Fronton

La Grande Poste d'Alger, monument emblématique de l'architecture de la ville et repère affectif de plusieurs générations d'Algériens, est toujours surmontée par cet affreux et sordide écran géant qui cache son dôme central et dénature sa façade. Les magnifiques escaliers de l'entrée principale du Parc de la Liberté viennent d'être édentés de leurs doubles rampes qui veillaient encore sur le bassin devenu un cloaque candidat au paludisme. Et, tandis que de nombreux autres vestiges de la capitale, trop nombreux à citer ici, croupissent ou agonisent, faute d'entretien, de surveillance, d'initiatives, voilà que le monde des artistes bruisse de rumeurs de projets d'embellissement.Aussi, la première question qui vient à l'esprit est la suivante : comment peut-on vouloir embellir quand ce qui fait déjà la beauté de la cité est voué au mépris et aux agressions ' Veut-on coiffer la mariée en laissant son visage maculé de saletés ' Lui confectionner un chignon quand ses yeux sont surlignés d'impuretés ' Quelle est donc cette étrange conception de l'embellissement qui envisage de créer du «nouveau beau» en délaissant celui qui existe 'L'aéroport, porte internationale de notre pays, ainsi que le métro d'ailleurs, ne ressemblent à rien d'identifiable en termes d'identité, à moins que la personnalité historique et culturelle de l'Algérie ne soit réductible aux composants synthétiques de panneaux de revêtements importés, alibis d'une prétention à la modernité ! A Dar El Beïda, seule vous accueille, sur la sorte de tour du parking, la publicité d'une entreprise à la gloire de l'équipe nationale de football. Non, pas seule puisqu'on a vu apparaître une colonne emberlificotée de vert et d'or, sans aucune référence esthétique connue, monument dédié au mauvais goût quand les plates-bandes du parking sont devenues des terrains vagues, offrant dès l'entrée en Algérie une image éclatante de laisser-aller et de poussière.Un bémol toutefois dans cette incurie, le travail de l'entreprise d'espaces verts de la wilaya qui s'efforce, avec un acharnement remarquable et quelques beaux succès, d'aménager des ronds-points, de disposer des jets d'eau et des décors végétaux. Et, surtout, de les entretenir. Hormis cette lueur qui prouve que l'on peut faire, aucune nouvelle sérieuse à l'horizon, sinon ces rumeurs d'embellissement qui concernerait surtout la future Promenade des Sablettes, comme si la vue d'Alger et de sa baie, louée dans le monde entier, ne suffisait pas à embellir !De plus, comment ne pas craindre le pire quand l'expérience des «opérations d'embellissement» antérieures ? à de très rares exceptions ? nous a montré que les décideurs imposaient leurs visions et leurs goûts aux artistes, et qu'au final les véritables créateurs se trouvaient disqualifiés devant des faiseurs de céramiques reproduisant avec pauvreté des gravures coloniales du XIXe siècle, considérées officiellement comme l'expression identitaire de l'Algérie : généralement des spahis, derviches, servantes, etc. !