Le pire a pour l'instant été évité à la centrale de Fukushima, mais les
risques d'importants rejets radioactifs restent élevés et la situation est loin
d'être stabilisée, estiment les experts internationaux une semaine après le
séisme et le tsunami dévastateurs qui ont frappé le Japon. Fusion partielle des
coeurs de trois réacteurs, ébullition de deux piscines de stockage de
combustible usé, désormais quasiment à l'air libre... «On n'a pas vécu une
semaine pareille depuis 25 ans et la catastrophe de Tchernobyl, même si à
l'époque c'était pire», assure William Nuttall, de l'université britannique de
Cambridge. «A l'évidence, la situation reste grave, même s'il n'y a pas eu
d'évolution jeudi, et les rejets radioactifs se poursuivent», résume quant à
lui le directeur général adjoint de l'Autorité de sûreté nucléaire française
(ASN), Olivier Gupta. Dans le monde entier, loin de l'archipel, scientifiques
et chercheurs scrutent heure par heure l'état de la centrale japonaise,
s'échangeant des informations parfois «extrêmement imprécises et difficiles à
valider» pour tenter d'établir les diagnostics et les scénarios les plus
pointus possibles. «Il y a d'énormes incertitudes en raison de la qualité des
informations disponibles. Nous marchons en zone inconnue car on ne peut pas
simplement modéliser comment une centrale se comporte dans de telles
circonstances», relève Malcolm Grimston, spécialiste britannique de l'énergie
nucléaire.
«COURSE CONTRE LA MONTRE» POUR REFROIDIR LES INSTALLATIONS
«Le refroidissement est extrêmement important, aussi je pense qu'il
s'agit d'une course contre la montre», a prévenu le directeur général de
l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano. Tous les
experts insistent sur l'absolue nécessité de ramener très rapidement les
réacteurs et les piscines de combustible usé à une température normale, avec
une obsession: apporter autant d'eau que possible. Et la première étape est de
rétablir l'alimentation électrique afin de remettre en service les stations de
pompage. «Le rétablissement du courant serait un élément positif mais il faut
rester prudent. Encore faut-il qu'il reste du matériel en état de fonctionner
et qu'il puisse acheminer de l'eau», observe M. Gupta. Il ne s'agit que «d'une
première étape sur un long chemin, semé d'embûches, vers la stabilisation de la
situation». «Tout ne sera pas résolu en pressant sur un bouton, il y a toute
une série d'opérations à effectuer (...) c'est difficile car ça va très
probablement nécessiter des interventions humaines, peut-être d'aller en salle
de commande, d'ouvrir des vannes», confirme Philippe Jamet, commissaire de
l'ASN et ex-directeur de la sécurité des installations nucléaires à l'AIEA. Or
le niveau de radioactivité élevé sur le site limite le temps de présence des
intervenants.
PAS DE STABILISATION RAPIDE
«Les combustibles nucléaires vont nécessiter d'être refroidis sur une
longue durée (...) On pourra parler de stabilisation s'il y a un rétablissement
pérenne d'un refroidissement robuste sur l'ensemble des réacteurs et des
piscines», juge M. Gupta. «Et quand on dit +pérenne+, on est en train de parler
d'années!», ajoute M. Jamet, évoquant l'accident de Three Mile Island aux
Etats-Unis en 1979. Une fois la centrale stabilisée, que faire ? Les
spécialistes jugent la question prématurée mais «il s'agira probablement d'une
solution à la Tchernobyl, avec un sarcophage», selon Malcolm Grimston.
LE SCéNARIO DU PIRE
«Si ces efforts n'étaient pas suffisants, l'un des scénarios
d'aggravation est le dénoyage du combustible (qui n'est alors plus recouvert
d'eau, ndlr) et des rejets radioactifs beaucoup plus importants. D'autant plus
importants qu'il n'y a pas de confinement autour des piscines de stockage de
combustible usé», souligne M. Gupta. D'après les évaluations de l'Institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), en cas d'aggravation de
l'accident, une contamination à Fukushima serait beaucoup plus localisée mais
aussi plus forte qu'à Tchernobyl. Dans le pire des cas, le rayon d'évacuation
autour de la centrale pourrait être porté à 60 ou 70 km mais la mégalopole de
Tokyo (35 millions d'habitants), située à 250 km de là, serait épargnée. A
l'échelle planétaire, les retombées radioactives de l'accident resteraient
inférieures à celles provoquées dans les années 50-60 par les essais
nucléaires.
Posté Le : 19/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Laurent Banguet De L'afp
Source : www.lequotidien-oran.com