Algérie

Franz Kafka : la littérature contre le déni



Dans Qui était Kafka ?, diffusé sur Arte, le cinéaste Richard Dindo s’attache à percer le mystère d’un écrivain dont la vie personnelle est masquée par la notoriété de son œuvre.

Franz Kafka est né en 1883 dans une famille juive de Prague dont la figure dominante est celle du père, Hermann Kafka, un colosse dont le tempérament et la force physique contrastaient avec le caractère effacé de son fils. Hermann Kafka était un self-made-man qui s’était élevé dans la vie à la force du poignet. Dès les premières années de son existence, Franz Kafka avait été écrasé par ce père fantasque et autoritaire qui ne se retrouvait pas dans son fils, au point que Franz Kafka s’identifiait plus à sa mère qu’il plaidera d’être sous la coupe de ce tyran domestique. Hermann Kafka avait élevé ses enfants dans le culte de la tradition germanique. Bien que Praguois, Franz Kafka n’avait étudié que l’allemand qui sera d’ailleurs sa langue de travail et d’expression : il apprendra le tchèque assez tardivement de manière volontariste. Toute sa vie, Franz Kafka vouera à ce père despotique une haine qui n’était en fait que le témoignage de protestation d’un amour filial repoussé. Rien de ce que fit Franz Kafka ne trouva grâce aux yeux de ce père terrible qui méprisait son enfant. Outre ses trois sœurs, Franz Kafka avait eu deux frères, Georg et Heinrich, qui étaient morts dans les premières années de leur vie, le laissant unique garçon de la famille. C’est dans cet épisode que le ressentiment de Kafka père envers le fils survivant trouve son explication. L’hostilité paternelle ne sera pas un obstacle aux brillantes études de Franz Kafka, conclues par une licence en droit obtenue à l’université allemande de Prague. Lorsque Franz Kafka s’engage dans la vie professionnelle, il choisira d’exercer dans le domaine des assurances où sa formation de juriste lui sera d’un grand secours. Pourtant, Franz Kafka n’aime pas travailler, non par paresse, mais parce que son emploi dans les assurances l’empêche de se consacrer à sa seule passion qui est l’écriture. Franz Kafka se plaindra constamment de cette entrave à sa liberté, sans avoir d’autre choix, car il ne voulait surtout pas dépendre de son père qui, du reste, regardait avec dédain la carrière de son fils et aussi son goût pour la littérature qu’il considérait comme suspect et vain. Lorsque Franz Kafka offrit un exemplaire dédicacé d’un de ses romans, Hermann Kafka se borna à ordonner à son fils de déposer le livre sur un meuble, sans y jeter un seul regard. Franz Kafka en était venu à se sentir étranger parmi les siens. Dans la maison familiale, il avait le sentiment de s’enfermer chaque jour dans une cellule. Cette atmosphère dramatique influencera fortement les romans de Kafka, traversés par l’idée tragique de l’absurdité de l’existence. Franz Kafka n’aimait bien sur pas sa vie faite de ces sourdes adversités familiales dont le pic culminait dans la détestation du père. Franz Kafka se jugeait incompatible avec Prague, une ville où il étouffait. Franz Kafka, par antagonisme envers son père, faisait de fréquentes incursions dans le ghetto de Prague et, au contact de ses origines juives, il allait devenir un sioniste militant et, en cela, il entendait se heurter à son père qui n’avait que dérision pour leur religion. Franz Kafka fut de ceux qui parlèrent du retour en Palestine. Mais il ne quitta Prague que pour de courts voyages du côté de Berlin ou de Vienne. Sa santé, ordinairement fragile, décline brutalement. Il fera de nombreux séjours en sanatorium sans que les médecins puissent venir à bout de la tuberculose qui finira par l’emporter, près de Vienne, le 3 juin 1924. C’est après sa mort que l’œuvre de Franz Kafka, plus particulièrement La métamorphose, Le château et Le procès, parviendra à un retentissement mondial qui le consacre comme l’un des auteurs essentiels du XXe siècle. Il en aurait été, sans nul doute, le premier surpris tant il ne nourrissait aucune ambition pour sa propre littérature, au point d’en avoir délibérément brûlé une grande partie. Au voisinage d’un père castrateur, Franz Kafka n’écrivait que pour ne pas mourir.


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