Algérie

Frange maritime côtoyant la pénétrante portuaire: La nécessité d'une vision moderniste pour ne pas gâcher le site



Si elle a d'ores et déjà rempli sa fonction de voie de transport terrestre, maillon essentiel de la logistique portuaire, tout en ouvrant de nouveaux horizons dans un espace longtemps tenu à l'écart du monde, la pénétrante du port peut faire encore mieux. Pour peu qu'elle reçoive le feu vert pour rejoindre la Corniche, cette route est à même de redéfinir toute la relation ville-port et partant reconfigurer Oran côté mer. À condition toutefois de ne pas faire dans le simplisme et le miniaturisme.

Le wali Saïd Sayoud n'était point subjectif lorsqu'il disait, depuis la tribune de l'hémicycle, il y a quelques jours, partager l'avis du président Abdelmadjid Tebboune selon lequel la frange maritime d'Oran était bien plus intéressante que celle d'Alger. Et qu'elle était de ce fait promise à un bien plus bel avenir. Présent à Oran le 25 août pour y animer un meeting électoral, le candidat à sa propre succession a eu une longue conversation avec le wali d'Oran au cours de laquelle le sujet d'actualité locale d'alors, la pénétrante portuaire, a servi de thème d'échange entre les deux hommes. Les perspectives de la ville d'Oran côté façade maritime, sur les plans urbanistique et touristique essentiellement, ont été longuement abordées lors de cette entrevue, a confié M. Sayoud qui a révélé avoir été subjugué par la subtilité et l'originalité de la vision du Président dans ce registre précis. Tout est affaire de vision en effet.

QUAND LE PRÉSIDENT DONNE SA PROPRE VISION SUR LE DEVENIR DU SITE

Que veut-on faire de cet espace qui était un « no man's land » avant l'arrivée de la route ? En quoi veut-on transformer cet arrière-pays de la ville longtemps enténébré et retranché de la carte ? Si Oran a malheureusement déjà complètement raté son front de mer côté Fernand-ville Canastel, avec un pêle-mêle de promotions immobilières de modeste standing, piètre architecture et sobre design qui trahissent une simplicité d'esprit des deux côtés du guichet unique, elle n'a plus droit à l'erreur sur la belle rive vierge créée sur son passage par la nouvelle route littorale Port-Canastel. Il faut surtout éviter l'amateurisme, le simplisme et les stéréotypes tout prêts. Là, il n'est point question d'un espace vide à remplir comme on a tendance à le faire dans chaque recoin de la cité avec le même prototype à base de quelques palmiers washingtonia, acacias et platanes, assortis d'une cascade ou d'un petit lac artificiel plus un terrain combiné avec balançoires, toboggans et jeux gonflables pour parachever le décor. A grand projet, de grandes idées. Telle doit être la devise des pouvoirs publics s'ils veulent vraiment réussir leur projet de revalorisation de la bande côtière de la ville depuis le port jusqu'à Canastel et par effet de liaison jusqu'à la pêcherie via la Corniche côté Ouest et Kristel côté Est. Il est admis que l'évolution du commerce maritime mondial a progressivement déconnecté l'infrastructure portuaire de la cité. Oran ne déroge pas à cette tendance. Le système ville-port peut se concevoir aujourd'hui de manière spatialement différenciée : la ville d'une, part, le port, d'autre part. Pour autant, ville et port dans leur complémentarité forment aujourd'hui les interfaces entre les domaines maritime, celui des échanges, et continental, celui de la production, des services et de la consommation. Cet éloignement physique de la ville et du port laisse d'importants espaces à revaloriser. Des exemples de certains pays développés montrent des reconversions réussies d'espaces portuaires en espaces urbains.

PROFITER DES EXPÉRIENCES DE CERTAINS PAYS

Dans ces aménagements, la valorisation d'un foncier disponible, bien placé, et la capitalisation sur l'image et l'imaginaire positifs de l'eau ne suffisent plus. La question de la réversibilité des aménagements ou, tout au moins, du maintien d'une certaine vocation maritime compatible avec la ville et l'exemplarité environnementale de ces projets sont aujourd'hui au cœur des réflexions à travers le monde. Les places portuaires peuvent être définies comme l'interface entre les espaces maritimes et continentaux, dépassant largement l'arrière-pays des villes, ouvert sur le monde, d'un côté, parfois sur un continent, de l'autre. Mais à l'intérieur même de cette interface, il en est une autre, mouvante au cours des temps, qui est celle de la limite entre le port et la ville. Sous un double phénomène d'évolution de l'organisation portuaire et de pression urbaine, certains espaces doivent changer de vocation. C'est le cas du site longeant la pénétrante du port d'Oran. Concrètement, l'on sait déjà qu'il est question de certaines opérations à brève échéance d'ordre paysagère et esthétique dont le traitement du talus et du massif rocheux, les cascades artificielles, les jets d'eau, la végétalisation des bordures et le reboisement des espaces dégarnis. Un port de plaisance est également prévu éventuellement sur fonds de l'Etat ou, à défaut, il sera procédé à un appel à manifestation d'intérêt (AMI) dans le cadre d'un projet promotionnel plus global et intégré, selon les éclaircissements du wali. L'hôtel Four Point by Sheraton est également concerné par le processus, du moins au niveau de l'assiette de terrain qui lui est concédée en vue de la réalisation d'une station balnéaire intégrée comprenant un centre de thalassothérapie.

FAIRE UN DEMI-TOUR À L'ENTRÉE DU PORT : UN NON-SENS

Bien sûr, l'idéal aurait été que cette route pénétrante ne s'arrête pas au seuil de la porte du port mais y pénôtre réellement et continue son petit bonhomme de chemin dans l'enceinte pour en sortir de l'autre bout, côté port de pêche, et se brancher ainsi avec la Corniche (Ouest) par le tunnel dit de la Pêcherie. Ce n'est pas trop tard, et d'ailleurs, conscient de l'enjeu d'une telle opération, le wali Saïd Sayoud a bien pris le soin d'en formuler une proposition par-devant le ministre des Travaux publics et des Infrastructures de base, Lakhdar Rakhroukh, lors de sa dernière visite à Oran, où il a été procédé à la mise en service de la pénétrante portuaire. Sans ce petit trait d'union suggéré à l'intérieur du port, la ville restera comme elle est : c'est-à-dire coupée en deux. Deux sous-espaces urbains de part et d'autre d'un port maritime complexé et hermétiquement renfermé sur lui-même. Une dislocation qu'on ne peut plus justifier à présent du moment que la solution est bien là. Au seuil de la porte du port.




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