Algérie

Fronton



Fronton
Il est des expressions qui ont une origine et un sens bien établis mais que l'on entend au sens premier. Ainsi, «trouver son chemin de Damas» a longtemps correspondu, dans mes fantasmes de voyages, au désir d'aller visiter cette ville mythique dont le nom en arabe, Dimechk, a des accents de légende. Une des toutes premières cités de l'histoire, citée dans la Bible.Le siège aussi de la flamboyante dynastie des Omeyyades. L'exil extraordinaire de l'Emir Abdelkader, etc. Bref, tout un parfum de significations et de raffinements que la grossièreté de la politique n'a jamais pu dissiper. Et puis encore cette expression qui signifie «trouver sa voie». L'idée de possibles, disponibles à portée de vol? Que ne l'ai-je fait plus tôt ! Il est toujours dur, pour sa petite personne, de voir un rêve de jeunesse virer à la résignation. Mais il est plus dur encore de voir quel cauchemar vivent Damas, la Syrie et les Syriens. La guerre, l'incertitude, le chaos?Dans ce tragique imbroglio, comment parler de patrimoine ' Que peuvent représenter les vestiges du passé devant tant de morts, de blessés, d'exilés, de traumatisés à vie ' La pudeur pourrait conduire à se taire. Pourtant, si la vie anime les humains, leur patrimoine habite leur âme. Des hommes, des femmes et des enfants meurent là-bas en ce moment mais on les tue deux fois. En tant qu'humains et en tant que Syriens puisque l'on massacre aussi leur histoire, leur identité et leur fierté.Incendié, le souk d'Alep, classé par l'Unesco. Détruits, les deux minarets de la Mosquée des Omeyyades. Bombardés, le Krak des Chevaliers, la citadelle de Salah Eddine, la cité antique de Palmyre, etc. Atteints, plus d'une centaine de monuments. Au total, ce sont dix mille sites historiques qui sont menacés ainsi que les quarante musées du pays, dont plusieurs ont heureusement vu leurs collections déplacées et cachées par des conservateurs héroïques.A cet anéantissement par les obus, s'ajoutent les pillages menés par des mafias organisées de l'archéologie. Déjà, lorsqu'il était en charge du «dossier syrien» (quelle expression !), Lakhdar Brahimi avait déclaré : «La situation du patrimoine y est aussi catastrophique que la crise humanitaire. Peu de pays ayant un patrimoine aussi riche, ont autant souffert.» Depuis, les choses ont empiré à la faveur de l'aggravation et de la confusion des conflits régionaux.Ainsi, au delà des rêves avortés de voyages dont on se guérit bien, cette question lancinante : mais que restera-t-il donc des trésors immenses de plusieurs civilisations qui se sont agglomérées en Syrie et alentours depuis l'aube des âges ' Mésopotamienne, phénicienne, musulmane, pour ne citer que celles-ci. Pourquoi faut-il que cette région du monde, l'une des matrices culturelles mondiales, se trouve ainsi livrée au carnage des humains et de leurs richesses ' C'est comme si l'actualité avait décidé de mettre fin à l'histoire pour vider le monde de sa substance et de ses valeurs.




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