G.W. Bush et son bilan

Alors que M. Bush mène une tournée d'adieu en Europe, sacote d'impopularité a atteint le sommet inédit de 68% d'avis défavorables dansl'opinion publique américaine. C'est un record historique depuis que l'agenceGallup procède à ce type de sondage.En route vers l'Europe, le président américain s'est livréà des confidences à un journaliste du Times en faisant une rétrospective de sesdeux mandats à la tête des Etats-Unis. On savait George Bush hanté par la tracequ'il laissera dans l'histoire, cette interview le confirme. Le présidentaméricain veut d'ores et déjà nuancer son image de va-t-en-guerre prodigue dusang d'autrui.Mais dans la même journée, deux éléments distincts sontvenus au contraire souligner son legs particulièrement sombre à l'histoire deson pays. Le premier est une proposition d'impeachment introduite par un députédémocrate sur la base d'une quarantaine de charges graves portantessentiellement sur le mensonge et les manoeuvres visant à tromper le peupleaméricain pour envahir l'Irak. A ce stade terminal du mandat présidentiel et deproximité avec les élections, il est certain que la démarche ne sera passoutenue par la majorité démocrate. Il restera néanmoins dans les annales del'actuelle législature une série de qualifications particulièrement infamantespour le locataire de la Maison-Blanche.Du point de vue de l'histoire et du droit, la très graverégression du droit incarnée par le bagne de Guantanamo et la tortureinstitutionnalisée par décision du président George W. Bush figurerontégalement de manière indélébile dans les quelques lignes que les livresd'histoire consacreront à cet homme. Hier, Human Rights Watch a mis en reliefl'état de délabrement psychologique de nombre de prisonniers détenus sansjugement, voués à l'isolement et aux mauvais traitements dans une zone de non-droit. Le président Bush ne devrait pas se préoccuperdu jugement de l'histoire car celui du temps présent est déjà éloquent.Au-delà de sa personne, ce sont les Etats-Unis d'Amériquedont l'image internationale est souillée par la politique de guerres injustes, desoutien à l'arbitraire, de mensonge permanent qui sont la marque de fabrique ducourant néoconservateur dont il est la représentationachevée. Beaucoup de citoyens américains sont consternés et profondémentmeurtris par cette gestion immorale et ses répercussions dévastatrices. Pourl'immense majorité de l'humanité, les Etats-Unis ne sont plus le phare de laliberté, du droit et de la démocratie. A travers le monde, il se trouve eneffet bien peu de défenseurs de l'oeuvre bushienne. Dansl'aire arabe, hormis quelques potentats, le jugement est sans appel: lescentaines de milliers de morts de la tragédie irakienne sont les témoins muetsmais éternellement présents au tribunal de l'histoire. Ils sont l'ombre funèbrequi pèsera à jamais sur le nom de George W. Bush.L'homme, qui méprisait la réalité parce qu'il prétendaitpouvoir la modifier à son gré, souhaite aujourd'hui rédiger sa noticebiographique. D'autres, et de plus talentueux, ont essayé avant lui d'effacerles taches de sang qui maculent leurs bilans. Les déclarations contrites duprésident Bush ne transformeront pas son échec tragique en succès, même trèsrelatif. Il reste à espérer que les capacités de nuisance de cet hommes'arrêtent vite et qu'il ne déclenche pas une ultimeguerre en guise de chant du cygne.