Algérie - Gnawa

Gaada Diwane Béchar



Gaada Diwane Béchar
Ils auraient pu se faire appeler « six garçons et une fille », mais Gaâda dont la traduction difficile leur sied à merveille
rappelle l'immensité du désert au parfum de leur jeunesse, aux hymnes à l'amour dont ils ont su transporter les
souffles doux du vent du Sud, de Béchar à Paris. Un point de départ, de naissance, une ville qui marque cette route
semée d'innombrables ksour s'égrenant le long d'oueds aux consonances berbères, marquant leurs pauses à chaque
palmeraie, à chaque oasis, pour y « remplir » un thé juste le temps de respecter un rituel quasi ancestral et repartir à
nouveau. Un point d'arrivée, l'inévitable Paris pour les artistes algériens à la recherche de leur art dans une ville qui
ressemble en tous points à une immense oasis, pour la pause de tous les arts qui viennent lui jurer existence. Et ils
chantent. « Besmallah jit enzour » l'évocation du pèlerin venu se mettre sous la protection de la pureté des Saints et
du Prophète (QSSL), de la pureté de leurs sens de la sagesse et du pouvoir spirituel qu'ils exercent par cooptation,
sans violence, ni mensonge. Calmement d'abord, pour ne point faire de la musique une arme qui effraie, puis
crescendo, leur rythme se fait de plus en plus envoûtant, comme pour accompagner le mélomane vers une élévation
de l'extase. Vers l'atteinte impossible de l'infini, de la spiritualité. Une véritable thérapie qui se termine selon la
perception de chacun par une djedba, la transe tant recherchée par celui qui veut se rapprocher de lui-même, pour se
redécouvrir la nécessaire nudité. Ils sont venus nous bercer de leurs chants en plein festival du cinéma arabe à Oran,
dont il faudra peut-être faire le bilan des ratages mais cela demeure une autre question. Les membres du groupe
Gaâda repartent d'Oran avec un goût d'inachevé. Nous en avons rencontré deux. Abdelati Laoufi, sociologue à la base,
raconte le patrimoine comme une histoire familiale, dit être heureux de chanter devant le public oranais, qui lui a
offert une chorégraphie naturelle en balançant les bras levés de droite à gauche, puis de gauche à droite, une soirée
durant, le temps d'une réflexion. Une soirée durant associant le Diwane au rythme des karkabous de Sidi El Hasni en
parfaite communion. Puis Aïcha, dont le prénom évoque à lui seul tous les prénoms perdus par ce désir de modernité,
qui nous a fait perdre un chemin sans en trouver un autre. Aïcha a croisé le groupe à Marseille comme un rendez-vous
spontané, sans paroles, juste un chemin qui en croise un autre et une étincelle a jailli. Aïcha qui découvre Oran pour
la première fois et dont l'intonation de la voix perçante construit la musique de Gaâda. Une sorte de rebelle, sortie des
entrailles des dunes comme une source d'eau fraîche pour une caravane à la recherche de son point cardinal. Un autre
point de départ vers l'infini. Elle sait comment apprivoiser le blues de ses deux petites pierres et donner le tempo aux
instruments modernes pour les soumettre à Zine El-Amama dans un Salallah Alik, signe de tolérance et d'amour d'un
Dieu Unique, laissant au choeur le soin de mener la hadra. Mais Aïcha n'est pas causante, n'ayant pas besoin de l'être,
puisque tout se lit dans son regard, dans sa voix. Tout. Absolument tout. Abdelati quant à lui sait provoquer l'Histoire
pour l'interroger à travers le Diwane, qui fait fi des frontières des hommes, évoquant cette transversalité qu'il souligne
volontairement, pour que seuls comptent le ravissement, la joie profonde qui s'interdit d'être incomplète. To be or not
to be. Il considère leur genre, celui de son groupe, comme un hommage à toutes les cultures, toutes les civilisations
qui traversent l'Algérien et auxquelles il a droit de réappropriation, mieux, un devoir. Et c'est par ce devoir que le
groupe compte adopter une démarche expérimentale avec tous les genres algériens, promettant d'autres surprises
agréables aussi bien à l'oreille qu'à tout le corps. La route sera certainement longue mais le résultat promet de séduire.
Ils ont déjà chanté « Arbane » de Khelifi Ahmed sans recherche de marché pour leurs chansons, mais plutôt pour
l'Algérie en tant qu'étoile de l'Afrique du Nord, du temps de la croyance en un pays, un seul et sans limites que celles
des terres à la recherche de leur connectivité. Sans douanes, sans passeport. Juste une chair de poule dans l'avant-bras
pour prouver d'o๠l'on vient. Une démarche de hérisson qui leur permet d'avancer en évaluant à chaque étape, chaque
expérience, chaque son nouveau. Et c'est ainsi que les sources évitent le tarissement en renouvelant la propreté de
leurs eaux et en maintenant le niveau de leurs profondeurs. Le respect du patrimoine est à ce prix. Nos interlocuteurs
pensent qu'il reste beaucoup à faire après avoir exporté leurs chants dans quelques pays, mais nous recommandent de
ne pas céder à l'individualisme de la modernité, en gardant vivante la flamme magique de ce qui peut encore être
sauvé du patrimoine. Ils promettent un retour meilleur. Attendons de voir ce que Diwane est encore capable de dire
comment un ancêtre sait se rajeunir avec Gaâda.


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