ça se passe au Mexique, dans l’Etat de Tobasco, au village d’Ayapa. Deux voisins, Manuel, 75 ans, et Isidro, 69 ans, ne se parlent pas. Personne ne connaît la cause de cette inimitié et, apparemment, même eux semblent l’avoir oubliée. Bien sûr, l’affaire pourrait être classée au chapitre des dizaines de millions de batailles de paliers dont l’humanité s’amuse entre deux guerres. Sauf qu’en l’espèce, ces deux-là se trouvent être les deux derniers locuteurs d’une langue qui risque de disparaître avec eux : l’ayapaneco ou «nuumte oote» qui signifie la «voix juste». Une équipe de linguistes anthropologues s’efforce d’élaborer un dictionnaire de cette langue, en courant de Manuel à Isidro et de les convaincre d’animer des cours pour les villageois. L’ayapaneco fait partie des 68 dialectes mexicains, déclinés en plus de 350 variantes et tous menacés. Il fait partie aussi des 6000 langues répertoriées dans le monde que l’Unesco appelle à préserver au nom de la diversité culturelle. La moitié d’entre elles sont en danger, une langue disparaît tous les quinze jours et, si rien n’est fait, 90% d’entre elles pourraient disparaître au cours du siècle !
Mardi dernier, sur la Chaîne III de la radio, la très vivante émission de Thouria Ayad, «Grain de sel», proposait justement un débat sur les langues en Algérie. Les interventions des deux linguistes invités, Lakhdar Maougal et Abderrezak Dourari, étaient très intéressantes. Mais, de leur avis même, les propos des citoyens interviewés dans le radio-trottoir étaient passionnants. Même s’ils ne relevaient pas d’un sondage, ils signalaient une avancée notable à l’égard de ces questions. Femmes et hommes, jeunes et vieux, toutes catégories et origines régionales présentes, ont souligné, quasi-unanimes, la nécessité de préserver le volet linguistique du patrimoine immatériel national. Ils ont évoqué les différentes variantes de l’arabe parlé, aux savoureuses déclinaisons de dardja, les branches diverses de l’amazigh, riches de leur lointaine ancestralité, les expressions populaires communes, les emprunts, les échanges, les accents, les argots…
Au besoin de conserver cet héritage, ils ont mis en avant aussi celui de communiquer entre Algériens et de disposer d’un bagage linguistique académique à hauteur d’exigence d’une éducation nationale solide et d’échanges scientifiques et professionnels. En français dans le micro, en arabe classique ou dialectal, en langage spontané cueilli sur un trottoir, ils ont enfin exprimé la nécessité de s’engager plus et mieux sur l’avenue des échanges universels par la maîtrise des langues étrangères. Maougal, commentant ce bouquet de sagesse, a souligné qu’il marquait une grande évolution par rapport à l’ère des crispations, longtemps subie par notre société, et «un apaisement social sur la question linguistique».Dis-moi comment tu parles, je te dirai comment tu peux vivre. Sur ce, profitez de ce week-end étendu par la grâce du 1er Mai.
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Posté Le : 30/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ameziane Farhani
Source : www.elwatan.com