Algérie

Fronton



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Pendant plus de sept ans, Merzac Bagtache a tenu dans ces mêmes colonnes une chronique peut-être sans pareille au monde. En calibrage typographique, elle ne pesait que 4000 signes environ, espaces compris. Mais en contenu, sa richesse était exponentielle, chaque mot entraînant, en quelque sorte, une multiplication dans le suivant, en un abîme vertigineux de découvertes et d'étonnements. Le titre de ce rendez-vous hebdomadaire était un programme à lui seul : «Abecedarius». Voilà qu'une petite maison d'édition avisée et sans doute chanceuse, Dar El Amel de Tizi Ouzou, vient de publier en deux tomes et mille pages la totalité de ces chroniques que j'ai eu le plaisir de préfacer. Le plaisir et surtout l'insigne honneur, car Bagtache est mon aîné en âge et en profession.De la fin 2004 à juillet 2012, il a fourni chaque semaine ces petits textes aux amplitudes culturelles inouïes, nourris par son polyglottisme (arabe littéraire, français, anglais?) où figure aussi sa connaissance charnelle de l'arabe algérien et de tamazight. Passant des sommets d'une civilisation aux tréfonds d'une autre, de la littérature à la musique, du théâtre aux autres disciplines et sciences, ce miraculé de la vie qui a survécu à une balle logée dans sa tête (fallait-il qu'elle soit bien pleine !) en ces temps d'infamie qui furent les nôtres, est tout simplement miraculeux d'érudition. Je pense connaître du monde, et dans le monde entier, mais je n'ai jamais rencontré quelqu'un doué d'une culture aussi vaste et vivante que celle de ce cher Merzac. Issu d'une humble famille de grands marins, faute de cingler à travers les latitudes et les longitudes comme son père ou son oncle, c'est dans les lignes des livres qu'il a creusé ses sillages.Un de ses «Abecedarius» m'a marqué. Il y parlait des trois images qui figurent au-dessus de sa table de travail : la reproduction d'une page d'un livre d'Al-Farabi traduite en latin par Gérard de Crémone ; la photographie d'un tableau couvert de symboles mathématiques écrits à la craie par Albert Einstein, quelques jours avant sa disparition en 1955, et enfin, la copie d'une page des Conquêtes mecquoises d'Ibn Arabi, annotée par un soufi algérien au début du XXe siècle. Cette improbable trilogie iconographique dit tout le personnage, encore qu'elle ne peut que symboliser l'étendue de ses connaissances. Merzac Bagtache est un véritable esprit universel au sens que l'on donnait jadis aux savants ouverts à tant de disciplines. Mais, de plus, sa sensibilité a voulu qu'il soit homme de lettres, romancier, nouvelliste et poète, scénariste parfois.Aussi, en priant lecteurs et lectrices de bien vouloir croire que je n'ai pas forcé le trait (qu'ils lisent sinon le recueil précité pour s'en assurer), que puis-je ajouter d'autre, sinon que je suis fier de compter parmi ses amis mais aussi rassuré qu'il soit mon compatriote quand la médiocrité, hélas, nous encercle souvent. Merci d'être.




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