Smaïn, l'humoriste, et Georges Morin, président de l'association Coup-de-Soleil, étaient, hier dans leur ville natale, Constantine, invités d'honneur par l'association Kan Ya Maken, pour prendre part au troisième Festival international du conte. L'occasion pour Smaïn de conter son livre devant un public qu'il connaît bien puisqu'il a déjà eu l'occasion de présenter un spectacle au début des années 2000, même si cette fois-ci, ce sera un peu différent ou plus intime.
'Ma vie est un conte, un miracle, je n'ai jamais oublié d'où je suis, c'est pourquoi je viens souvent à Constantine. Et comme on dit : les contes sont faits, parce que je viens lire mon bouquin qui raconte ma vie devant le public de ma ville. J'ai eu la chance d'avoir eu beaucoup d'amour autour de moi. Je suis né dans une situation difficile, élevé par des s'urs, puis ramené en France par une femme juive, enfin adopté par une famille arabe en France. J'écris pour ne pas oublier tout cela', déclare Smaïn, lors d'un point de presse animé la matinée à l'hôtel Panoramic.
Abordant l'actualité chaude de ces derniers jours avec l'affaire Mohamed Merah, Smaïn, tout en précisant qu'il n'a pas toutes les informations suffisantes, admet cependant que 'j'ai une conscience politique, tout ce que je peux dire, c'est que cela a été dramatique pour un père, pour des familles musulmanes et juives qui ont perdu leurs proches. Il y a un avant et un après, je ne sais rien de particulier sur cette affaire, mais en France on a souvent employé le terme : on pense que', moi je dis qu'il faut penser avec des preuves. C'est mal tombé pour certains et pour d'autres, c'était bien. Ceci dit, je trouve que c'est avec grande dignité que l'Algérie a traité l'affaire en refusant de rapatrier le corps de Merah. Cet enfant est français, il doit donc être enterré en France. ça aurait été injuste que l'Algérie puisse porter et supporter son histoire qui est de l'autre côté de la Méditerranée'.
Smaïn a, cependant, su trouver les mots pour parler du cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie. 'Ma présence aujourd'hui n'a rien à voir avec le cinquantième anniversaire de l'Indépendance. Je suis né en Algérie, enfant de Constantine et je reviens ici pour me ressourcer. Il se trouve que les évènements de la vie ont fait que j'étais rapatrié en France. Je ne parle pas l'arabe mais je ne permets à personne de me le reprocher parce que c'est le cours de l'histoire, cette guerre ne m'appartient pas c'est celle de mon père, j'ai toujours refusé lorsque j'ai commencé mon métier d'être le porte-drapeau ou de porter cette guerre sur mes épaules. C'est en animant une association, écrire des livres ou donner une importance à la culture à travers le conte ou le rire qu'on arrivera à faire rapprocher les deux peuples. Je suis un féru d'histoire, je cherche à comprendre pourquoi cette guerre a eu lieu, pourquoi les pieds-noirs ont dû quitter l'Algérie, pourquoi je suis né à Constantine. Mais c'est désolant de ne pas pouvoir fêter les accords d'Evian d'une manière solennelle. Je trouve dommage qu'en France, on ne raconte pas aux enfants les accords d'Evian et cette guerre comme il se doit, il faut laisser aux historiens et non aux politiques de le faire. Ce n'est pas nous les responsables, c'est le passé et l'histoire. Un écrivain à Alger m'a dit un jour, on tourne l'histoire mais on ne la déchire pas. En gros, c'est ça que j'essaye de comprendre, j'ai des colères que j'exprime dans le rire. Dans cette guerre, il y a eu des ambiguïtés, comme par exemple pour les pieds-noirs qui étaient de simples personnes, postiers ou boulangers, ils menaient une vie en commun respectable avec les Arabes, ce qui a bouleversé les choses, ce sont les décisions politiques qui ont décidé que les Algériens doivent être différents. Les pieds-noirs sont partis déchirés et je les comprends. J'ai fait un film il y a quatre ans qui s'appelle Harki qui a eu beaucoup de succès, des gens m'ont dit pourquoi t'as fait ce film, j'ai répondu que je voulais écrire l'histoire, je ne voulais pas prendre parti, mais éclairer un pan d'histoire, je suis un peu comme un passeur pour parler de l'histoire'.
Pour sa part, Georges Morin, actuellement membre de l'association de maires militants pour la coopération internationale, a été plus explicite sur le cinquantième anniversaire de l'Indépendance, considérant que l'Etat français doit à tout prix revoir son point de vue concernant le passé colonial de la France.
'Il est nécessaire de parler d'avenir, ici comme en France. Mais pour cela, il faut que les politiques français reconnaissent ce que la France a commis durant 132 ans. Ce n'est pas la faute du peuple français d'aujourd'hui mais simplement il y a eu au XIXe siècle des politiques qui ont mené une campagne de colonisation. J'en suis une de ses victimes. Je n'aime pas le mot repentance mais l'Etat français doit reconnaître cette vérité', a-t-il estimé. Et de conclure : 'Lorsque Jacques Chirac avait dit en 1996 que c'était l'Etat français qui était responsable de la déportation de juifs français, il a grandi la France. Un an plus tard, lorsque Lionel Jospin avait déclaré que l'armée française avait fusillé des soldats lors de la Première Guerre mondiale, il avait lui aussi fait grandir la France. Je pense à présent que le moment est venu pour qu'un président grandisse encore plus le pays en avouant que la France coloniale avait créé un système insupportable et indigne. Les pieds-noirs ont été un produit de cette situation. Je me sens profondément Algérien, je ne m'en cache pas, et c'est une richesse extraordinaire.'
D B.
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Posté Le : 03/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Driss B
Source : www.liberte-algerie.com