Algérie

GAZ DE SCHISTES



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Inconnus du public et n?glig?s par les grands groupes p?troliers jusqu?? tout r?cemment, les gaz de schistes, appel?s aussi shale gas, ont fait une irruption aussi brusque qu?inattendue sur le march? de l??nergie. Leur d?veloppement prodigieux aux Etats-Unis a m?me hiss? ce pays au rang de premier producteur mondial du gaz. Dans un contexte de raret? annonc?e des ?nergies fossiles, l?apport de ressources de gaz de schistes aussi abondantes marquera certainement de son sceau l??volution future de la sc?ne ?nerg?tique mondiale.
En tout cas, ils ne laissent d?j? indiff?rents ni les Etats, ni les op?rateurs gaziers, ni les opinions publiques des pays o? sont initi?s des programmes d?exploration/ production. Les premiers les encensent comme le rem?de miracle qui assurera leur s?curit? ?nerg?tique ; les deuxi?mes y voient une manne financi?re inesp?r?e tandis que les derni?res les per?oivent comme un cataclysme ?cologique. Etablir un ?tat des lieux aussi objectif que possible est, dans ces conditions, un exercice d?licat auquel nous nous essaierons dans cet article.
? Gaz de schistes : nature chimique identique ? celle du gaz naturel
Les gaz de schistes, constitu?s essentiellement de m?thane, sont exactement de la m?me nature chimique que le gaz naturel domestique que nous connaissons tous. Ce sont des gaz non conventionnels qui ne se distinguent des gaz conventionnels que par les caract?ristiques g?ologiques des gisements qui les renferment. Les gisements de gaz conventionnels se pr?sentent sous forme de ?poches? de gaz facilement r?cup?rables par forage vertical, tandis que les gaz non conventionnels sont emprisonn?s dans des roches compactes et imperm?ables. Ils ne peuvent y ?tre extraits que par des techniques particuli?res combinant la fracturation hydraulique et le forage horizontal.
? Fracturation hydraulique : une technique controvers?e
La technique de fracturation hydraulique consiste ? injecter un fluide sous une pression de plus de 100 bars afin de briser la roche m?re, compacte et dure, et lib?rer le gaz qui y est pi?g?. Le fluide utilis? est un m?lange de 99% d?eau et de sable et 1% de produits chimiques. Cette technique pr?sente l?inconv?nient majeur de consommer de grandes quantit?s d?eau. Aux Etats-Unis, le forage d?un seul puits, parmi les 6 500 for?s jusqu?? pr?sent, consomme entre 15 000 ? 20 000 m3. Elle soul?ve aussi une opposition farouche des milieux environnementalistes qui lui imputent de graves probl?mes de contamination des nappes phr?atiques. En Pennsylvanie, des cas de pollution, tr?s m?diatis?s par le documentaire nomin? aux oscars 2011, Gasland, r?v?lent l?infiltration de gaz et de produits chimiques toxiques jusque dans les robinets des m?nag?res. Ces griefs sont jug?s suffisamment fond?s par le Congr?s am?ricain qui vient d?enjoindre l?Agence de protection de l?environnement (EPA) de pr?parer une ?tude approfondie sur les effets de la fracturation hydraulique sur l?environnement. Ils sont ?galement pris au s?rieux par les op?rateurs gaziers qui, sans attendre les r?sultats d?finitifs de l??tude de l?EPA qui ne seront connus qu?en 2014, ont d?j? initi? des programmes de recherche dans le domaine de la fracturation pneumatique et ?lectrique ainsi que dans la formulation de nouveaux produits chimiques moins nocifs.
? R?serves de gaz de schistes : l?Alg?rie en pole position
A la demande du d?partement am?ricain de l??nergie (DOE/EIA), le bureau de consulting Advanced Resources International (ARI) a ?tabli une ?tude dans laquelle il a ?valu? ? plus de 185 000 milliards de m3 les r?serves de gaz de schistes r?cup?rables dans les pays qui pr?sentent un haut potentiel (voir figure 1). Selon cette ?tude, la Chine d?tiendrait les plus grandes r?serves (36 000 milliards m3) suivie de l?Argentine et des Etats-Unis avec environ 22 000 milliards de m3 chacun. Quant aux r?serves de l?Alg?rie, elles sont estim?es ? 7 000 milliards de m3, soit pr?s de 2 fois nos r?serves actuelles de gaz conventionnel. Cette estimation est nettement inf?rieure ? celle des responsables du secteur de l??nergie qui, dans leurs diff?rentes d?clarations, situent le niveau des r?serves nationales plut?t autour de 25 000 milliards de m3. En tout cas, quels que soient les chiffres retenus, ces r?serves demeurent immenses.
? Localisation des r?serves : une nouvelle donne g?ostrat?gique
Le passage de la situation actuelle, o? 60% des r?serves mondiales sont d?tenus par trois pays (Russie, Iran et Qatar), ? cette nouvelle situation, plus ?quilibr?e en termes de localisation des r?serves, ne manquera pas d?entra?ner une refonte des ?changes commerciaux entre les pays consommateurs et producteurs. De nombreux pays tels la Chine, l?Inde et l?Europe, ne seraient plus aussi tributaires des importations en provenance de Russie et du Moyen-Orient. Les ?tats-Unis deviennent m?me autosuffisants et cesseront, avant 2030, toute importation de gaz. En un mot, la s?curit? ?nerg?tique des pays de l?OCDE, sujet hautement sensible, ne d?pendrait plus aussi ?troitement, comme c?est le cas aujourd?hui, de pays ayant des int?r?ts politiques antagonistes ou de r?gions jug?es instables.
? Prix du gaz : une d?sind?xation de fait par rapport au prix du p?trole
La production de 120 milliards de m3 de gaz de schistes aux Etats-Unis et, en m?me temps, l?arriv?e sur le march? de grandes quantit?s suppl?mentaires de GNL en provenance du Moyen-Orient ont engendr? un exc?s de l?offre par rapport ? la demande que l?AIE estime ? plus de 200 milliards de m3 pour 2011. C?est ce d?s?quilibre offre-demande qui explique la chute brutale des prix enregistr?s sur le march? spot depuis 2007. Ce mouvement baissier n?a pas, non plus, ?pargn? les prix du gaz livr? dans le cadre des contrats d?approvisionnement ? long terme. Sous la pression des consommateurs, Gazprom, premier exportateur mondial, a d?j? accept? de changer la formule de prix de ses contrats pour y inclure une part d?indexation sur le march? spot. Bien que les autres exportateurs n?aient pas communiqu? sur ce sujet, il est clair que le niveau actuel du prix, qui se n?gocie sur le march? am?ricain (henry hub) ? moins de 4 dollars le million de Btu alors que le prix index? sur le p?trole est de 16-17 dollars/million Btu, atteste d?une d?sindexation de fait par rapport au prix du p?trole.
? Fili?re GNL : annulation-report de nombreux projets
La mise en service r?cente de plusieurs complexes de GNL (30 millions tonnes/an en 2010) a conduit ? une saturation du march? du GNL. Cette d?prime du march? a entra?n? la diminution, ? moins de 70% en 2010, du taux de fonctionnement des usines de GNL. Elle a aussi eu pour effet l?annulation et le report de nombreux projets. D?apr?s les statistiques du CERA (Cambridge Energy Research Associates), plus de 50% des projets programm?s entre 2012 et 2016 ont ?t? annul?s ou report?s. A court terme, la rentabilit? des unit?s de GNL sera ?plomb?e?, non seulement par la baisse structurelle des prix du gaz, mais aussi en raison du rel?vement des co?ts d?investissement qui se sont carr?ment envol?s ces derni?res ann?es. Ces co?ts sont, selon une ?tude de la CEE, pass?s de 300 US$/tonne en 2005 ? plus 800 US$/tonne aujourd?hui. A plus long terme, le rapprochement entre les lieux de production et les centres de consommation, induit par la plus large r?partition g?ographique des r?serves de gaz de schistes, rendra encore moins avantageuse la fili?re GNL par rapport au transport par pipelines. Les nombreux projets de gazoducs en cours de lancement (Galsi, Southstream, Nabucco, TAP ?) semblent confirmer cette tendance.
? Perspectives de d?veloppement : ralenties par la question environnementale
Les perspectives de d?veloppement des gaz de schistes sont r?elles en Am?rique du Nord et dans certains pays tels que la Chine, l?Argentine et la Pologne, o? de nombreux contrats d?exploration- production ont d?j? ?t? conclus. En Alg?rie, des forages pilotes sont annonc?s pour l?ann?e en cours. A l?inverse, dans d?autres pays, comme la France, l?annonce de programmes d?exploration des gaz de schistes a soulev? une forte mobilisation de l?opinion publique qui s?inqui?te des risques environnementaux li?s ? la production de ces gaz. En France, les autorit?s ont fini par interdire toute exploitation des gisements utilisant la technique de fracturation hydraulique au motif, selon le rapport de l?Assembl?e nationale de ce pays, que cette technique serait incompatible avec une politique de pr?servation de l?environnement. Dans le continent africain, l?Afrique du Sud, malgr? sa d?pendance des importations de gaz, vient, pour les m?mes raisons, de d?clarer, elle aussi, un moratoire sur l?utilisation de la technique de fracturation hydraulique.
Conclusion
Bien que connue depuis la fin des ann?es 1970, la production des gaz de schistes n?est r?ellement mont?e en puissance qu?? partir des ann?es 2007-2008. L?exploitation de ces gaz suscite de grands espoirs notamment dans le secteur de la g?n?ration ?lectrique o? ils peuvent ?tre utilis?s en remplacement du charbon, ?nergie polluante s?il en est, et du nucl?aire que la catastrophe de Fukushima a d?finitivement condamn?. L?utilisation pleine et enti?re de l??norme potentiel en gaz de schistes semble, cependant, conditionn?e par le d?veloppement de techniques d?exploitation plus respectueuses de l?environnement.
S. A.
*Ing?nieur en raffinage et p?trochimie


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