L'évacuation des prestataires privés de la gare maritime du port d'Oran
est au centre d'une polémique. L'EPO dit avoir appliqué une décision du gouvenement, notifiée par le biais de Sogeports.
Les opérateurs expulsés, eux, parlent d'une démarche locale et unilatérale. Une
chose est sûre cependant : les passagers se plaignent aujourd'hui d'une absence
totale de multiservices dans l'enceinte : ni cafétéria, ni fast-food, ni KMS…
Si, certes, un léger mieux est entregistré dans
la prise en charge des voyageurs au départ et à l'arrivée grâce à l'investissement
opéré depuis 2008 par l'entreprise gestionnaire dans le secteur gare maritime, il
n'en demeure pas moins qu'un vide se fait sentir en matière de prestation de
services annexes.
Le démantèlement des locaux «intra-muros», qui abritaient les
prestataires pour en récupérer l'espace au profit de la structure, s'est fait
au détriment du volet services. L'assainissement des plateformes portuaires, motif
sans appel évoqué par l'entreprise gestionnaire pour justfier
son divorce - non consommé - avec ces prestataires, est remis en cause par les
opérateurs délocalisés. Parmi les arguments invoqués par ceux-ci pour réfuter
la version EPO, celui-ci : «Si l'instruction vient vraiment de Sogeports (Société de gestion des participations de l'Etat -
ports), alors pourquoi nos pairs des ports d'Alger, de Annaba et de Skikda
n'ont pas été évacués de l'enceinte portuaire et continuent d'y exercer à ce
jour sans aucun problème ?» Et d'ajouter : «Dans tous les ports et aéreports du monde, le privé est autorisé, par une
convention, une adjudication, un appel d'offres ou tout autre moyen de mise en
concurrence, et au moyen d'un registre de commerce bien sûr, à prester des
services au profit des voyageurs et des accompagnateurs. Les entreprises
gestionnaires ont tout à gagner en concédant ce créneau à des sous-traitants, publics
ou privés, notamment sur les plans finance et marketing. Les volets sécurité et
conformité de la qualité de la prestation ne sont que des détails. Ils ne
peuvent pas être des entraves à la concession, encore moins des prétextes
d'abrogation», remarque le gérant d'une cafétéria, évacué de la gare maritime
il y a près de deux ans, à coups de mises en demeure successives.
Certes, l'EPO a mis le paquet dans l'investissement (aquisition
de matériel, logistique, renforcement du personnel, etc.) visant l'amélioration
de la prise en charge des voyageurs, au départ et à l'arrivée. Cependant, dans
cette tentative de mise à niveau du segment traitement des voyageurs, le
maillon le plus en mal, voire carrément manquant, reste la prestation des
services annexes. Car, en effet, au port d'Oran, en matière de commodités, comme
les cafétérias, les restaurants, les kiosques multiservices, les magasins de
shopping, etc., il y a beaucoup à redire. Hormis une petite cafète
qui est loin de répondre à la demande, tant sur le plan quantité que sur le
plan qualité, nichée dans un coin du rez-de-chaussée du bâtiment B faisant
office de salle d'attente, la gare maritime du port d'Oran se résume en une
passerelle entre le quai et les car-ferries.
Excepté ce défaut, rectifiable, le port de la capitale de l'Ouest a fait
un bond remarquable dans le registre trafic de voyageurs, plus précisément en
ce qui concerne la qualité de la prise en charge, et ce à la faveur de
l'opération de reconfiguration et de rééquipement de la station maritime, lancée
en 2008. Encombrée et mise à mal par une toile d'araignée de locaux occupés par
des opérateurs de tous bords, il y a près de quatre ans, la gare maritime avait
besoin d'espace vital. Aucun projet de mise à niveau de cette structure n'était
possible, alors sans extension géométrique. Autant dire qu'il n'y avait d'autre
solution que de délocaliser les activités extra-portuaires
implantées dans l'enceinte portuaire. Ainsi, dès l'année 2008, quelque 130
opérateurs ont été priés de déménager au plus vite. La protestation enfle, mais
l'EPO ne fait pas marche arrière. Au terme du processus d'évacuation, l'entreprise
gestionnaire a pu récupérer les blocs C et D au profit de la gare maritime, ainsi
que des bureaux épars qui abritaient des transitaires, des assureurs et autres
auxiliaires de l'activité portuaire, et même quelque 37 logements de fonction
jusqu'alors illicitement occupés.
A l'évidence, l'entreprise gestionnaire n'a pas attendu l'aboutissement
de la procédure du recouvrement de l'immobilier dévié de sa vocation première
pour se lancer dans la réhabilitation et le réaménagement des sites déjà
fonctionnels. Le bloc A, abritant au 1er étage la salle dite des piétons, et au
rez-de-chaussée celle réservée au contrôle douanier des véhicules, a été tôt
mis en chantier, avec comme mot d'ordre du maître d'ouvrage à l'égard des
entrepreneurs intervenants : minimiser les désagréments susceptibles de
perturber le service et d'incommoder le passager. La consigne a été respectée, le
choix de périodes creuses du trafic pour l'exécution des travaux aidant.
TAPIS ROULANT POUR BAGAGES A VENIR
Aujourd'hui, la salle du contrôle de police, du couloir piétons où le
passager jette le premier pas en descendant de la passerelle du bateau
jusqu'aux escaliers accédant à l'esplanade, est refaite à neuf à 100%. Revêtement
du sol, rhabillage du plafond, clim, éclairage, informations sur grand écran, etc.
Pour joindre l'utile à l'agréable, les murs des halls d'arrivée ont été ornés
de part en part par des tableaux et des posters en noir et blanc, racontant
l'histoire du vieil Oran et de son port, depuis la création par les Espagnols
d'un abri aux embarcations en 1736, en érigeant une jetée enracinée un peu au
sud du fort de La Mona, puis le confortement par un épi, de
1844 à 1864, avant une série d'extensions opérées par les Français dès 1858, jusqu'à
la configuration actuelle de cette structure.
Au contrôle de la PAF,
le flux des passagers est dispatché sur huit postes. Suffisant ? Si en temps de
baisse du trafic, notamment durant l'hiver, où ça ne se bouscule pas du tout au
portillon au point où on en arrive à fermer la moitié des guichets de contrôle
à la mi-journée, la situation est différente durant les pics d'affluence. Les
intervalles d'attente augmentent, parfois au-delà de l'acceptable, durant les
grandes arrivées des émigrés, juin-juillet, et encore
davantage durant les grands retours, août-septembre, voire
jusqu'à octobre. Mais, en général, ce n'est pas au niveau du contrôle de police
où ça coince, car c'est même le maillon du circuit le plus fluide. Toutes les
dépendances de ce compartiment ont été retapées : le poste du SAMU, le salon d'honneur,
le poste sous-douane, le contrôle au scanner, les
sanitaires, etc. Le GNL-16 y est pour beaucoup. Seul bémol : la manutention du
bagage. Là, le passager doit se prendre en charge soi-même, se débrouiller pour
faire descendre ses lourdes valises en passant par des escaliers. Il manque des
bagagistes et même des charriots. Un responsable de
l'EPO explique, sur place, que ce point noir sera réglé à court terme avec le
projet d'installation du convoyeur à charriot
automatique, en phase d'étude.
Mais le système du tapis roulant, dont on parle depuis trois ans déjà, tarde
à voir le jour. Selon un professionnel, il faut penser à mettre en place dans
la gare maritime un système intégral de traitement automatique des bagages
permettant vitesse, sécurité et traçabilité. En
attendant, c'est le traitement manuel à près de 80% qui est de mise, avec tous
les aléas que cela suppose. Il y a lieu de relever également une amélioration
concernant la prise en charge des passagers avec véhicules, ou «auto-passagers», pour s'en tenir au jargon interne, qui
transitent, eux, par un autre pavillon équipé d'un scanner dernièrement acquis
par l'EPO. L'élargissement, dernièrement, du couloir vert pour les opérateurs
d'import-export, sur instruction de la
DG de la douane algérienne dans le cadre de la LF 2012, comme démarche leur
épargnant le contrôle douanier en amont, a contribué un tant soit peu à la
fluidification du contrôle des «auto-passagers».
Le bâtiment D, qui longe le dock 8 (quai de Casablanca), quant à lui, fait
actuellement l'objet de travaux de maintenance. Récupéré dernièrement au profit
de la gare maritime, ce bloc sera fin prêt pour la prochaine saison estivale : il
sera réservé aux passagers dans le cadre des voyages organisés arrivée-départ. Parmi les opérations actuellement au stade
de l'appel d'offres, l'installation de deux abris-soleil
gigantesques sur le quai, pour offrir un meilleur confort aux voyageurs, ainsi
qu'une grande salle de conférence dans le bâtiment administratif C.
Cependant, il y a lieu de relever de nombreuses carences en matière de
prestations, comme l'absence de cafétérias, de la restauration, des
multiservices (téléphone, internet, journaux…) et
autres commerces multiproduits qui doivent exister
dans tous les ports et aéroports. Les voyageurs se plaignent de l'inexistence
de ces commodités.
LES MULTISERVICES, TALON D'ACHILLE DU PORT
«J'avais besoin de cadenas pour bien fermer mes cabas et valises avant de
les faire passer par le carrousel pour leur mise en soute. Ce sont des choses
dont on se rend compte à la dernière minute. J'ai eu beau ratisser
le port, je n'ai pas trouvé un magasin proposant ce genre d'article. En fait, il
n'y a aucun point de vente, ni KMS, ni tabac et journaux, ni fast-food…», se
plaint un passager, la cinquantaine, rencontré peu avant son embarquement à
bord du car-ferry en partance pour Marseille. Un autre, une émigrée résidant à
Paris et venue à Aïn Témouchent
pour une visite de famille, voulait s'attabler autour d'un café en lisant un
journal, en attendant. La seule cafète du coin, plutôt
un petit foyer-buvette pour les travailleurs du port
où l'on ne sert que du café express au moyen d'un ticket ramené de la caisse, ne
se prêtait guère à l'attente de cette dame en compagnie de ses deux jeunes
filles. Les manques sont nombreux, tout autant que les voyageurs insatisfaits, à
l'exemple de cet importateur qui n'a pas trouvé où photocopier des documents et
les faxer, cet étudiant qui cherchait désespérément un cyber,
cette femme qui voulait acheter une carte de recharge de téléphone mobile…
Pourtant, ces services existaient
bien auparavant. Mais ils ont disparu après la délocalisation des prestataires
privés et le réaménagement des locaux qu'ils tenaient moyennant loyer. Selon la
version officielle de l'EPO, leur évacuation, au même titre que celle de tous
les opérateurs qui étaient présents dans l'enceinte portuaire, a été faite sur
décision du gouvernement (Conseil interministériel du 26 août 2008), notifiée
pour application aux différentes entreprises portuaires via la Société de gestion des
participations de l'Etat - ports (Sogeports), portant
assainissement des plateformes portuaires. On explique aussi de même source que
cette démarche avait pour grand sceau la mise en Å“uvre du code de l'ISPS (Code international pour la sûreté des navires et des
installations portuaires).
Cependant, selon les prestataires concernés, parmi lesquels les gérants
d'une cafétéria et d'un KMS, «cette mesure ne vient pas d'Alger, car il s'agit
d'une jurisprudence locale». Ils en veulent pour preuve qu'«au niveau des
autres ports d'Alger, de Annaba et de Skikda, les prestataires de services tels
que cafétérias, restaurants, multiservices, n'ont pas été délocalisés de
l'enceinte portuaire et continuent d'y exercer à ce jour». Ils avancent un
autre argument : d'après l'article 16 du JO du 6 janvier 2002, fixant le
règlement général d'exploitation et de sécurité des ports : « Ne doivent être
implantés au niveau des gares maritimes que les bureaux des administrations et
des organismes intervenant directement dans les opérations de contrôle des
passagers, de leurs véhicules et de leurs bagages, ainsi que les locaux
commerciaux et autres commodités utiles aux voyageurs». Selon les mêmes
interlocuteurs, «il était question, à l'origine, d'un arrêt d'activité
provisoire, le temps d'exécuter les travaux à la gare maritime. Les
responsables de l'EPO nous ont promis que nous allions reprendre notre activité
au sein de nouveaux locaux une fois la nouvelle structure réceptionnée. Un plan
de masse du projet d'aménagement du dock 8, quai de Casablanca, où figuraient
bien les box commerciaux qui allaient nous être affectés, a même été montré. Mais
nous sommes surpris de ne pas être réintégrés à ce jour», se plaignent les même prestataires, qui disent avoir confiance en la
promesse de la direction générale de l'EPO.
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Posté Le : 22/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Houari Saaïdia
Source : www.lequotidien-oran.com