Fronton

La bataille fait rage entre la télévision publique et le quasi-monopole qui détient les droits de retransmission des matches de football de la Coupe du monde et de nombre de compétitions. En octobre dernier, après l'arraisonnage en haute mer numérique du match Burkina Faso-Algérie, qualifié d'acte de piraterie sans précédent, l'ex-Unique a été accusée de «brigandage» et même de «chauvinisme patriotique mal placé». Il est clair que l'ENTV, évidemment couverte par de hautes autorités, a outrepassé le droit qui régit ce domaine. Un droit fondé sur la puissance financière et le libéralisme économique, mais qui ne tolère pas même l'idée de dispositions anti-trust.Si le Boulevard des Martyrs est passé à l'acte de manière très corsaire, son audace exprime pourtant la position de nombreux pays qui remettent en cause un monopole en mesure d'empêcher un peuple de voir son équipe nationale jouer. L'ex-Unique a fait grand plaisir aux supporters algériens, ne le cachons pas. Mais on pourrait lui recommander de ne pas faire cavalier seul et de s'engager davantage dans des actions multilatérales et des démarches moins exposées aux foudres du droit et des lobbies qui en jouissent. L'Union européenne en a montré la voie en juillet 2013, sa Cour de justice ayant rejeté en appel, soit définitivement, un recours de la FIFA contre la Belgique et le Royaume-Uni qui entendent assurer la retransmission gratuite de tous les matches de phase finale du Mondial.Cette révolte internationale naissante contre le diktat de l'argent en la matière, s'appuie, au fond, sur une question culturelle. Car, si l'on considère ce que représentent le football et d'autres sports dans la vie des peuples, ils entrent parfaitement dans la définition de la culture par l'Unesco, soit «l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social». Bon, libre à vous de chipoter sur «spirituel» et «intellectuel» à propos du football. Mais «distinctif» et «affectif» sont indubitables. Les prestations d'une équipe nationale de football font bien partie des éléments de la représentation, voire de l'identité d'un pays. Ce qui, dans l'affaire précitée, classe l'ENTV comme hors-la-loi dans l'acte mais vertueuse en ses intentions.Mais comment ne pas s'insurger contre son peu d'empressement et d'audace à assurer ? sur la base des mêmes principes ? la retransmission des manifestations culturelles dans son propre pays, pourtant vecteurs établis de représentation etd'identité ' Combien de festivals, de concerts, d'expositions et de spectacles divers partent en fumée, une fois terminés, sans jouir d'un millième de l'intérêt accordé au football ' Elle, l'ex-Unique, et les autres, les nouveaux Multiples, pourraient pourtant contribuer, à peu de frais, à la promotion des artistes algériens qui, eux aussi, en des costumes certes différents, portent le maillot national.