Dieu que c'est douloureux d'enterrer un être cher sous de nombreux
regards qui ne sont pas forcément venus par compassion !
Les Bouteflika doivent être bien malheureux de ne pas pouvoir avoir cette
sérénité dont tous les êtres humains ont besoin lorsqu'ils enterrent leurs
proches les plus chers. Une sérénité qui fait qu'on essaie d'accompagner par la
pensée et dans le plus profond de nos âmes, les êtres chers qui rejoignent
l'au-delà. Les nombreuses foules qui les entourent les empêcheront d'avoir ces
moments de répit tant importants pour les cÅ“urs blessés. Ils se voient obligés
de cacher leurs larmes même quand ils font leurs derniers adieux à des
personnes avec qui ils ont tout partagé. La mère Bouteflika s'est éteinte à
minuit d'un 5 juillet de 2009. Avant-hier, vendredi 2 juillet, c'était
Mustapha, leur frère qui s'en allait pour toujours. Deux départs, une année à
peine entre l'un et l'autre, qui leur sont forcément très douloureux notamment
pour le président qui, certainement parce qu'il n'a pas eu d'enfant, a fait de
sa famille sa raison d'être et de faire.
Au-delà de la forte relation qu'il entretenait avec sa mère, Abdelaziz
Bouteflika était aussi très proche de Mustapha, son frère comme il l'est de
l'ensemble de ses autres frères et sÅ“urs. Mustapha l'était – physiquement -
peut-être plus parce qu'il était médecin. C'est lui qui devait accorder plus
d'attention au président de la République notamment depuis 2005, date à
laquelle il est tombé malade. Mais cette proximité familiale et professionnelle
qu'il avait du premier magistrat du pays ne l'a pas du tout changé. Mustapha
est resté simple, discret et aimable. Il a toujours été connu comme tel. Nous
l'avons rencontré à la fin 1999 à sa demande. C'était dans une des wilayas du
pays. Il s'était présenté comme «fidèle lecteur».
Quelque temps plus tard, dans une autre tournée du président à travers le
pays, il s'était déclaré d'une disponibilité sans pareil pour nous avoir vu
atteint d'un léger malaise. «Ne vous en faites pas, je suis là, je vous suis»,
nous avait-il dit timidement. Les moments d'échanges entre nous devenaient plus
nombreux lorsque le président menait campagne pour ses mandats présidentiels.
Bien que très discret, il ne passait pas un jour sans qu'il vienne nous
saluer et demander si nous avions besoin de quelque chose. Au moment des
meetings, il s'arrangeait pour se mettre dans un endroit loin de tous les regards.
Il avait cette manie de croiser les bras et de baisser les yeux. Des signes qui
cachent mal le grand timide qu'il était. Mustapha n'avait certainement pas
d'ambitions politiques. Mais ses proches, notamment les femmes, disaient de lui
qu'il était le plus gentil des Bouteflika mais le plus profond. «Il était
profond, très profond», nous disait vendredi une parente à lui. La profondeur
de son âme se lisait dans son regard, dans ses yeux verts mais qui semblaient
pleins de mystères. Il ne parlait pas beaucoup.
En mars 2009, pendant la campagne
électorale du président, Mustapha préférait se mettre sur les côtés du camion
qui transportait les cameramen et photographes accrédités. Habillé en noir, il
voulait être noyé dans la foule des représentants des médias pour éviter ainsi
«d'être vu». Dès que le camion s'ébranlait, il se mettait à courir pour être là
où il fallait au moment voulu. Bien que très fine, sa silhouette ne montrait
rien du mal qui le rongeait.
«Mais qui voyez-vous d'autre?»,
nous a-t-il demandé un jour lorsque nous engagions avec lui une conversation
sur une éventuelle relève présidentielle. «Ne me posez pas cette question
assassine», lui avions-nous répondu. Il sourit gentiment en lançant «mais le
pays a besoin de paix, qui va la lui donner ?»… S'ensuivra une discussion
franche que nous nous abstiendrons de rapporter ici par respect à sa mémoire.
Il continuera de nous parler «politique» jusqu'au dernier moment de la campagne
électorale. Il échangera avec nous des propos d'une amabilité absolue. A chaque
fois qu'il en avait l'occasion, il aimait décortiquer avec nous des écrits, des
phrases, des propos. Et quel qu'en soit le contenu, il ne s'en offusquera
jamais. Aussi discret qu'il aurait été de son vivant, Mustapha devenait
«voyant» et fera toujours preuve de disponibilité et de gentillesse à notre
égard.
Aujourd'hui, Mustapha s'en est
allé pour reposer aux côtés de sa maman. Si les lignes relatant son enterrement
répondent à des exigences purement professionnelles, celles-là lui sont un
hommage.
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Posté Le : 04/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : G O
Source : www.lequotidien-oran.com