Algérie

Fronton



Fronton
J'aime la radio car elle n'occupe ni les yeux comme la télévision, ni les mains comme l'ordinateur, ni les pieds comme, jadis, la machine à coudre de ma vieille tante. On peut faire autre chose entre-temps. Par exemple écrire des chroniques hebdomadaires aux distingués lecteurs et lectrices que vous êtes. Or, d'oncques je venais d'allumer ma radio. Par bonheur, une musique agréable passait, un morceau de guitare proche du blues, parfaitement exécuté et enregistré puisqu'on entendait jusqu'aux pincements de cordes et glissements de doigts. C'était un peu lénifiant mais, à tout prendre, reposant, dans le style des interludes sur fond d'aquarium que la télévision passait à ses débuts pour meubler les coupures. Qu'importe, j'avais assez à faire pour me contenter d'un simple fond musical.Soudain, la voix charmante d'une animatrice est venue dire ? c'est ce que j'ai compris alors ? que nous venions d'entendre un extrait du programme électoral d'Un Tel, candidat à l'élection présidentielle ! Bien sûr, je me suis arrêté d'écrire, surpris au-delà de tout. Etait-ce une erreur de mixage ' Ou, comble de l'improbable, un des prétendants à la magistrature suprême qui, dans un éclair de génie inédit dans l'histoire, aurait décidé de faire campagne à coup de mélodies ' En fait, après avoir écouté un autre morceau de la même musique (aucun favoritisme) puis les discours de représentants d'autres candidats, j'ai fini par comprendre que la radio, respectueuse des temps de passage, conservait les plages horaires de ceux qui n'avaient pas encore fourni leurs enregistrements. Peut-être s'agit-il d'une stratégie de ces absents qui espèrent éventuellement, en traînant la patte, être plus attrayants que leurs concurrents 'C'est fou comme la vie politique chez nous peut avoir d'incidences sur la musique. Lors des quarante jours de deuil institués à la mort du président Boumediène, en 1978, la Télé et la Radio avaient, à doses massives, abreuvé les Algériens de musique classique. Heureusement, les ayant-droits de Beethoven, Verdi, Liszt ou Bartók, respectueux de notre peine, ne sont jamais venus présenter leurs notes? C'est fou aussi combien le lexique musical peut s'appliquer aux campagnes électorales. On y trouve des préludes, des échappées, des a capella, des polyphonies, des dissonances, des triples croches, des quarts de ton, des variations, des basses et des suraigus, etc.Bref, une belle cacophonie en crescendo. Aussi ? ai-je rêvé un instant ? si les candidats s'exprimaient aussi par la musique, puisqu'elle «adoucit les m?urs», pourquoi ne le ferait-elle pas pour la politique ' Et voilà que mercredi, un confrère du journal relatait que, lors de meetings à Blida, une chanteuse de raï s'était produite dans l'un, tandis que dans l'autre on passait des morceaux de rock du groupe «Dire Straits». Depuis, je me demande s'il y avait dans le lot la chanson «Sultans of swing» ' Bon, à vous les studios.




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