Si certains centres de colonisation furent créés rapidement, presque dû jour au lendemain (1), pour d'autres par contre, la décision traîna dans les cartons poussiéreux des Services officiels des années, des décennies! Tel fut le cas pour Tadjena dont la création projetée, étudiée depuis 1871, faisant même l'objet d'une pétition des habitants de Tenès et Montenotte, revêtue de 281 signatures (2), qui ne vit le jour que le 20 mai 1900.
C'est donc un village récent, puisque la grande majorité des neuf cent soixante-quinze (975) centres de colonisation algériens naquirent dans les deux dernières décennies dû siècle précédent. Les affiches annonçant l'expropriation des terres (suivie de dédommagement) pour son établissement furent placardées avec le nom de Tadjena dont l'étymologie peut être recherchée soit dans le :
- lieu où la terre pour fabriquer les "Tadjin"
est abondante
- endroit rêvé pour les "djenan" (jardins) Par contre lors de sa naissance officielle le nom dû lieu fut francisé en lui attribuant celui dû célèbre peintre-écrivain, Eugène Fromentin, dont la renommée fût établie par ses tableaux et ses livres sur la colonie.
A l'origine il subit, comme la grande majorité des autres centres, un défilé de concessionnaires immigrants qui devant la désolation de ces croupes dénudées, le manque de routes et l'éloignement des villes ne restaient que le temps de louer (3) leur lot avant de repartir. Certains, plus retors, construisirent une habitation qui avait tout du gourbi, donnaient leurs terres en location ou métayage jusqu'à l'obtention de leur titre de propriété obtenu après trois ans de séjour. Le document dûment paraphé par l'autorité supérieure, ils s'empressaient de vendre et repartaient plus nantis qu'à leur arrivée.
Il existait heureusement un "noyau dur" de colons, "Algériens (4)" qui n'avaient droit qu'au tiers des concessions des nouveaux centres. Pour eux la solution de rechange n'existait pas ! aussi ils s'accrochèrent ! Peu à peu, un petit pourcentage d'immigrants se fixa et l'Administration, obligée de combler les vides, accepta, contrainte et forcée, que d'autres gens du cru s'installent.
Les quarante feux prévus initialement ne furent plus que dix-neuf par suite des abandons.
Peu à peu les croupes dénudées, selon les saisons, offrirent toute une palette de tons, du marron au vert qui va virer au jaune d'or des blés lourds d'épis. Au printemps les, mille coloris des fleurs des champs auraient certainement tenté un Corot, séduisirent nos peintres algériens tels Benjamin Saraillon. Les pampres des vignes montaient à l'assaut des plateaux de terres rouges. Niché dans son écrin de verdure Fromentin vivait.
Mais ce qui précède peut être dit pour la quasi totalité des villages d'Algérie. Rien à ce sujet ne distingue mon village des autres centres.
Mais pourquoi écrire un livre, et vouloir le fairelire à d'autres si l'histoire est si banale ?-
Tout d'abord je l'ai fait pour que mes descendants n'aient pas honte de leurs ancêtres avec ce que comportent à notre sujet les programmes scolaires !. Puis, je me suis piqué au jeu. Après avoir lu plusieurs ouvrages similaires au mien, j'ai constaté, sans forfanterie (ce n'est pas mon genre) que le nouveau village, héritier de Tadjena avait une particularité : les Fromentinois.
Vous découvrirez au cours des pages que nos anciens furent souvent des coryphées tant par leurs innovations dans la culture que dans la défense des droits des colons. Vous constaterez aussi que la jeunesse fromentinoise a toujours été active, joyeuse, dynamique. Bien des villages de notre voisinage nous enviaient à ce sujet. Nous étions conviés chez eux pour réaliser des bals avec notre orchestre, des tournois de volley-ball, de foot-bail, etc.... ! et ceci dans un rayon dépassant largement les limites de l'arrondissement.
Quant aux fêtes estivales, lesquelles pour nous villageois enracinés représentaient le meilleur divertissement, les comités organisateurs s'empressaient de nous prévenir pour s'assurer de notre présence. Ils savaient que celle-ci ferait boule de neige, développant une ambiance de bon aloi garantissant la réussite de leurs réjouissances.
Mais ce n'est pas pas tout, ce serait encore trop fade !. Il y a les "figures" du village qui, j'en suis sûr, vous séduiront. Vous découvrirez au fil des pages, "le Parisien", certain Garde-Champêtre, aussi, ne les oublions pas, nos ex-concitoyens indigènes : "Kefoussa", "BOzio", "El Kheir" etc.... sans négliger pour autant l'histoire du Dahra et ses anarchistes ou les inoubliables personnages que furent Kellal Almenouar ou "Doukiche".
Je ne vous en dis pas plus, bonne lecture!.
Luc Tricou
(1) Tels Orléansville et les villages des quarante-huitards.
(2) Chiffre qui est remarquable pour l'époque !
(3) ayant signé leur attribution ils en étaient maîtres un an
(4) terme désignant ceux nés en Algérie, ou fils de colons.
Une monographie complète de Fromentin vient de sortir sous forme d'un livre très agréable à lire.
224 pages de l'histoire mouvementée de ce village qui est disponible chez l'auteur au prix de 250 F Franco de port : Luc Tricou -
U Carabellu
20260 Calvi
Posté Le : 19/05/2008
Posté par : y-boudghene
Ecrit par : Luc Tricou
Source : http://www.alger-roi.net