Algérie

Fronton



Fronton
«Partir c'est mourir un peu». Ce vers plus célèbre que son auteur (E. Haraucourt, 1856-1941) s'applique à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, quittent leurs lieux de vie, voire leur pays. Pourrait-on inverser ses termes et affirmer que mourir, c'est partir un peu ' Oui, si l'on veut bien considérer que tout défunt laisse une part de lui en ce bas-monde : l'effet plus ou moins grand de ses actes, parfois une descendance et, au moins, son souvenir. Il en est aussi dont la disparition fait remonter à la surface de l'existence des périodes qu'ils ont en partie incarnées. Trois d'entre eux nous ont quittés cette semaine.Jacqueline Guerroudj restera pour moi cette grande dame, sévère mais chaleureuse, de la bibliothèque universitaire d'Alger. Les étudiants des années 1970 savaient son combat pour l'indépendance et son rôle immense dans la relance de la B. U. incendiée par l'OAS en juin 1962 (400 000 livres détruits). Dans les cendres de l'édifice, elle avait récupéré des volumes miraculeusement sauvés de cet autodafé. Et il lui arrivait de le rappeler à ceux qui se montraient peu soigneux des ouvrages empruntés.Fatiha Berber restera pour moi, dans une version très algérienne, ce visage digne d'une toile de Botticelli, empreint de douceur et de mélancolie. Sortie de la troupe de la diva du hawzi, Meriem Fekkaï, pour se projeter sur le petit écran et quelquefois sur le grand, elle eut des rôles qui, sans doute, restaient en deçà de son talent.Mais, par son caractère et son jeu, elle a réussi à devenir une icône de la télévision, non pas comme une star prétentieuse mais une présence chaleureuse adoptée par toutes les familles.Abdelkrim Djaâd restera pour moi ce distingué confrère et ami qui m'accueillit un jour à Algérie-Actualités. Un des plus grands journalistes que notre pays a compté avec une haute idée de ce métier si beau et si particulier.C'était un champion de l'élégance. Vestimentaire, car il était toujours tiré à quatre épingles, entre dandy londonien et zazou d'Alger. Mais aussi journalistique, car il ne concevait pas d'article sans une certaine teneur littéraire.S'il est un endroit que ces trois-là ont fréquenté, ce serait bien la Cinémathèque d'Alger qui fête aujourd'hui-même son cinquantième anniversaire (lire page 16). Un endroit qui porte à lui seul toute une époque. Ce qu'on appelle en arabe parlé la «nya» rayonnait alors de toute sa splendeur. Certes, ce mot désigne la naïveté, voire la niaiserie.Mais il signifie aussi une sorte d'innocence, de droiture et de bienveillance, de disponibilité à l'espoir, de croyance au changement, de volonté d'avancer ensemble?Peut-on perdre ses illusions ? ce qui est en soi positif ? sans que les espoirs ne s'amenuisent ' L'exemple de ces trois-là, et de beaucoup d'autres, nous invite à le penser. En leur nom et pour notre salut, cultivons donc une nostalgie active.




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