Algérie

Fronton : Billets déshabillés



Si l'argent n'a pas d'odeur, il a des valeurs : celle qu'il est censé avoir et celle qu'il a symboliquement et donc culturellement. Je ne sais pas si vous avez eu un nouveau billet de 2000 DA entre les mains. Moi pas, mais certains sans doute puisqu'ils ont mis la nouvelle coupure sur Internet et qu'on peut ainsi la contempler dans le cyberespace. Ce qui saute aux yeux, c'est l'abandon heureux de la thématique animalière systématique qui a fini par faire croire à  des esprits retors que l'Algérie était une immense ménagerie de cirque. Sur les deux faces de la nouvelle monnaie fiduciaire, deux thèmes. Un ancien, celui du logement, déjà utilisé par le passé, avec la représentation d'un pâté d'immeubles, style AADL, construction lamentable perdue dans un paysage champêtre, illustration sans doute du massacre des terres agricoles par le béton. Un nouveau, avec la présence, pour la première fois peut-être, d'universitaires : un professeur devant son amphi et, à  côté, des chercheurs dans un laboratoire indéterminé. C'est une bonne chose que la frange intellectuelle de la société soit présente sur les billets. Faute d'être riche, elle peut s'en consoler, tandis que les riches, du même coup, pourront se lamenter de leur ignorance, en général avérée. Mais ce qui est déplorable, c'est la qualité artistique des illustrations, d'une indigence si manifeste qu'on ne saurait suspecter même un cancre de première année aux Beaux-arts de les avoir dessinées ! Dommage pour le travail technique de l'Hôtel des Monnaies, reconnu pour sa qualité. Et dommage surtout pour l'image du pays. Là dessus, toujours dans le monde virtuel, un collectionneur a balancé une sélection de billets tirés de l'histoire moderne de l'Algérie. On y voit les papiers-monnaies de la période coloniale avec leur inspiration souvent orientaliste et leur propagande grossière. Exemple, ce billet de 1941, avec un fellah et son épouse, en haïk algérois, contemplant, seuls, un champ. L'homme a l'air sévère et, pour sa femme, le voile empêche de savoir. Valeur : 50 francs, traduite en arabe au-dessous. Le billet de 1946 représente un colon souriant, sa femme portant une corbeille de fruits, leur fils, un chien à  leurs pieds et, en contrebas, des ouvriers agricoles. Valeur : 1000 francs, sans traduction ! On découvre aussi les billets de l'indépendance et des années suivantes, comme ceux de 1964, émouvants et incroyables pour les jeunes, de 5 et 10 DA ! Moutons, cigognes et même vautours, le thème animal était déjà là, mais non exclusif et surtout exécuté avec un certain art. Est-ce parce que le dinar s'est dévalué qu'il faut déprécier son aspect ' La valeur symbolique et artistique des billets serait-elle indexée sur leur valeur numéraire ' On faisait appel jadis à  des Issiakhem et des Temmam pour les concevoir. N'y a-t-il plus d'artistes ou simplement de bons illustrateurs en Algérie ' Bon, faute de billets de 2000 DA, nous aurons au moins dépensé nos neurones. C'est toujours ça de gagné.


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