Algérie

Gens d'Alger



Gens d'Alger
Beaucoup de journalistes de l'hebdomadaire Algérie-Actualité, disparu il y a près de vingt ans, se sont mis depuis à publier des livres. On connaît les écrits de Tahar Djaout, à un degré moindre ceux de Metref. Depuis quelques années, presque tous les autres (Djaâd, Balhi, Stambouli, Chelfi, Ghania Mouffok, Hadouche, Ahmed Ben Allam ...) se sont affirmés dans le registre des études, du témoignage ou de la fiction. Notre confrère n'en est pas certes à sa première publication mais, ce nouveau livre révèle une facette, joyeusement étonnante de son talent. A la lecture des treize nouvelles, on repense parfois à l'atmosphère de « nouvelles romaines » d'Alberto Moravia où se mêlent la tendresse et une ironie mordante. Dans la galerie d'auteurs qui sont cités dans presque toutes les nouvelles, en guise d'hommage au livre, celui-ci aurait pu prendre place.A des moments, on croit retrouver aussi des personnages sortis tout droit de « Omar Gatlatou », inégalable peinture d'Alger où se côtoient la générosité et la petitesse. Kamel Killota qui n'a jamais accepté son surnom n'aurait pas déparé dans un sketch de Fellag ' L'une et l'autre sont rendus dans des textes où l'humour et les chutes font de quelques nouvelles comme « la promesse de la place Kennedy » ou « de l'échelle San Pedro » de petits bijoux. La dernière, à travers l'évocation d'un réfugié espagnol, nous replonge dans une époque méconnue des nouvelles générations. Elle est en nette contraste avec une époque où la bigoterie, la violence liée au foot (l'une et l'autre n'ayant pas inspiré l'auteur), ont défiguré la ville. De l'évocation de Mouloud le bouquiniste de la rue Didouche Mourad aux bruissements des quartiers avec leurs personnages haut en couleur comme Moh Qantar ou l'épicier Ammi Tahar et ses compagnons, c'est Alger qui se révèle dans ses multiples facettes. Elle est à la fois espace de farces, de médisances, de rêves, de regrets et d'amours. L'auteur est un fin observateur de la condition humaine.Il sait autant rendre sans fausse pudeur l'atmosphère d'une fête de mariage que les rêveries de peintre qui éprouve une fascination maladive pour Alger. Il s'abîme dans la contemplation d'un coucher de soleil au point d'oublier un amour à portée de main. Il ne s'agit pas seulement ici d'une inguérissable nostalgie sur La Casbah tombant en ruines ou de splendeurs oubliées. Dans un équilibre réussi, même quand il évoque ce passé, ce dernier sert seulement d'artifice pour entourer le présent d'un halo de lumières comme dans « l'horloger et l'hirondelle » ou « la rose de Jéricho ». Le télescopage des époques et l'intrusion de la modernité produisent parfois comme dans « le tsunamiste » ou « De l'origine des bruits » un effet heureux.L'auteur, dont la famille est originaire de la vallée de la Soummam, ne cache pas, dès les premières pages, sa passion pour la ville qui l'a vu naître. Même s'il laisse son imaginaire gambader, libère sa plume des contingences du réel, il ne choisit pas un autre décor qu'Alger. « Mon regard intérieur est atteint d'une cataracte de l'esprit, peut-être parce que tout amour est voué à l'aveuglement » (P 10). Des faits puisés de la vie quotidienne deviennent des prétextes pour évoquer la vie de personnes ordinaires, que la description rend attachantes. Presque toutes les nouvelles, qu'elles aient pour cadre un immeuble mis sens dessus dessous par une suspicion, une invraisemblable prise d'otage par une nuit de couvre-feu, sont un drame ou une comédie en miniature.Comme tant d'auteurs de la veine réaliste qui subliment le quotidien et les petites gens, il s'accorde quelques innovations formelles notamment l'usage des dépositions lors d'une enquête où le recours dans Bébé Bes à un carnet rédigé par le narrateur et mis à la disposition de son ami. Le lecteur appréciera surtout cet -humour qui parcourt de bout en bout le livre. Ferhani n'écrit pas pour dénoncer ou verser dans la dérision. Il nous réconcilie avec une écriture simple et sans prétention. Il semble avoir autant de respect pour ses personnages que pour ses lecteurs.R. HammoudiTraverses d'Alger (recueil de nouvelles)-Chihab Editions, 236 pages 800 DA




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