La Japon a subi une catastrophe nucléaire.
Mais cela reste moins grave qu'une catastrophe de la pensée.
Fukushima. Un nom
à consonance très japonaise, qui risque sous peu de devenir très familier à
l'Algérie.
Le tsunami qui a
frappé le nord du Japon, le 11 mars, et qui a provoqué la catastrophe nucléaire
de Fukushima, a en effet provoqué un bouleversement de la donne énergétique
mondiale, avec des effets directs sur l'Algérie.
De manière
schématique, le monde était, jusque là, partagé sur les sources d'énergie qui
devraient satisfaire l'explosion de la demande dans les années à venir, avant
de remplacer progressivement le pétrole. Le gaz, source d'énergie propre, ne
peut constituer qu'une transition vers les autres sources d'énergie. Le
charbon, trop polluant, est dans la mire des écologistes, dont l'influence sur
les grandes décisions devient de plus en plus forte. Le gaz de schiste, très
abondant, est lui aussi rejeté à cause de son effet sur l'environnement. Des
gouvernements de droite, comme celui de M. Nicolas Sarkozy, traditionnellement
peu regardants sur l'écologie, ont été contraints d'annuler des permis de
recherche, à cause de l'impact sur l'opinion publique.
Dans toutes les
analyses, la place faite au nucléaire dans les sources d'énergie du futur
promettait d'être consistante, voire primordiale. La tendance était encouragée
par l'expérience de certains pays, comme le France et la Lituanie. Le second,
petit pays sans envergure particulière, tirait 64 pour cent de son énergie du
nucléaire. Le premier, champion du monde, atteignait le chiffre impressionnant
de 78 pour cent. Et dans les deux cas, aucun incident majeur n'a été signalé
depuis la mise en exploitation des centrales nucléaires.
Certes, les
déchets nucléaires continuent de poser problème, et le risque de passer du
nucléaire civil à la bombe atomique planait toujours. Mais les constructeurs
étaient si puissants, ils promettaient de telles améliorations et imposaient de
telles garanties que même des pays grands producteurs d'énergie fossile se
laissaient tenter et se sont lancés dans le nucléaire.
Et puis, il y eut
Fukushima. La plus grave catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. L'effet a été
immédiat : elle a disqualifié le nucléaire. L'opinion publique mondiale a été
secouée. Fukushima est à l'énergie ce que le 11 septembre a été à la sécurité.
Il faudra au moins une décennie pour s'en remettre. D'autant plus que la
gestion de l'après catastrophe a révélé des failles aussi nombreuses
qu'importantes : le niveau de sécurité requis n'était pas respecté, les
autorités ont menti, aussi bien au Japon que dans les autres pays, etc. Autant
d'éléments qui ont contribué à instaurer la méfiance envers une filière
traditionnellement entourée de mystères.
Les premières
retombées sont déjà là. L'Allemagne, où Angela Merkel avait décidé d'abandonner l'idée de sortir du nucléaire
à l'horizon 2020, est revenue sur cette décision, pour confirmer l'abandon de
la filière dans une décennie.
En Italie, un
référendum organisé dans la foulée de Fukushima a confirmé un rejet assez net
du nucléaire. Et il est probable que des mesures allant dans le même sens vont
concerner l'ensemble des pays européens.
Tout ceci peut
paraître assez banal pour un spécialiste. Mais pour l'Algérie, ceci est
décisif. Car ce changement de stratégie énergétique ouvre d'immenses
perspectives pour l'Algérie. Les difficultés qui s'annoncent pour remplacer le
pétrole plaident de manière concertée pour l'énergie solaire. Une énergie
propre, illimitée, sans danger, et dont l'Algérie peut être un grand champion.
A condition d'oser, d'être là quand il le faudra.
Et l'Algérie
risque précisément de ne pas être au rendez-vous. Les responsables du secteur
bottent tous en touche. Le ministre de l'énergie, Youcef
Yousfi, comme le patron de Sonelgaz
Noureddine Bouterfa,
alignent, avec un rare talent, les arguments pour ne rien entreprendre.
L'investissement est trop lourd, le marché européen de l'énergie est difficile
d'accès, l'énergie solaire est trop chère, son transport n'est pas encore au
point, alors que l'Espagne et l'Italie, par où cette énergie devrait transiter,
ont des réseaux complètement saturés, disent-ils. On retrouve, dans ce
raisonnement, le parfait raisonnement du bureaucrate qui justifie son inaction
et attend que les autres fassent tout.
Le patron de Sonelgaz a même déclaré qu'il appartient aux futurs
consommateurs de pratiquement tout faire, de la recherche à l'investissement,
s'ils veulent tirer profit de notre soleil. En attendant, nous, on a le soleil.
Pourquoi se presser ? Pourquoi se précipiter ? Le temps travaille pour nous.
Voilà ce qui s'apparente
à un Fukushima de la pensée.
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Posté Le : 30/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com