaison Marseille-Alger. Cette ligne est, devrais-je le dire, l?épine dorsale de notre trafic. Ceci avant nos modifications sur Sète. Par contre, en période de forte affluence estivale, on mobilisait deux autres navires Le Corse et Ile de beauté plus un complément, en l?occurrence le Casanova.  Quels sont les objectifs de votre plan de relance ?  Notre objectif est de nous remettre à l?équilibre financier. Si tout se passe selon nos prévisions, 2008 sera l?année du retour à l?équilibre. C?est ambitieux parce qu?il ne faut pas perdre de vue que nous revenons de loin. Nous étions dans une situation où l?entreprise réalisait 300 millions d?euros de chiffre d?affaires et perdait de manière récurrente 30 millions d?euros par an. En 2009, nous prévoyons le retour à la profitabilité récurrente en dégageant 15 millions d?euros de résultats nets, soit 5% du CA. Notre plan de relance prévoit le dégagement d?une capacité d?achat d?un navire toutes les deux années et demie.  Quelle est votre approche du marché algérien et partant sa part dans votre démarche à l?international ?  La vision que nous avons est que l?Algérie est en complète transformation et en élévation économique importante avec, en sus, des communautés de part et d?autre appelées à développer les échanges. A l?international, l?Algérie est notre première liaison et elle le restera pour longtemps.  Pourtant, vue de l?autre rive de la Méditerranée, nous avons l?impression que la SNCM gère la destination Algérie à distance...  Peut-être que nous ne l?avons pas dit assez mais par souci d?efficacité, le patron des lignes Maghreb chez la SNCM est depuis six mois installé à Alger. A mon sens, cela est un témoignage d?une vraie projection à travers le déplacement de notre centre de fabrication d?affaires à Alger. C?est à partir d?Alger que nous avons monté, par exemple, les liaisons à partir de Sète. A l?avenir, nous axerons sur les réseaux d?information, les agences de voyages ainsi que sur la relation de réciprocité d?affaires que nous avons avec l?ENTMV. Il y a aussi l?accès direct via internet. Nous avons aussi recherché des partenaires locaux sur la partie fret.  Vous venez de citer les trois nouvelles lignes à partir de Sète sur Oran, Béjaïa et Skikda. Pourquoi Sète et pourquoi maintenant ?  Maintenant, parce que les conditions initiales de survie de l?entreprise, à savoir la recapitalisation, la privatisation, le succès assuré pour les années qui viennent auprès de la Corse, ont été franchies. Nous pouvons résolument aller dans ce que nous avons mis dans notre plan de relance. C?est-à-dire développer des lignes sur la Méditerranée, notamment l?Algérie. Certes, nous ne nous interdisons pas un jour d?aller ailleurs, mais pour l?instant nous allons dans le jardin que nous connaissons le mieux. Et l?Algérie, c?est l?essentiel de nos activités Nord-Sud. Le choix de Sète a été dicté par ses atouts complémentaires sur le plan français. A l?avantage géographique par rapport à Marseille, Sète a reçu des liaisons routières et autoroutières nouvelles. D?autre part, le port de Marseille pose des difficultés d?accueil et d?accès à notre clientèle. Et avoir une deuxième porte était tout à fait intéressant. Du côté algérien, nous voulions donner une tonalité complémentaire au travers du fret roulant. Je précise également que Sète-Oran est la desserte principale et celles sur Skikda et Béjaïa sont secondaires.  Le flux physique du commerce extérieur de l?Algérie se fait par containers. Pourquoi le fret roulant ? Ressentez-vous l?existence d?une demande sur ce type de transport ?  Il nous semble qu?il y a des activités qui expriment un besoin à partir de fret dit roulant qui n?ont pas les mêmes caractéristiques de rupture de charge. Il y a des frets qui ont besoin d?être acheminés sans rupture de charge. Le fret roulant présente des avantages intéressants. En termes de coûts, il revient à 30% moins cher qu?un transport via containers. Il y a aussi le gain en temps dès lors que nos ferries vont plus vite. Dans le sens inverse, le fret roulant jouera un rôle dans le développement des exportations hors hydrocarbures de l?Algérie, particulièrement pour ce qui est des primeurs (fruits et légumes de saison). Nous travaillons à partir de Marseille avec un partenaire qui connaît bien le marché algérien, en l?occurrence 3 C fret.  Pourquoi ne pas rester sur Alger qui, au demeurant, reçoit plus de flux du commerce extérieur ?  C?est vrai que sur le port d?Alger, il y a une grande desserte de containers. Notre idée est que nous voulions additionner des choses qui, habituellement, ne s?additionnent pas. Il s?agit du fret avec les passagers. C?est là où se trouve le mix. Il ne faut pas oublier aussi que sur Alger, il y a des problèmes d?engorgement et d?accès au port. Oran, par contre, est une destination qui était moins bien desservie sur la partie passagers et en plus nous enregistrons des demandes et des perspectives intéressantes en termes de fret roulant.  Dans vos futures affaires sur l?Algérie quelles seraient les parts entre voyageurs et fret ?  Le volume d?affaires restera dominé par la partie voyageurs, et ce, de manière forte. Pour l?instant, nous sommes dans les balbutiements d?ouverture au fret roulant. Je pense que nous continuerons toujours à avoir une pointe très marquée l?été. Simplement, nous souhaitons explorer les voies qui nous permettraient en période creuse d?avoir des activités qui ne soient pas purement voyageurs. Sur le fret roulant, par exemple, nous tentons d?établir des liens à partir du port de Sète.  Quel serait le taux de remplissage sur les lignes algériennes qui vous permet de garder l?équilibre ?  C?est un taux de remplissage moyen de 60%.  Y a-t-il d?autres lignes en projet ?  Nous n?avons pas de projets ouverts là-dessus. Nous allons d?abord observer l?évolution de celles que nous venons d?inaugurer.  La SNCM aurait pu absorber une partie de sa concurrence en prenant part à l?ouverture du capital du pavillon national Groupe Cnan. Est-ce par choix stratégique ou pour d?autres considérations que vous n?y êtes pas allés ?  Au moment de cette ouverture, la SNCM n?était pas encore garantie totalement quant à sa survie. Ce n?est que le 1er juillet 2007, avec la reconduction de la DSP, que nous avons pu voir plus clair. Par ailleurs, nous ne sommes pas centrés sur les mêmes métiers que la Cnan pour qui le marché voyageurs n?est pas au c?ur de l?activité.  Cultivez-vous des ambitions par rapport à une éventuelle privatisation (totale ou partielle) de l?Entreprise nationale de transport maritime des voyageurs (ENTMV) ?  L?ENTMV est notre partenaire historique. Bien sûr que nous ne pouvons pas manquer d?intérêt vis-à-vis de ce que deviendra cette entreprise. Avant de rejoindre la SNCM, alors que j?étais à Véolia, j?ai rencontré le ministre algérien et les sociétés en charge des participations de l?Etat lors d?un des road show à Marseille. Cela remonte à environ deux ans. C?est dire qu?en tant que Véolia, nous avions pris part avant d?être aux commandes de la SNCM.  Une seconde rencontre a eu lieu à Alger avec des responsables du gouvernement algérien dans le cadre de la mission menée par Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, à la tête d?une importante délégation. J?avais compris que c?était encore en réflexion. Ceci dit, l?ENTMV nous intéresse.  Butler Capital est un fonds d?investissement qui, logiquement, partira un jour. Véolia envisage-t-elle d?augmenter sa participation ?  Il est prévu dans l?accord une clause de préemption qui nous donne la priorité au moment de la vente des parts de Butler Capital. Tout est fait pour que nous soyons l?actionnaire majoritaire.


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