Algérie

Geneviève Chauvel «J?ai beaucoup aimé l?Algérie»


Journaliste et écrivaine, Geneviève Chauvel a écrit de nombreux livres de qualité depuis 1977. Son dernier texte publié à Paris, aux éditions Télémaque, est intitulé Aïcha, la bien-aimée du Prophète. Elle nous dit, ici, sa passion du monde arabe, des territoires de l?Islam et de l?Algérie.Le Quotidien d?Oran: Comment avez-vous eu l?idée d?écrire votre roman « Aïcha la bien-aimée du Prophète » ?Geneviève Chauvel: Cela fait bien des années que je m?intéresse au monde arabe. Depuis ma plus tendre enfance, je vis entre les deux cultures. J?étais un bébé quand je suis arrivée en Syrie avec mes parents. Au bord de l?Euphrate j?ai reçu mes premières sensations, couleurs, sons, odeurs, que je retrouverai beaucoup plus tard et qui me troubleront fortement. J?ai grandi ensuite entre Alger et la région de Sétif où mon grand-père avait une ferme et nous recevait pendant les vacances. Toujours la juxtaposition des deux cultures, dans les rues et sur les bancs d?école. Et puis il y eut les années difficiles, semées de violence. Je suis partie en me jurant de tourner la page, d?oublier mon passé et de ne plus revoir les Arabes, jamais. Mais voyez comme le destin est sournois parfois. A Paris j?épouse un journaliste spécialiste du monde arabe. Il finit par m?emmener avec lui et je deviens photographe pour le suivre. Et dans quels pays ? Le Moyen-Orient. Le Liban, la Syrie, l?Arabie Saoudite. Là, ce fut le choc. Je découvrais qui étaient les Seigneurs du désert et je me suis intéressée à leur Histoire. D?année en année, j?ai parcouru tous les pays du Proche-Orient, j?ai rencontré leurs chefs d?Etat, suivi leurs conflits. Après avoir beaucoup lu, j?ai voulu raconter à mon tour. Ce fut « Saladin », puis « l?Amazone du désert, Gertrude Bell ». Je me suis rendu compte alors que pour comprendre les Arabes, l?Histoire ne suffit pas. Il faut connaître ce qu?est l?Islam. Et voilà pourquoi je suis remontée aux sources de cette religion telle qu?elle fut prêchée par le Prophète. Comment s?est produit la Révélation, comment la doctrine a été implantée, comment elle s?est diffusée. Et surtout quels étaient les rapports entre le Prophète et ceux qui avaient choisi de le suivre, la première communauté de musulmans. Et bien sûr je me suis intéressée à la vie intime du Prophète, et je me suis attachée à cette petite Aïcha, la fille de Abou Bakr, l?ami le plus proche et le plus fidèle. Il l?épouse lorsqu?elle a dix ans, peu après son arrivée à Médine. Et pendant dix ans elle sera son élève privilégiée, son épouse préférée, sa bien-aimée. Quand il mourra, elle sera l?héritière du Message en quelque sorte, la référence, car elle a eu l?immense privilège d?être présente quand l?Archange venait faire une Révélation. De toutes les épouses, elle fut la seule.Au cours des années qui vont suivre elle rappellera la vérité de l?interprétation du Coran par le Prophète lui-même dont elle a reçu les enseignements.Elle deviendra une grande savante et laissera 2.210 hadiths. Grande experte en exégèse coranique, jurisprudence féminine, elle formera les plus grands maîtres comme Abou Horeyra. C?est elle qui crée la première école coranique près de la mosquée de Médine. Dans les dernières années de sa vie elle dirigera souvent la prière comme un imam.Ce personnage m?a véritablement fascinée. Je l?ai aimée avec ses défauts, ses ruses, ses jalousies si féminines, son courage, ses ardeurs, et son honnêteté quand elle reconnaît ses fautes et s?impose des pénitences comme après la terrible Bataille du Chameau. Q.O.: Quelle est la part de fiction de ce roman qui respecte les faits historiques ?G.C.: En ce cas, nous pouvons dire que la réalité dépasse la fiction. Toute la vie du Prophète est une grande épopée, et Aïcha fut sa grande passion. Tout cela est terriblement romanesque. Je n?ai eu qu?à mettre en scène et à intérioriser des sentiments authentiques. Aïcha a dit maintes fois comment le Prophète l?aimait, quant aux scènes d?amour, elles font partie de la vie, d?autant qu?en Islam, la sexualité n?est pas un tabou.Pour les événements, j?ai suivi la chronologie historique que j?ai retrouvée chez les historiens les plus réputés pour cette période : Ibn Ishaq, qui fut le premier, puis Tabari, Bukhari, Waqidi,... etc. J?ai remis certains versets dans la chronologie de la Révélation. On comprend mieux quand on connaît les circonstances dans lesquelles tel ou tel verset a été envoyé. Q.O.: Pourquoi, à votre avis, quelques éditeurs parisiens ont refusé de publier ce texte ?G.C.: Certains ont trouvé que j?avais écrit un catéchisme pour musulmans, d?autres qu?il y avait trop de «Prophète» et pas assez de «Aïcha», et le grand reproche fut d?avoir écrit un roman rose dans un style démodé.On voulait des scènes d?amour plus crues, plus «hard», plus actuelles.Je pense qu?ils ne comprenaient pas ce que je voulais exprimer par ce livre : ouvrir la porte au Dialogue. Aider les non-musulmans à voir le côté humain de l?Islam, à mieux connaître leurs voisins musulmans et les comprendre.Ont-ils eu peur de la fatwa ? Ont-ils eu peur de ne pas vendre ?J?ai fini par trouver un éditeur qui a compris le message. Mashallah ! Q.O.: Quelle frontière trouvez- vous entre le journalisme et l?écriture romanesque ?G.C.: Le journalisme c?est rapporter des faits et les analyser de façon objective sous une écriture rigoureuse non dénuée de couleur parfois. Le roman permet une écriture plus libre, plus ronde, plus suggestive. Le roman c?est le sentiment.Pour réconcilier les deux, il y a le roman historique ou la biographie romancée. C?est dans cette catégorie que je me range pour le moment. Le journalisme m?a donné le goût de l?enquête. Et j?aime fouiller le passé, fouiller dans l?Histoire, la revivre à travers des personnages authentiques que je ressuscite. Ma frontière est assez perméable. Q.O.: Vous étiez à Oran en 1958; quels souvenirs gardez-vous de la ville ? De l?Algérie en général ?G.C.: J?ai gardé un très bon souvenir d?Oran. J?étais maîtresse d?internat dans un grand lycée de filles sur les hauteurs de la ville. On avait une vue merveilleuse sur la mer. En dehors de mes heures de travail j?étudiais le droit et recevais mes cours d?Alger, copiés au carbone par des copains. Les polycopiés n?existaient pas encore. J?avais noué quelques amitiés et je me souviens de quelques fêtes très agréables.Oran était une belle ville pleine de gaieté. Il y avait un grand nombre d?Espagnols qui savaient recevoir avec générosité. Le 10 mai 58 j?ai pris le train pour Alger. Les vacances de Pentecôte. Et le 13, j?étais sur le forum sous le balcon d?où le général de Gaulle a dit le fameux « Je vous ai compris ».L?Algérie en général ? Quel beau pays. Je l?ai beaucoup aimé. Je n?y suis jamais retournée. Q.O.: Quels sont vos projets littéraires ?G.C.: Un grand roman sur la Méditerranée. Les deux rives sont à la mode, n?est-ce pas ?


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