Algérie

Frantz Fanon : une oeuvre nécessaire pour comprendre le monde d'aujourd'hui



Frantz Fanon : une oeuvre nécessaire pour comprendre le monde d'aujourd'hui
L'actualité et le caractère visionnaire de la pensée du militant de la cause algérienne Frantz Fanon, ont été mises en avant lors du colloque international qui lui a été consacré ces derniers jours à Alger où l'on a insisté sur les mises en garde de Fanon dans "Les Damnés de la terre" sur les risques de faillite des projets nationaux après les indépendances et de retour du colonialisme sous de nouvelles formes.
Des intellectuels et écrivains d'Afrique et d'Asie ont, à l'occasion, relu Fanon à la lumière de la crise financière mondiale et ses conséquences sur les couches sociales les plus démunies ainsi que sur les révoltes dans le monde arabe, convoquant l'apport de la pensée de Fanon pour répondre aux défis d'un monde globalisé où l'oppression perdure.
La première journée du colloque à été l'occasion pour la fille du penseur, Mireille Fanon Mendès-France, d'estimer que le rapport de domination, mis en évidence par le psychiatre , trouvait aujourd'hui sa continuité dans "l'échec relatif" des indépendances, "entretenu" par l'Occident grâce aux méthodes de "déstabilisation" et de la présence dans ces pays de "supplétifs locaux de l'ordre colonial" sous la forme d'une "bourgeoisie nationale" contre lesquels Fanon avait mis en garde.
L'économiste égyptien Samir Amin est revenu, pour sa part, sur la notion de "dépossession" chez Fanon, caractéristique du système colonial et de sa forme actuelle, l'impérialisme, basé sur la "dépossession des pays périphériques" par l'exploitation des ressources au détriment des peuples.
Lors de la deuxième journée, une communication du penseur libanais Georges Corm a été lue à l'assistance dans laquelle ce dernier a attiré l'attention sur les tentations de "retour vers le passé" des mouvements islamistes qui seraient, selon le penseur, l'expression d'une "altérité artificielle", alors que Fanon proposait une "altérité plus radicale" dans sa conception de la libération des peuples colonisés, passant par la "construction" d'une "conscience nationale".
L'universitaire égyptien Helmy Shaaraoui est revenu, lui, sur les évènements de la Place Tahrir (Caire), ainsi que les divers mouvements de protestation à travers le monde, en s'appuyant sur les concepts fanoniens de "violence" et de "spontanéité", développés dans "Les Damnés de la terre".
Helmy Shaaraoui a souligné la transformation de la "violence coloniale" reprenant le concept de "soft power", utilisé par les analystes pour qualifier les méthodes néo-coloniales d'oppression et d'exploitation, dont l'aide humanitaire et l'hégémonie médiatique en sont l'expression, selon lui.
Les intervenants de la troisième journée ont rappelé que la pensée de Frantz Fanon était inséparable de son militantisme en soulignant que les différentes interprétations de l'oeuvre du psychiatre avaient séparé sa pensée de son engagement pour l'indépendance des pays colonisés et privilégié des approches pluridisciplinaires ainsi que des grilles de lecture d'inspiration européenne.
Pour l'universitaire égyptien, Mohammed Hafez Dyab, les travaux de recherche sur Fanon sont dominés par deux approches. Une lecture "conceptuelle" analysant séparément le thème de la violence ou de l'aliénation, dit-il, et une lecture "référentielle" s'attachant à trouver chez Fanon les influences de penseurs comme Marx, Luckas et Gramsci, entre autres.
Ces approches de la pensée fanonienne ne prennent pas en compte son "dynamisme", lié, selon Mohammed Hafez Dyab, au fait que son oeuvre a été "écrite dans l'urgence" de la guerre de libération de l'Algérie, dans laquelle le psychiatre était engagé.
Le sociologue Algérien Lyes Boukra a tenté de cerner, à la suite de Fanon, les signes de la "mésaventure de la conscience nationale" après l'indépendance, estimant que les revendications identitaires au lendemain l'indépendance "se sont faites au détriment de la conscience nationale" et voyant dans ces dernières, un "risque de régression" vers des formes "infra politiques", comme le "régionalisme" ou l' "obscurantisme", reprenant à son compte les mises en garde de Frantz Fanon, mises en relief par de nombreux intervenants au colloque depuis son ouverture.
Organisés du 1er au 10 juillet par les éditions APIC, les rencontres "Esprit Frantz Fanon" se déclinent en un colloque et des activités littéraires.
Né en 1925 en Martinique, Frantz Fanon avait été nommé médecin-chef à l'hôpital psychiatrique de Blida, avant d'entrer en clandestinité pour rejoindre, en 1957, les rangs du Front de libération nationale (Fln) et s'engager pour l'indépendance de l'Algérie. Frantz Fanon a été emporté par une leucémie en 1961 dans un hôpital américain.


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