Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un
plaisir de vous les faire parvenir. Musique.
Le peuple ivoirien se déchire sur le choix entre deux présidents de la
république. Ceux des pays arabes hurlent et crient au départ des leurs. En
Europe, les Belges supplient, depuis plus de 250 jours, leurs hommes politiques
de former un gouvernement avec un vrai «Chef». En Afrique et dans les pays
arabes, les manifestations sont réprimées dans le sang par les pouvoirs en
place, alors qu'en Belgique c'est dans la joie, la bonne humeur et
l'excentricité que les citoyens déclinent leur… colère. En ces moments de
profonde tristesse que vivent les peuples arabes, quoi de mieux pour saluer
l'espoir des Arabes et Africains que de conter la «révolution belge» baptisée
«révolution de la frite», en référence à ce tubercule dont les Belges en ont
fait une référence identitaire nationale. Comme dans les pays arabes, ce sont
les jeunes Belges qui sont sortis sur les places publiques pour exprimer leur
ras-le-bol à leurs gouvernants. Le mouvement, parti des universités belges, a
rassemblé, mercredi après-midi, des milliers de jeunes étudiants auxquels se
sont joints d'autres jeunes sur les places centrales de Liège, Gand, Louvain,
etc.
Scandant des mots d'ordre
tournant au ridicule les leaders politiques du pays, particulièrement ceux
ayant gagné les dernières élections législatives du 13 juin 2010, les milliers
de jeunes ont offert un spectacle coloré et amusant : formation de carrés aux
couleurs du pays ; brandissement de cartons rouges en direction des politiques
; danses et chants folklorique et, pour certains, séance de strip-tease !
Garçons et filles se sont dévêtus, gardant le strict minimum, avec cependant un
salut «fessier» aux caméras des nombreuses télés nationales et étrangères
venues couvrir «l'étrange» manifestation des jeunes Belges. L'occasion était
historique : les hommes politiques belges venaient de battre le record du monde
d'un pays sans gouvernement en franchissant le cap des 249 jours. Ils ont
détrôné les Irakiens détenteurs, jusque-là, de ce record. Les Belges ne l'ont pas
cherché, à proprement dire. Que du contraire ! Ils ont tenté et prévenu, ces
dernières semaines, les vainqueurs des élections engagées dans une interminable
négociation, qui perdure, pour la formation d'un gouvernement. Cela a commencé
en janvier par l'appel lancé sur facebook (décidément !) de cinq jeunes et qui
a fini en moins d'une semaine à rassembler près de 40.000 manifestants de tous
âges à Bruxelles. Ensuite, il y eut l'appel à la grève du rasage de barbes pour
les hommes jusqu'à la «naissance d'un gouvernement» lancé par le très populaire
acteur de comédie, Benoît Poeolvoorde. Puis, il y eut enfin cette députée
flamande qui mit sa popularité au service de la cause : elle a appelé, devant
les caméras de télévisions, les épouses des hommes politiques engagés dans les
négociations pour la formation d'un gouvernement, à une grève du sexe.
Autrement dit, de s'abstenir à
satisfaire les demandes et pulsions charnelles de leurs époux. Ces «histoires»
belges, pour délurées et surréalistes qu'elles paraissent, ne traduisent pas
moins une vérité politique : la vie en démocratie et ce qu'elle offre comme
alternatives à la…violence dans la revendication d'un droit légitime des
peuples. Que devons nous y penser chez nous ? En rire ? Aussi et c'est fait
pour ; mais cela devrait nous pousser à méditer sur notre sort fait de
violence, de larmes et de sang à chaque fois que l'on ose revendiquer le droit,
la justice sociale ou une bouffée de liberté. Et si on adoptait la démocratie
pour changer nos misères et nos violences en manifestations de joie et fête ?
Est-ce si impossible que cela ? Pourtant, la Belgique, ce sont trois langues
dont deux officielles (français et néerlandais); aucune ressource minière ; 10
millions d'habitants et plus de 120 nationalités différentes vivant dans la
capitale Bruxelles qui compte 1, 2 million d'habitants ! Pour dire qu'il suffit
de jouer d'intelligence, de créativité et de tolérance pour qu'un pays soit et
compte dans le concert des nations. Bruxelles est capitale de l'Europe, siège
de l'Otan et de bien d'autres organisations internationales. Bientôt 9 mois
sans gouvernement et aucune dégradation des Agences bancaires de notations. 9
mois, le délai de gestation d'un bébé, et aucune crise sociale ou économique
pour le peuple belge. Le gouvernement en affaires courantes a eu à gérer la
présidence tournante de l'UE durant le dernier semestre : il s'en est acquitté
avec des félicitations. Ce sont encore là, les plus-values de tout système
démocratique.
La «révolution de la frite» n'est
pas un simple «gag» politique ou une plaisanterie d'adolescents. C'est un clin
d'Å“il au brasier qui couve l'huile bouillante qu'il faut pour faire cuire une
frite comme il se doit. Les scientifiques ont classé dans la famille des
«solanacées» la pomme de terre qui fait la frite, en référence au taux de sel
qu'elle peut contenir, et lorsqu'elle est douce, elle devient patate et rejoint
la famille des «convolvulacées», au regard du sucre qu'elle contient. Les
Belges ont le choix : salée ou sucrée, la révolution ?
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Posté Le : 20/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com