Algérie

Fréquentes fréquentations



Une quarantaine de magistrats révoqués pour fautes et manquements, cette nouvelle ressemble à l?amorce d?une salutaire campagne pour la moralisation de la vie publique. A y regarder de près pourtant, on s?aperçoit que les magistrats révoqués sont coupables de corruption bien sûr (voler, c?est pas bien) et de « violation de l?obligation de réserve » (parler à la presse, c?est pas beau). En cherchant encore les motifs de révocation, on trouve « abus d?autorité », ce qui représente très bien ce qui se passe en Algérie, mais surtout cette étrange accusation : « Mauvaises fréquentations. » Si le fait de fréquenter des personnes, qu?elles soient bonnes ou mauvaises, n?est pas à proprement parler un délit, dans l?opacité des réseaux d?influence et des m?urs algériennes, on peut échafauder les hypothèses les plus perverses. Entre le simple rapport maladroit d?habilitation des RG, Renseignements généraux, et la dénonciation hasardeuse du voisin jaloux, on ne sait pas vraiment quoi mettre derrière ce concept très flou de « mauvaise fréquentation » tant les ennemis de la bienséance sont nombreux dans la tête des Algériens. On ne sait pas qui fréquentaient les juges incriminés, des vampires à la solde de la CIA, des extraterrestres binationaux, des sorcières juives, des Druzes harkis ou encore des Noirs homosexuels et des voyantes du FFS. Mais on se rend compte du coup que les ennemis potentiels des Algériens, ce que le ministre de la Justice appelle « les mauvaises fréquentations », sont aussi nombreux que la morale collective est stricte. Peut-on fréquenter une prostituée, un patron de bar, un repenti, un communiste, une coiffeuse ou un membre des archs sans être mal vu par ses voisins et sa hiérarchie ? Non. Ce qui explique que le responsable de la révocation de ces magistrats aurait d?abord dû expliquer ce qu?est une mauvaise fréquentation.


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