Gare à la banalisation

Encore un kidnapping en Kabylie. Selon un décompte de presse, on en est, avec le rapt qui vient de mettre Ath Zmenzer et ses environs en émoi, à près de 80 enlèvements de personnes, enregistrés en dix ans dans la seule wilaya de Tizi Ouzou. Un record dont la région se serait bien passée si cela ne tenait qu'à ses habitants qui ne manquent aucune occasion de crier leur ras-le-bol de cette menace qui plane au quotidien sur eux, sur leurs proches. Sur leur gagne-pain aussi, car ces actes ciblent, le plus souvent, des entrepreneurs et des commerçants plus ou moins riches qui, du coup, sont poussés à délocaliser leurs activités économiques vers d'autres contrées plus clémentes, aggravant ainsi un désinvestissement et un chômage endémique dont le taux dépasse largement la moyenne nationale. Il est vrai que ce sont quelquefois des gens "ordinaires", des citoyens lambda qui font les frais de ce "phénomène" récurrent, mais les statistiques montrent qu'à l'évidence les industriels et, plus généralement, les créateurs de richesses et d'emplois, sans être forcément de vraies "puissances financières", constituent les "proies" les plus prisées par les bandits de grand chemin et autres terroristes en mal de logistique. Tizi Ouzou n'est pourtant pas la wilaya qui compte le plus grand nombre d'entreprises ni même de PME en Algérie, encore moins celle qui pourrait se targuer d'avoir une importante "population patronale" active. D'où cette interrogation, rendue incontournable par la dimension répétitive de ces kidnappings : pourquoi la Kabylie ' Connaissant la singularisation dont la région a de tout temps fait l'objet, la question ne va pas sans susciter quelques soupçons tout aussi incontournables que la question elle-même. Si l'on y ajoute le peu d'empressement que l'état, constitutionnellement responsable de la sécurité des personnes et des biens, met à délivrer définitivement les habitants de la région de cette menace, l'on est alors tout aise de conclure que "quelque chose ne tourne pas rond" dans cette affaire. Du reste, des élus de l'APW ont eu à interpeller les autorités de la wilaya et à souligner l'incongruité d'une situation qui reste à ce jour suspecte car inexpliquée.En attendant d'y voir plus clair, il faut saluer la mobilisation et l'esprit de solidarité dont font montre les citoyens, en réaction à chaque enlèvement. Car, pour l'heure, seules cette mobilisation et cette solidarité peuvent éviter une banalisation dangereuse des rapts en Kabylie.NomAdresse email