Algérie - Revue de Presse

Géographie conflictuelle du Proche-Orient : La communication de l'Elysée mise à rude épreuve



«Seul le prononcé faisant foi». A force de la lire, les journalistes, familiers des activités officielles, s'y sont habitués. Souvent, la formule boucle la transcription de discours présidentiels remis à l'avance par les service de presse.

Périodiquement, il arrive que les mots, jalonnant le texte remis par anticipation à la presse, ne se lisent pas dans leur intégralité, sur les lèvres d'un souverain, chef d'Etat ou de gouvernement. Ça s'est produit sous tous les cieux. Ça s'est répété, lundi, au second jour de la visite d'Etat de Nicolas Sarkozy, en Israël.

Dans ce qui a été présenté comme un temps fort de son voyage, le président français s'est installé, le temps d'un discours, sur le «perchoir» israélien. Là où l'avait devancé, seize ans plus tôt, le socialiste François Mitterrand et où Chirac n'y était pas monté lors de sa virée mouvementée. En politicien très averti des sables mouvants du Proche-Orient, Sarkozy s'est livré à l'exercice avec délicatesse. Mêlant diplomatie et communication, il a pesé et soupesé ses mots. Au point de reconsidérer, une fois à la tribune, nombre d'éléments de langage consignés par ses conseillers.

Un passage, à l'évidence lourd de sens dans le contexte israélo-arabe, a été réduit au silence par les lèvres de Sarkozy. Sa teneur: «il ne peut y avoir de paix sans une frontière négociée sur la base de la ligne de 1967», en référence à la géographie antérieure à la «guerre des six jours». Autrement dit, au regard du contexte de 2008, une Jérusalem pas totalement acquise à la souveraineté de l'Etat hébreu. Curieusement, ce passage sur un aspect sensible du conflit israélo-palestinien, s'est affiché sur la mouture intégrale du discours, mise en ligne sur le site officiel de l'Elysée. Cela n'a pas échappé à la curiosité des rédactions parisiennes qui y ont trouvé matière à encadré. Pour «Le Monde», la différence entre le texte et le prononcé était de taille pour passer inaperçue. Commentaire du journal du soir: «Sarkozy a soigneusement dosé» ses propos devant la Knesset. Manifestement, à s'en tenir à la lecture du journal, le chef de l'Elysée et son équipe redoutaient un remake du moment infligé à Mitterrand.

Elu dans le contexte de la «Déclaration (européenne) de Venise» reconnaissant le droit des Palestiniens à l'autodétermination, le «refondateur» du Parti socialiste avait évoqué la création d'un Etat palestinien. Le propos avait suscité le courroux d'une partie des députés israéliens et leur sortie mouvementée de l'Hémicycle. Selon toute vraisemblance, cette séquence a dû «défiler» sur le pupitre de la Knesset. Et convaincu Sarkozy de l'utilité de mettre entre parenthèses les dix-neuf mots sur les frontières de 1967.

Le chef de l'Elysée a été «attentif à la réaction dans l'Hémicycle», avoue officieusement son entourage, cité par «Le Monde». Traduit en langage moins diplomatique, cela signifie la peur de voir une partie des parlementaires israéliens se braquer sur l'»Ami» élyséen d'Israël.

Plus officiellement, le staff de presse de l'Elysée «minimise» la signification diplomatique du décalage entre le prononcé et le support écrit. Si le successeur de Chirac s'est gardé de prononcer la phrase sur l'impossible paix sans le postulat frontalier de 1967, c'est «par commodité orale». Pour autant, «ce qui est écrit dans le discours»- allusion au passage «zappé»-, Sarkozy «le revendique», disent ses communicants.

Manifestement, le bourbier Proche-Orient et sa géographie conflictuelle ont contraint la communication de l'Elysée à une rude épreuve. A moins de trois semaines de la conférence constitutive de l'Union pour la Méditerranée, Nicolas Sarkozy tient à «enfanter», à tout prix, le bébé d'une famille méditerranéenne recomposée. Quoi de mieux, en guise d'acte de naissance, que la photo de famille sur le perron de l'Elysée et des clichés immortalisant les poignées de mains entre Olmert et Assad, Abbas et Olmert, etc.






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