Le gouvernement vient de redonner son quitus au commerce de la fripe en
introduisant dans la loi de finances complémentaire, un amendement à l'article 123
de celle de l'année dernière.
Encore une fois, le gouvernement vient de se déjuger en réintroduisant un
article qu'il a pourtant supprimé dans la loi de finances d'il y a à peine une
année. Pour rappel, la semaine dernière, l'APN a voté
l'article à la majorité. Interrogé sur les ondes de la radio hier matin sur ce
revirement de situation, le ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion des
investissements a vite répondu « le gouvernement était contre mais le Parlement
est souverain. » Les précisions sur ce vote donnent cependant un aperçu sur
l'identité sur ceux qui ont fait quoi. Il y a eu quatre amendements qui ont été
proposés pour ce même article « avec le même contenu et le même exposé des
motifs,» relèvent des observateurs. Le prétexte sur lequel les amendeurs ont
bâti leur plaidoirie en faveur de la réintroduction de la fripe sur le marché
était que «le secteur générera 15000 postes d'emploi. » Depuis le temps qu'il
se pratique, il n'y est pas arrivé. Ils narguent même l'Etat et ses
institutions en lâchant que «de toute façon, cette importation est faite dans
l'informelle donc autant la faire légalement. » Les deux députés sur les quatre
qui ont proposé cet amendement sont du groupe RND, les deux autres sont pour
l'un du MSP et pour l'autre du groupe indépendant. L'on estime même que la
position du ministre des Finances était «passive» lors de son passage devant la
commission des finances de l'APN. Il avait expliqué
pourtant que « l'orientation actuelle du gouvernement était plutôt pour le
soutien à l'industrie du textile national. » Il avait même rappelé les mesures
prises dans ce sens comme l'effacement des dettes des entreprises publiques, chiffres
à l'appui. Karim Djoudi avait aussie
souligné les effets négatifs de la friperie sur la santé publique. Acculé par
les membres de la commission, fatigué physiquement qu'il est, le ministre des
Finances a battu en retraite mais a tenté quand même de limiter les dégâts de
ce commerce en proposant que l'importation des chaussures en soit exclue. Heureusement
pour lui que la commission ait accepté de lui faire cette faveur. Mais elle
votera dans son ensemble, l'amendement proposé par les 4 députés à l'exception
des députés du PT.
Quand les députés défendent la fripe
Il est donc désormais permis de dédouaner des vêtements de fripe
conformément à la position tarifaire 69-09, en excluant les chaussures « pour
cause d'impact sur la santé. » L'importation se fait uniquement par le port. Les
votants recommandent au gouvernement d'en garantir le contrôle sanitaire et de
prendre des dispositions pour sauvegarder le produit national. La plénière de
l'APN votera l'amendement à la majorité. Les députés
qui y ont voté contre sont ceux du PT et deux autres du FLN. Les spécialistes
de la santé attirent l'attention que ces vêtements comportent un danger pour la
santé humaine « car transporteurs de parasite, comme celui de la gale. » Il est
en outre noté que « les services des douanes et ceux du commerce ne sont pas
dotés des moyens qu'il faut pour effectuer les contrôles sanitaires nécessaires
comme les analyses parasitaires ou autres tests. » Il est connu et prouvé que
le gouvernement a toute latitude de bloquer un amendement et ce quel que soit
son objet et ce en présentant des arguments imparables devant les commissions
parlementaires qui en font la lecture. Mais il est clair qu'il n'est pas gêné
de travailler dans la pure contradiction que seule une incompétence sournoise
peut s'en prévaloir. La preuve est qu'il a fallu un mouvement de protestation
dont le Premier ministre a avoué publiquement en connaître les instigateurs
pour que tous les ministres se rétractent sur leurs soi-disant mesures de lutte
contre l'économie et le commerce informels. C'est ainsi qu'ils sont revenus
sans complexe aucun, sur les mesures réglementant l'activité commerciale, l'importation
de certaines marchandises, le paiement par chèque et l'exigence des factures
aux commerçants. C'est par une vision étriquée et erronée des faits et des
situations que les gouvernants ont préféré voir en les mouvements de
contestations de ces derniers mois uniquement des demandes d'argent ou plus
précisément des revendications du partage de la rente.
Des choix à la carte
Et parce qu'ils ont fait des choix à la carte pour que les petites gens
s'occupent plutôt à renchérir (démocratiser) l'esprit rentier du pouvoir, ils
ont refusé par conséquent, de dresser des grilles de lecture qui appellent un
véritable changement politique et des mentalités, exigeant l'instauration d'une
véritable démocratie et imposant le respect des devoirs, des droits et des
libertés. Mais à entendre le Premier ministre disserter sur les nombreuses
tribunes qui lui sont offertes depuis quelque temps, l'on se dit peut-être que
ce qu'il défend comme mode gouvernance, programmes et projets sont le produit
d'une stratégie de haute voltige que le commun des mortels nationaux ne peut comprendre.
D'autant qu'il le fait avec une froideur d'esprit et sur un ton arrogant jamais
égalés. S'il lui arrivait à lancer des paris, l'Exécutif Ouyahia
aurait gagné haut la main celui de la gouvernance dont la longévité a été
fortement marquée par l'absurde. Pour ceux qui ne l'ont pas lu dans ces mêmes
colonnes, le président Bouteflika a avoué un jour, à
un de ses compagnons que «ce gouvernement a été nommé par accident et maintenu
par oubli. » Une telle sentence aurait en principe titillé la dignité d'aux
moins quelques ministres dont on dit que « ce sont des fils de famille. » Mais
il semble que les membres de l'Exécutif et bien d'autres responsables ont eux
aussi oublié d'en avoir. Ceci se confirme quand on se rappelle toutes les
réprimandes que Bouteflika leur assène depuis qu'il a
occupé le siège d'El Mouradia sans qu'aucun d'eux ne
daigne remettre sa démission. Le président de la République donne l'air de les
connaître assez bien sur ce plan pour les traiter avec autant de mépris en les
qualifiant de gouvernement qu'il ne retient que «par oubli». L'on dit que
depuis quelques années, il ne veut voir personne d'entre eux même le Premier
ministre et qu'il les instruit tous pas la voix de son secrétaire particulier, Mohamed
Rougueb.
La gestion par l'absurde
Il est vrai que dans les gouvernances modernes et responsables, le chef
de l'Etat doit être ce dernier recours en cas de grave difficulté qui
risquerait d'entacher la notoriété de l'Etat que ce soit au plan interne ou
externe. Et même là, il doit être l'arbitrage face à des gouvernants qui sont
censés lui formuler des sorties de crise claires et précises. Mais en ignorant
son gouvernement, Bouteflika donne l'air d'avoir
décidé de tourner le dos au pays tout entier et de ne voir en les tragiques
bouleversements qui le secouent qu'un caprice de populations gâtées. Ceci étant
dit, il apparaît qu'à mépris affiché, mépris confirmé. Il n'est pas aussi
difficile de constater que l'équipe Ouyahia tourne
quotidiennement autour d'elle-même sans pour autant avoir un cap défini. Le
dernier Conseil d'association entre l'Algérie et l'Union européenne en dit long
sur « ce cas d'espèce. » Peu importe si tout un gouvernement se trompe de
secteurs, de listes de produits ou de niveau de démantèlement tarifaire quand
personne ni aucune instance ne demandent à voir. La gouvernance par l'absurde
est aussi grandement prouvée au niveau des administrations publiques, celle des
collectivités locales étant la plus atroce machine d'erreurs et d'inepties
qu'on n'ait jamais vues.
Les citoyens qui ont choisi comme l'exigerait la gouvernance moderne, de
télécharger les documents pour l'établissement d'un passeport, d'une carte
d'identité ou d'un permis ont vite déchanté en entendant les préposés des
guichets des administrations concernées leur dire que les formulaires mis sur
le site du ministère de l'Intérieur ne sont pas les mêmes que ceux retirés aux
niveaux des administrations locales. L'on s'interroge alors s'il est possible
qu'un ministère de souveraineté qui batte la mesure aussi fortement et aussi
longtemps pour claironner dans les espaces publics qu'il a réussi la
modernisation de l'administration locale ainsi que l'allègement des procédures
de retrait de ces documents d'identité, puisse patauger dans un désordre aussi
effrayant. Les collectivités locales ne sont pas uniques dans leur genre. Les
secteurs comme la santé ou l'éducation leur ressemblent tellement.
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Posté Le : 23/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com