Algérie

Gant de velours


L'Algérie est riche et elle a de l'argent. Cette affirmation est souvent avancée pour justifier la nécessité d'une intervention, souvent revendiquée, de l'Etat pour prendre en charge telles dépenses ou compenser telles pertes. C'est dans cette logique que les agriculteurs d'El Tarf, dont les cultures ont été ravagées par les dernières intempéries ont demandé que le Trésor public indemnise leurs pertes. Pourtant, c'est le rôle de l'assurance dont celle contre les catastrophes naturelles, qui est obligatoire. Mais rares sont les agriculteurs algériens qui contractent une assurance pour leurs cultures, car jugeant les primes d'assurance trop élevées. Complaisant, l'Etat ferme les yeux sur ce refus caractérisé de se soumettre à la loi - c'est là son erreur-, et propose, en plus de donner gracieusement les plants, les poussins, les aliments et les produits phytosanitaires, d'accorder des crédits sans intérêts et des rééchelonnements des dettes bancaires avec bonification des taux d'intérêts. Au lieu d'appliquer, dans toute sa rigueur, la loi qui impose l'assurance, les pouvoirs publics pousseront la complaisance jusqu'à parler «d'encourager» les agriculteurs à contracter une police d'assurance. Pour ce faire, l'Etat se propose d'intervenir avec un fonds de soutien pour abaisser au plus bas possible le niveau de cotisations que doit payer l'agriculteur ou l'éleveur. On se refuse d'appliquer aveuglément la loi. On se fait pédagogues et travaillons à instaurer une culture de l'assurance et l'esprit de mutualiste chez les agriculteurs. Mais ces derniers ne l'entendent pas de cette oreille. «Obtenir des crédits bancaires, même sans intérêt, n'arrange personne. Nous ne voulons pas de ce genre d'aide. Que vont-ils faire avec des engrais ou des crédits bancaires ' [?]. Nous demandons une indemnisation des pertes à la hauteur de leur valeur», dira un représentant des agriculteurs d'El Tarf. Autrement dit, ils ne veulent pas débourser un sesterce et demandent à l'Algérie, qui est riche et a de l'argent, de payer ce qu'ils ont refusé d'assurer. Cette même attitude a été adoptée par des citoyens dont les maisons, qui n'étaient pas assurées bien que l'assurance habitation soit tout aussi obligatoire, se sont effondrées suite à des intempéries. Si on suit cette logique, les chauffeurs de taxi sont donc aussi en droit de refuser d'assurer leurs véhicules, les industriels leurs usines et machines, les négociants leurs marchandises? Et c'est la porte ouverte à tous les dépassements, entorses et infractions. Mais si le citoyen en est coupable, c'est par contre l'Etat qui en est responsable. Car, il a la mission et la responsabilité d'appliquer la loi en tout et pour tous, à commencer par lui. Conciliation et complaisance ne doivent pas devenir une politique de gestion. La paix sociale et la participation à des élections ne s'achètent pas avec des largesses et des aides, mais avec le rétablissement de la justice et des équilibres sociaux. Qu'on fasse payer celui qui doit payer - pas seulement en argent -, et l'Algérie n'en sera que plus riche et, surtout, plus forte.H. G.