Algérie

Gaz de schiste



Gaz de schiste
La nouvelle loi sur les hydrocarbures est entrée en vigueur il y a quelques semaines, suite à sa publication au Journal officiel. Cette décision a créé, il faut le dire, une grande polémique. Certes, cette polémique n'est pas venue du néant. La précipitation avec laquelle le gouvernement algérien veut "développer" l'industrie du gaz de schiste est suspecte. Les conséquences de son exploitation sur l'environnement et la santé de la population, dans le c?ur agricole, historique et démographique du pays ont manifestement peu de poids pour le gouvernement. Il est permis de se poser la question et réfléchir à l'heure où des milieux cherchent à précipiter l'Algérie dans l'aventure du gaz de schiste. La raison de cette décision pourrait être, sinon commerciale, politique.L'assèchement graduel des puits conventionnels (gaz et pétrole) constituerait une raison valable pour la recherche d'autres gisements à même de maintenir une production au niveau des engagements internationaux. De ce fait, les pouvoirs publics sont conscients qu'ils que l'Algérie se doit de revoir sa stratégie énergétique. Mais au détriment de quoi ' Ainsi, afin de préparer l'après-pétrole, l'Algérie mise sur les hydrocarbures non conventionnels. L'Algérie est classée au 3e rang mondial, juste après la Chine et l'Argentine, en termes de réserves de gaz de schistes récupérables, selon les données du département américain de l'information sur l'énergie. Elles sont estimées à 707 000 milliards de pieds cubes (environ 19 800 milliards de mètres cubes), situées essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et de Tindouf (Sud).Avec cette décision, le pays se prépare à l'épuisement annoncé des réserves d'hydrocarbures conventionnels. Celles-ci sont estimées à 12,2 milliards de barils de pétrole et de 4,5 mille milliards de mètres cubes de gaz naturel. Ainsi, il convient de noter que les hydrocarbures conventionnels sont piégés dans des roches réservoirs poreuses, perméables et sous pression, ce qui permet leur extraction par simple déplétion ou pompage, les hydrocarbures non conventionnels (gaz et huile de schiste) sont piégés dans des roches caractérisées par une microporosité qui rend leur récupération impossible sans stimulation. Ce qui n'est pas sans incidence sur le coût d'exploitation, qui est de quatre à cinq fois supérieur. Il s'agit d'une opération chimique ou hydromécanique, appelée fracturation, permettant la libération des hydrocarbures piégés et leur production en surface, avec toutefois des débits beaucoup plus faibles que ceux des hydrocarbures conventionnels. La controverse autour de l'exploitation du gaz et de l'huile de schiste est liée à cette opération de stimulation, du fait de son coût, mais aussi de ses conséquences sur l'environnement et sur les activités humaines. En effet, pour compenser la faible productivité par surface de drainage, des milliers de puits doivent être réalisés, chacun d'entre eux nécessitant un drain horizontal, des canalisations et des installations très denses en surface. Au-delà de son coût financier, la mise en place de ce dispositif est donc gourmande en espace et exclut toute autre activité humaine, rurale ou citadine. Sur un autre sillage, cette opération requiert de très importants volumes d'eau (voir encadré), un système de traitement-stockage des rejets, ainsi que l'utilisation de produits chimiques.Certes le gaz de schiste a provoqué un véritable miracle aux Etats-Unis, dont les réserves de gaz sont passées de 1 500 trillions de pieds cubes (TPC, soit plus de 42 475 milliards de m3) en 2000 à 2 327 TPC en 2013. La production actuelle a atteint 15 TPC/an, soit près de 425 milliards de m3, ce qui représente 62 % de la production totale de gaz naturel aux Etats-Unis. Résultat : arrêt des importations, création de milliers d'emplois et probabilité d'exportation à partir de 2017. Cela a entraîné l'effondrement du prix du gaz sur le marché intérieur américain à 3,8 dollars/million de British Thermal Unit (BTU, unité d'énergie : 1 watt équivaut à environ 3,4 BTU/h).Les cours se sont également effondrés sur le marché mondial du fait de la crise financière de 2008 et de l'abondance de gaz, qui a entraîné une compétition féroce entre producteurs et exportateurs. Il est désormais clairement prouvé que ce type d'hydrocarbure existe ailleurs dans le monde, notamment dans trois pays disposant de réserves similaires, voire supérieures, à celles des Etats-Unis : l'Algérie, la Chine et l'Argentine. Mais dans un pays comme les Etats-Unis la recherche scientifique peut remédier à n'importe quels moments aux désagréments que provoque cette technologie, ce qui est loin d'être le cas en Algérie. Tous trois affichent déjà leur intention de suivre l'exemple américain et ont démarré des travaux de recherche et d'évaluation, précédés parfois par une modification du contexte législatif et contractuel afin d'en permettre l'exploitation. Entre autres, de nombreux problèmes restent à résoudre, des résistances à vaincre, de façon spécifique à chaque région, sur des domaines sensibles comme l'environnement, le savoir-faire technologique, l'importance des investissements à consentir, mais aussi l'objectif recherché, à savoir la rente ou la sécurité énergétique.Qu'en est-il de l'Algérie ' Une chose est sûre, il est peu probable que le miracle américain survienne en Algérie, et ce, à cause des moyens logistiques et financiers gigantesques à mobiliser.C'est maintenant qu'il faut y réfléchir et qu'il convient d'agir. En premier lieu, il faut évaluer les ressources, les enjeux et les contraintes, et se préparer à une éventuelle exploitation des hydrocarbures non conventionnels qui ne surviendra pas de façon significative avant 2030. Les programmes et travaux en cours, ainsi que les éventuels progrès technologiques à venir, devraient contribuer à résoudre aussi bien les problèmes de coût que ceux liés à l'environnement et à la contrainte de surface.Par ailleurs, il faut agir dans un objectif de satisfaction des besoins en énergie et non de rente, à travers une transformation du gaz et de l'huile en énergie sur les sites même de leur extraction, en combinaison avec les énergies renouvelables (solaire), pour permettre le développement d'autres activités et richesses au niveau local, ainsi que la création de milliers d'emplois dans les secteurs périphériques tels que la pétrochimie, l'industrie ou l'agriculture. Ce qui est hélas, loin d'être le cas en Algérie. En matière d'environnement et sans tenir compte d'éventuels progrès à venir en matière de technologie de fracturation, il est prouvé que le domaine saharien (87 % du territoire algérien) renferme des ressources en eau suffisantes et à même de subvenir à tous les besoins, pour peu que le soutirage se fasse de façon contrôlée et strictement dans les zones éloignées de celles où il y a des activités humaines, urbaines ou rurales. Le système aquifère saharien renfermerait en effet 40 000 milliards de m3 d'eau, dont 60 % en Algérie. Son exploitation agricole et industrielle actuelle utiliserait 1,5 milliard de m3 par an, pour quelque 6 500 puits et autres foggara [galeries souterraines drainantes]. Cette ressource n'est cependant renouvelée qu'à raison de 1 milliard de m3 par an et, surtout, n'existe pas partout. Le bassin de Tindouf, par exemple, en est totalement dépourvu. Par ailleurs, il est prévu que le soutirage atteigne 3,2 milliards de m3 par an d'ici à l'horizon 2020, alors que le potentiel du système aquifère pour le seul Sahara septentrional (l'Algérie) est de 5 milliards de m3 par an. Enfin, il convient de noter que l'avenir de l'économie algérienne est loin d'être dans le gaz de schiste mais plutôt dans la Mitidja ! En effet, cette dépendance des hydrocarbures n'est guère bénéfique au pays. A la fin, la question qui mérite d'être posée, est pourquoi l'exploitation du gaz de schiste ne se termine pas en eau de boudin comme tant d'autres projets annoncés il y a des lustres ' Sur un autre sillage, il est à noter que la crise politique et sociale ouverte en Ukraine et la détérioration des relations entre la Russie et l'Union européenne, le gaz algérien semble fortement intéresser les pays d'Europe.L'Algérie apparaît comme une alternative sérieuse au risque de rupture de l'approvisionnement de l'Europe en gaz russe. Selon des sources sûres, des échanges ont eu lieu entre une délégation de l'Union européenne et des officiels algériens sur des possibilités d'étudier la "préparation " de l'Algérie à compenser l'absence ou la réduction de l'approvisionnement en gaz russe.Les Algériens auraient manifesté peu d'enthousiasme à l'offre d'une ouverture plus grande de l'Europe au gaz algérien. Les raisons sont d'abord liées à la relative faiblesse de la production de gaz destinée à l'exportation. Au-delà de la baisse enregistrée des gisements, le marché domestique, de plus en plus étendu, absorbe une partie non négligeable - près de la moitié - de la production.Mais il faut dire que la décision de l'Algérie n'est pas très intelligente. En effet, le Russie, est un partenaire plus que précieux, c'est un allié important dans les questions géopolitiques régionales et le principal fournisseur de l'Algérie en armements.




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