Dans un laps de temps d'à peine trois jours, soit du 29 au 31 octobre dernier, les professionnels de la comptabilité, toutes catégories confondues, se sont à nouveau manifestés et massivement mobilisés contre la loi n°10-01 du 29 juin 2010 régissant les conditions et modalités de leur profession mais en deux rangs dispersés car affichant publiquement, chacun de son côté, un positionnement diamétralement opposé vis-à-vis de ladite loi.
Le premier rang, pour ainsi dire, à la tête duquel se trouve l'ex-président du Conseil national des professions de comptable dissous, Mohamed-Lamine Hamdi, a tenu sa première rencontre nationale le 29 octobre dernier à l'hôtel Mercure d'Alger, regroupant ainsi des représentants de la quasi-totalité des wilayas du pays, dont l'objet a notamment porté sur la tenue d'une assemblée générale de l'Union nationale des professionnels de la comptabilité et de l'audit (UNPCA). Soucieux, en effet, de doter leur mouvement de protestation et de rejet de ladite loi d'un cadre institutionnel qui leur permettrait éventuellement d'agir et d'activer légalement, les partisans du non ont pris l'initiative d'intégrer massivement l'UNPCA d'autant plus que celle-ci a l'avantage d'exister légalement depuis 1991.
Et maintenant que l'ancien Ordre national des professions de comptable n'existe plus, car dissous suite à la promulgation en 2010 de la loi n°10-01, il a semblé à ses anciens responsables, sans doute afin de rester en lice voire au-devant de la scène de toute évolution du monde de la comptabilité et de l'audit en Algérie, tant juridiquement que moralement, tout à fait légitime de faire réactiver en la circonstance l'Unpca.
De surcroît, selon le désormais nouveau président de l'Unpca, Mohamed-Lamine Hamdi, ainsi proclamé à l'unanimité lors de l'assemblée générale du 29 octobre dernier, à laquelle ses promoteurs assignent l'objectif ferme ne visant pas moins sinon le retrait pur et simple de cette loi au moins une modification profonde des articles limitant drastiquement l'indépendance de la profession ou, a contrario, selon eux, renforçant à outrance sur elle la tutelle du ministre chargé des Finances.
Le deuxième rang, mais dont en l'occurrence le corps est parfaitement car légalement constitué, en vertu de la loi n°10-01, par un conseil national de la comptabilité placé sous l'autorité du ministre chargé des Finances, dont les partisans, à commencer par le président de la Chambre nationale des commissaires aux comptes, Cherif Bournane, aiment à se faire distinguer par rapport à leurs confrères réfractaires par le qualificatif de 'légaliste', c'est-à-dire en parfaite concordance de phase avec les décisions du gouvernement visant à assainir, restructurer, moderniser et actualiser les conditions et modalités d'exercice des professions d'expert-comptable, de commissaire aux comptes et de comptable agréé.
La première manifestation d'envergure pour ce faire a donc eu lieu à l'hôtel Hilton d'Alger, dans la journée du 31 octobre dernier, à travers la tenue de la première assemblée générale de la Chambre nationale des commissaires aux comptes et dont le moins que l'on puisse retenir est qu'elle aura permis aux centaines de professionnels, au moins 500 participants, venus eux aussi de toutes les wilayas du pays, d'exprimer leur satisfaction de voir, enfin, les autorités publiques accorder une meilleure attention à leur profession.
En effet, selon les nombreux experts et commissaires aux comptes approchés lors de la tenue de cette assemblée, dont certains témoignent d'une compétence d'envergure internationale, à l'instar des cabinets Mohamed Harfouche et Belaïd Eldjama, le premier étant membre de Baker Tilly International et le second de CMA Canada, il devenait plus qu'urgent que le gouvernement vienne à la rescousse de leur domaine d'activité professionnelle qui, à tout le moins, était en passe d'encourir les risques d'une grave 'clochardisation' !
Et, dans la foulée des nombreuses confidences que certains livraient sur la profession de commissaire aux comptes et de comptable, qui en colère par dépit, qui en s'amusant ironiquement, en citant de nombreux cas d'acquisition irrégulière d'agréments. Pour rappel, l'innovation majeure de la loi n°10-01 a consisté en la création d'un conseil national de comptabilité divisant la profession en trois catégories, à savoir l'Ordre national des experts-comptables, l'Organisation nationale des comptables agréés et la Chambre nationale des commissaires aux comptes et, partant, instituant cinq commissions paritaires chargées respectivement de la normalisation des pratiques comptables et des diligences professionnelles, de l'attribution des agréments, de la formation, de discipline et d'arbitrage et du contrôle de qualité.
Toutefois, que ce soit au cours de l'assemblée générale de l'Unpca ou de celui de la Chambre nationale des commissaires aux comptes, les professionnels ont à l'unanimité dénoncé leur exclusion par le gouvernement tant lors de l'élaboration de la loi que de ses textes d'application.
Par ailleurs, un certain nombre de points ont été soulevés avec force dans les deux camps, à savoir un, celui portant sur l'instauration d'une enquête d'habilitation dorénavant exigible par les derniers alinéas des articles 6 et 7 du décret exécutif 11-30 du 27 janvier 2011 aux professionnels comme condition sine qua non d'exercice, deux, sur la question de la valorisation des acquis professionnels à l'instar des pratiques internationales, trois, sur la problématique de la présence en Algérie des bureaux conseils, de comptabilité et d'audit étrangers laquelle est en soi en totale contradiction avec les dispositions légales en vigueur et dont on a donné en exemple le cas du chiffre d'affaires réalisé en Algérie par KPMG rien que pour l'exercice 2010, qui aurait atteint, quant à lui, le montant de 123 millions d'euros.
En tout état de cause, quelle que soit la position des uns et des autres, du gouvernement, des loyalistes ou des contestataires, et ce, dans un contexe mondial où l'intervention de l'Etat en matière de gouvernance est fortement dénoncée à cause notamment du manque de transparence, il n'en demeure pas moins que la problématique de la loi 10-01 relative aux professions d'expert-comptable, de commissaire aux comptes et de comptable agréé peut engendrer des polémiques qui risquent de basculer dans des mouvements de contestation ou de confrontation dont il est très difficile d'en prévoir les conséquences, d'autant plus que les différentes organisations professionnelles projetteraient d'unir leurs efforts pour conjuguer leurs revendications.
Mohamed FARADJI
Posté Le : 02/11/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mohamed FARADJI
Source : www.liberte-algerie.com