Algérie

Fronton



Fronton
Le grand mimosa qui habite la cour de mon immeuble a pris une mise en disponibilité auprès de la Haute Autorité de la Nature. Le printemps est officiellement là, mais sans l'effervescence de points jaunes et lumineux dont cet arbre gratifie chaque année les passants.Des voisins chuchotent qu'il serait atteint d'une pathologie liée au chamboulement climatique. Paraît même que son botaniste lui aurait défendu de fleurir avant le résultat de ses analyses. Mais un locataire du rez-de-chaussée, plus proche de lui, m'a confié que son abstention ne serait qu'une action déguisée de protestation. C'est dans l'air du temps que de protester et les raisons comme les déraisons de le faire ne manquent pas. En fait, il semblerait que ce brave mimosa soit ulcéré par la profusion de fontaines et de cascades en marbre noir qui fleurissent sur les carrefours et espaces publics d'Alger.Pourtant, d'ordinaire, le jaune et le noir se marient assez bien, à la faveur de leur contraste qui peut symboliser le rythme des jours et des nuits. Les supporters de l'USMH, le club de football d'El Harrach, soutenus en cela par d'éminents professeurs des Beaux-Arts, le savent bien.Mais il fallait vérifier, car, après tout, les mimosas peuvent divaguer autant que les humains.Au carrefour du Val d'Hydra, devant la nouvelle Faculté de droit, à la place Bir Mourad Raïs, au début de l'avenue de Pékin, face au lycée et en maints endroits de la capitale, des installations décoratives ont été effectivement implantées avec des jets ou écoulements d'eau, tous sur fond de marbre noir. Assistons-nous à la naissance d'une nouvelle école esthétique ' Selon des critiques d'art, cette tendance novatrice et unique au monde entend établir une rupture définitive avec la peinture de la Renaissance qui avait lancé le clair-obscur.Là, c'est clair, on est dans l'obscur-obscur. Les mêmes observateurs ont relevé le fantastique effet d'harmonie avec les sachets de plastique noir incrustés dans nos paysages, de même que l'allusion allégorique au pétrole béni. De plus, le calcaire et les poussières se déposent sur ces surfaces sombres, créant des formes originales qui sont autant de dénonciations subtiles de la décadence. Les partisans de cette école d'art urbain défendent une esthétique qui met en exergue la tristesse et le funeste conçus comme antidotes symboliques mais efficaces à l'overdose de joie qui menace notre société.Enfin, partisans d'un art d'élite, ce qu'atteste le raffinement de leurs ?uvres, ils s'opposent à l'idée, au fond populiste et démagogique, de concours d'artistes. Cette tendance, signale-t-on enfin, s'inscrit dans un courant de pensée plus large qui veut faire de l'embellissement d'Alger un exemple universel. Car, c'est bien connu depuis des siècles, cette ville est moche comme pas possible, et l'urgence des urgences est de la rendre enfin belle. En attendant, auprès de mon mimosa, même amorphe, le printemps est là et c'est déjà énorme !




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