Algérie

Frilosité



On peut critiquer à l?infini le programme ou plutôt le ?produit télévisuel?? conçu à court, moyen ou long terme peu importe? qu?offre à ses consommateurs potentiels la télévision algérienne, à travers ses trois canaux (ENTV, Canal Algérie et A3), mais s?est-on jamais demandé pourquoi tous ceux qui se sont succédé à la tête du petit écran national, HHC l?actuel locataire du boulevard des Martyrs y compris, n?ont jamais réussi à donner une vraie et grande impulsion à ce média lourd qui rythme, malgré lui, la vie sociale, économique et culturelle du pays et sans lequel le pouvoir politique ne saurait exister ? La question est pourtant essentielle aujourd?hui, alors que le ciel maghrébin, celui qui nous intéresse en premier lieu, est devenu un terrain d?affrontement médiatique hautement stratégique. Elle nous renvoie à la problématique du financement qui détermine tout le reste. Lorsqu?on sait que le budget annuel qui est alloué par l?Etat à l?ENTV ne dépasse pas les 10 millions de dollars, on comprend dans quel engrenage financier se débat la direction de l?Unique pour essayer de maintenir à peu près correct le standing d?une télé nationale qui, hélas, malgré toute sa bonne volonté ne parvient pas à faire face à la redoutable concurrence à laquelle elle est soumise. Dix millions de dollars par an pour faire tourner la boîte dans toute la diversité qu?implique une programmation digne de ce nom, qui ambitionne de s?adresser aux goûts des téléspectateurs qui sont loin d?être faciles à satisfaire, c?est assurément une enveloppe qui fait rire de nos jours, sachant qu?à titre comparatif la chaîne franco-marocaine Medi1 Sat a bénéficié de la somme de 14 millions de dollars uniquement pour les besoins de son lancement. Et si on ajoute que le budget annuel d?El Djazira, par exemple, avoisine les 50 millions de dollars et que celui de la RTM, la télévision publique marocaine, est quatre fois supérieur à la nôtre, on a une idée plus précise sur le rétrécissement du champ d?action de l?ENTV, réduite par la force des choses plus à vivoter qu?à évoluer avec des ambitions qui lui ouvrent à chaque fois de nouveaux horizons. La grande faiblesse de la télévision algérienne et, par conséquent, la source de son énorme retard demeure l?argent. Pourquoi donc le pouvoir politique qui considère le petit écran comme son propre miroir s?est-il toujours abstenu de lui allouer les budgets conséquents qui lui permettraient d?assurer dans des conditions plus viables sa mission de service public ? Si les Marocains ont pu le faire, pourquoi pas nous ? Bien sûr que l?entreprise, par la pléthore de son personnel souvent mal utilisé, est souvent présentée comme un gouffre financier sans fin qui donne des sueurs froides aux argentiers du pays, mais est-ce la bonne solution de maintenir perpétuellement sous perfusion un organisme de communication aussi sensible, sous prétexte que, de toute façon, malgré toutes les tares qu?on peut lui attribuer, la télé nationale s?acquitte de l?essentiel ? Tout est dans la volonté politique, diront les spécialistes de l?audiovisuel qui pensent que si les dirigeants en place n?ont pas le souci de laisser la télé nationale atteindre un autre niveau, c?est parce qu?ils se suffisent d?un média juste bon à répercuter le discours officiel. Cette tendance n?a jamais dévié de la relation sacrée qui a toujours existé entre le pouvoir et la télé. Sauf que par l?usure du temps, l?Unique a fini par être discréditée et devenir politiquement improductive. Dans la logique du bouleversement médiatique auquel nous assistons continuellement et qui s?impose désormais comme référent inévitable pour les opinions publiques, la banalisation du média national le plus puissant et le plus influent est perçue comme un lamentable gâchis et une propension dangereuse à la fois, compte tenu du fait qu?avec ses énormes potentialités techniques, artistiques et administratives, l?ENTV a les moyens de revenir au premier plan dans le contexte audiovisuel régional si on lui donne la liberté de se redéployer. Voudra-t-on d?une télé offensive et imaginative capable de réconcilier les Algériens avec eux-mêmes, ou se contente-t-on d?une télé passive, à la traîne, qui faute de ressources n?aura plus qu?un rôle de comparse à assumer ? En principe, le choix ne se pose même pas, connaissant l?affection que portent les Algériens à leur petit écran les rares fois où celui-ci arrive à répondre à leurs préoccupations. Mais la balle étant dans le camp des décideurs, faut-il croire que d?éventuels changements restent illusoires ? En tout état de cause, ce qui est désormais en débat, ce n?est plus la médiocrité de l?Unique qui a dépassé le stade du constat, mais bien les motivations qui l?empêchent d?être autrement plus attractive. L?Algérie, en ce début de siècle, ne peut plus se permettre d?évoluer avec une télé comme simple appendice du pouvoir. Les besoins en matière de loisirs, de divertissement, de culture... sont à ce point les indicateurs d?une société qui exige une image plus conforme à ses réalités. C?est dans cette perspective qu?entraient les projets des trois chaînes éducatives (tamazight, sport, culture) et qui, faute de fric, sont toujours mis en veilleuse, pendant que nos voisins occupent le moindre espace. L?Algérie est-elle à ce point frileuse quand il s?agit d?investir le champ audiovisuel ?


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