Algérie

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Si l'on peut convenir que la production cinématographique a augmenté ?encore qu'elle demeure en-deçà du potentiel créatif que recèle l'Algérie et des résultats de pays comparables? il faut admettre que peu d'oeuvres ne provoquent chez nous de discussions, d'interrogations et de controverses, sinon que dans des cercles restreints, voire intimes, les rares cinéclubs faisant exception.Aussi, quand un film comme Révolution Zendj de Tariq Teguia entraîne des réactions contradictoires, il faut lui accorder, a minima, le mérite de ne pas être anodin et de ne pas laisser indifférent. Après la critique «à charge» de notre confrère, Fayçal Metaoui (Quand Ibn Battuta s'égare, Arts & Lettres du 07/06/14), en voici une «à décharge» de l'universitaire Naget Khadda (lire p. 15). Celle-ci nous assure ne pas avoir lu l'article précité au moment où elle rédigeait le sien lequel, en conséquence, ne se veut pas une réponse mais simplement une autre lecture du film. Une lecture au demeurant très intéressante comme l'était, d'ailleurs, la précédente.Les deux points de vue méritent donc l'intérêt mais ils se fondent sur des approches complètement différentes. Quand Metaoui s'inquiète, entre autres, de l'incohérence narrative et du rythme lourd du film, le trouvant «intellectualisant», Naget Khadda considère ces éléments comme des vertus, les attribuant à une volonté artistique délibérée. Le réalisateur, cité par notre confrère, affirmait : «C'est un film qui clive beaucoup, divise le public. Je peux avoir des retours enthousiastes, comme je peux avoir des retours de gens heurtés par plusieurs choses dans le film (?) Pour certains, ce film n'appartient pas au cinéma, mais à un autre genre, l'art contemporain».Ce passage de genre rejoint le point de vue de Naget Khadda qui dresse des passerelles entre le film et des expressions novatrices en littérature, au théâtre et dans la peinture. Sa démarche offre une lecture sensible et passionnante du film mais fait glisser son curseur sur des critères qui ne sont pas ceux d'un cinéma populaire, étant entendu que «populaire» ne signifie pas forcément médiocre, vulgaire ou populiste. De plus, si le cinéma devait se fondre dans l'art contemporain, il disparaîtrait. Jean-Luc Godard est l'un des cinéastes les plus audacieux de l'histoire de cet art. Mais, qu'on le veuille ou non, c'est son film, A bout de souffle, qui forge encore, et principalement, sa renommée. Durant le dernier Festival de Cannes, il est apparu à bout d'audace.Tariq Teguia a toute une carrière devant lui et il a montré qu'il pouvait marier avec talent l'audace esthétique et une interface vivante avec un plus large public. Qu'il prenne des risques est tout à son honneur. Mais n'y a-t-il pas un moment, même infime, où le créateur peut penser aux destinataires de son ?uvre sans pour autant se plier servilement à leurs goûts et les caresser dans le sens du poil ' Cela vaut au cinéma, sans doute plus qu'ailleurs.




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