En plus du regard inchangé porté depuis des siècles sur les «gens du
voyage» qui voit en eux des voleurs, des fourbes et d'inaptes à la
socialisation, le gouvernement français a décidé de les cibler et d'enquêter
sur les «richesses» de leurs «misères». Cela au moment même où corruption,
scandales financiers et fraudes fiscales éclaboussent des responsables jusqu'au
plus haut niveau de l'Etat.
Comme si les relents
pestilentiels du nombre effarant des « affaires » et des coups bas portés à
l'art de gouverner en France ces dernières années ne suffisait pas, donnant au
commun des Français une idée répulsive de la fonction politique, voilà le chef
de l'Etat, Nicolas Sarkozy, haranguant son gouvernement pour qu'il sonne la
charge contre les sans terre, les « gens du voyage ». Après les réfugiés
afghans de Sangatte, les sans-papiers africains ; après les chômeurs «
fainéants », les allocations familiales des parents démissionnaires ; après la
racaille des banlieues et les enfants voyous ; après les immigrées en foulards
et celles voilées intégralement ; après la recherche de l'identité française,
après…après... Sarkozy et son gouvernement nettoient la France des « dangers et
périls » qui menacent sa sécurité, son intégrité, son histoire séculaire, sa
démocratie, oubliant au passage que la liberté, la démocratie et les droits de
l'homme inscrits sur le fronton de la République ont été arrachés de haute
lutte, d'abord par les gueux, les pauvres, la plèbe et les… sans terre français
en 1789. Si la peur du quidam français des Manouches, Roms, Gitans, Tsiganes
(et tout ce qui lui est étranger) relève de l'ignorance et des contes et
légendes provenant du haut Moyen Age, celle des dirigeants politiques,
particulièrement celle du premier d'entre eux, relève de l'opportunisme
populiste et du cynisme politique.
«Les gens du voyage» : identité
administrative sous laquelle sont regroupés les 400.000 Français sans terre,
sans domicile fixe, sans espoirs d'affection et d'amour de la République. A la
morale bien-pensante qui accuse « les gens du voyage » de voleurs, fainéants,
fourbes et malhonnêtes, le président Sarkozy résume : inaptes à la modernité et
les lois de la République. Son ministre de l'Intérieur attise un peu plus la
haine du «bohémien» en déclarant que des inspecteurs spéciaux du fisc vont enquêter
sur l'origine de leurs richesses, symbolisées par des voitures, grosses
cylindrées, qui tirent leurs caravanes. Lui, le nanti, sait-il au moins le
nombre de miséreux qui vivent dans ces « camps » des temps modernes ? A-t-il vu
et rencontré la main d'une mendiante chétive aux yeux creux et tristes au matin
des hivers froids ? A-t-il entendu le cri du bébé qu'elle porte dans ses bras
au carrefour d'un quartier huppé de Paris ? A-t-il visité une roulotte de
Gitans ? Combien parmi les membres du gouvernement ont une idée de la misère
qui règne dans un campement de Manouches, Roms ou Gitans ? Quelle est
l'espérance de vie d'un bohémien ? Enfin, Sarkozy ressent-il la solitude de ces
errants de l'histoire européenne ?
«C'est auprès du feu, quand il ne
peut plus marcher sur la route, que le Manouche voyage plus loin. Le vent lui
raconte les paysages qu'il a traversés, les hommes qu'il a rencontrés, les
espaces bordés de haies, les hérissons qui s'y cachent. Pour lui… le voyage ne
s'arrête jamais» écrivait Guillaume Apollinaire. En ce début de 3ème
millénaire, à l'heure de l'abondance en Europe et des libertés accordées à
toutes les différences quelles qu'elles soient, religieuses, philosophiques, ou
celles accordées à tous les choix individuels, gays, féministes, droit de
mourir euthanasié, et même aux animaux qui conquièrent des protections
juridiques pour leur sauvegarde, les « gens du voyage» sont montrés du doigt,
stigmatisés, oubliés par la République. Que dis-je ? pourchassés, eux qui ne
demandent rien de plus que de vivre leur bohème. Quant à la prétendue pègre et
violence dont ils sont accusés, le ministre de l'Intérieur est le mieux placé
pour étaler les statistiques et de les comparer avec celles du reste des
Français à « part entière». Chiche !
Finissons ce «cri au secours» des
«gens du voyage» par le témoignage fait au 19ème siècle par l'un des plus
grands écrivains français, Gustave Flaubert, qui s'interrogeait dans une lettre
adressée à sa contemporaine George Sand, du regard porté sur les bohémiens
d'alors : «Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de bohémiens
qui s'étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j'en vois, et
toujours avec le même plaisir. L'admirable est qu'ils excitaient la haine des
bourgeois, bien qu'inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir
de la foule en leur donnant quelques sols (terrain), et j'ai entendu des jolis
mots à la prudhomme (tribunal administratif). Cette haine-là tient à quelque
chose de très profond et de très complexe. C'est la haine que l'on porte au
bédouin, à l'hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la
peur dans cette haine. » Et l'on sait jusqu'où peuvent mener ces deux
sentiments chez l'homme.
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Posté Le : 31/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com