Algérie

Frantz Fanon, une oeuvre d'actualité



Le colloqueorganisé par Avenpace Institution sur Frantz Fanon, «Fanon anti-colonial, Fanonpost-colonial» a été clôturé jeudi, laissant l'idée marquante que l'oeuvre de Fanonpropose une réflexion sur des thèmes qui restent étroitement liés à l'actualitéd'aujourd'hui.  Edward Saïd, l'intellectuel palestinien, dansson livre «Culture et impérialisme» (1992), souligne très bien ce caractèrelorsqu'il dit: «Lire Jane Austen sans lire aussi Fanon et Cabral, c'est couperla culture moderne de ses racines, de ses engagements, de ses attaches...».Edward Saïd a raison de souligner que la modernité de Fanon est de «déformerl'empire de la culture dominante et de son adversaire nationaliste, dans unedémarche qui entend regarder au-delà des deux vers la libération», estime AliceCherki, psychanalyste et auteur de la biographie de référence de Frantz Fanon.Pour Cherki, l'un des thèmes centraux de «Peau noire, masque blanc», premierlivre de Fanon, paru en 1952, est le trouble de l'image corporelle sous leregard opaque et rejetant de l'autre. «(...) Le sujet colonisé et +racisé+ estfragilisé dans son devenir, et Fanon dira d'une façon éloquente l'effet depétrification, de sidération que produit la rencontre avec cette situation»,souligne Alice Cherki, avant d'affirmer que ce type de situation que Fanon nousaide à interroger est d'une grande actualité. «Le grand corps malade», comme leclament certains jeunes aujourd'hui (les jeunes de la banlieue issus del'immigration en France, ndlr). Khaled Ouadah,dans une communication intitulée «Le psychisme et son assignation culturellechez Fanon», paraphrase également Edward Saïd dont il reprend les propossuivants: «Quand Fanon a écrit ses livres, il voulait parler de l'expérience ducolonialisme français telle qu'elle est vue par un Français de l'intérieur d'unespace français jusque-là inviolable, et désormais envahi et réexaminé d'unoeil critique par un indigène contestataire». Edward Saïd affirme également, ens'adressant aux psychanalystes dans l'un de ses livres intitulé «Freud et lemonde extra-européen», que le penseur Frantz Fanon reste l'héritier le pluscontroversé de Freud. «Peut-être que cette idée forte d'Edward Saïd aidera àrompre un silence entretenu par une certaine psychanalyse formaliste maghrébineà l'endroit de Fanon», estime par ailleurs Khaled Ouadah.  Fanon n'était pas un apologue de la violence.Il s'interrogeait, comme d'ailleurs l'ont fait en leur temps Freud et Einstein,se demandant quelles étaient les conséquences des violences d'Etat, mêmelégitimées sur les individus, indique pour sa part Alice Cherki. Fanonrappelle, entre autres choses, dans les «Damnés de la terre», qu'il n'y a pasde tiers possible entre le gendarme, le policier et le colonisé. Ce dernier neconnaît rien d'autre que ce rapport de force binaire dans une impossibleidentification. Dans cette situation de violence, quelle peut être la réponsedu colonisé en dehors de tout espace de négociation ?, se demande Cherki. Làaussi, estime-t-elle, la description de ce rapport forcé par Fanon est d'uneétrange actualité.  Quel recours pour le colonisé ? Question cléqui se pose avec acuité aujourd'hui dans le monde arabe, notamment pour ce quiest du cas de la Palestine et de l'Irak, même si elle est actuellementpervertie, tendance du moment oblige, par ce qui est appelé par des pays commeles Etats-Unis, «la guerre contre le terrorisme». Tenté de s'identifier àl'agresseur, ce qui se fait dans une minorité de cas et à quel prix, sesoumettre ou alors retourner sur son propre corps une violence sans objet,erratique, qui peut alors le conduire à l'exercer sur lui-même ou sur le plusproche: l'ami, le parent, le voisin, affirme Alice Cherki. Cela nous parleencore aujourd'hui, précise-t-elle. Selon Cherki, la décolonisation de l'être«implique pour Fanon que si violence il y a du côté du dominé, elle n'estexercée que parce qu'il n'y a pas d'autre recours».


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